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Malgré les violences, le Mali se prépare à changer de Constitution
Publié le jeudi 22 juin 2017  |  Le Républicain
6eme
© aBamako.com par Momo
6eme conférence de presse du ministre Abdel Karim Konaté sur le conseil des ministres
Bamako, le 17 mai 2017 le ministre Abdel Karim Konate en compagnie de ses homologues de l`Agriculture et des Droits de l`Homme ont tenus une conférence de presse au sécrétariat général du gouvernement
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L’attaque, dimanche, d’un camp de loisirs près de Bamako, revendiquée par un groupe djihadiste, a fait cinq morts. La veille, dans la capitale, des milliers d’habitants avaient manifesté contre la révision de la Constitution, soumise à référendum, qui organise un renforcement du pouvoir présidentiel.

C’était un« bain de nature »en périphérie de Bamako, un vaste complexe arboré, parsemé de cases de charme, conçu pour les loisirs et lefarnienteau bord de piscines creusées à flanc de colline. Le campement Kangaba accueillait séminaires, « team building », Maliens et étrangers encore autorisés par leurs employeurs à faire une escapade non loin de la capitale.

Le groupe Nusrat Al-Islam Wal-Mouslimin (JNIM), qui a revendiqué lundi 19 juin l’attaque du site, y voyait plutôt « un repaire d’espions et de débauche », selon la déclaration de cette alliance de groupes djihadistes sahéliens formée en mars 2017, dirigée par le Touareg malien Iyad Ag Ghaly et adoubée par Al-Qaïda.

Dimanche en fin d’après-midi, plusieurs assaillants ont pénétré dans le campement et ouvert le feu sur les visiteurs. Selon des informations officielles communiquées lundi en fin de journée, cinq personnes, dont un militaire malien et un militaire portugais de la mission de formation européenne EUTM, ont été tuées. Cette attaque est la quatrième à Bamako, après celles du restaurant La terrasse et de l’hôtel Radisson en 2015, et celle de l’hôtel Nord-Sud en 2016. Les deux premières avaient été revendiquées par Al-Mourabitoune, rallié depuis au JNIM.
Neuf jours plus tôt, l’ambassade des États-Unis à Bamako avait alerté d’un« risque accru d’attaques » contre des cibles occidentales dans la capitale.

Dans unetribuneamère publiée en janvier 2017, le fondateur du campement Kangaba, Hervé Depardieu, mettait en cause ces alertes et autres conseils aux voyageurs anxiogènes.« Est-ce aussi dangereux que cela de vivre à Bamako, comme tendent à nous le faire croire ces messages alarmistes ? Les conséquences de la sévérité de ces consignes sont énormes. Il faut bien les mesurer : nos familles et nos amis hésitent à venir nous rejoindre. Les candidats à l’expatriation deviennent plus rares et plus exigeants, ce qui freine ledéveloppementde nos activités. Bien sûr, le Mali est le grand perdant de tout cela. »

L’assaut du campement a montré, si cela était encore nécessaire, que la méthode Coué prônée au sommet de l’État malien ne convainc plus, alors que le pouvoir est décidé à organiser le 9 juillet un référendum constitutionnel sur un territoire en grande partie hors de contrôle, et en dépit d’une contestation de plus en plus forte.

La gorge sèche et le ventre vide en cette période de ramadan, des milliers de Bamakois ont manifesté samedi 17 juin, la veille de l’attaque, contre la révision de la Constitution de 1992, à l’appel de la plateforme « Antè Abana-Touche pas à ma Constitution ». « Félicitations aux leaders du nouveau mouvement démocratique malien pour une mobilisation historique qui fait honneur à notre peuple. Bravo ! », a commenté sur Twitter l’opposant Tiébilé Dramé après cette marche qui a rassemblé audelà des seuls partis d’opposition.

La réponse du pouvoir à cette contestation a été digne des plus tristement célèbres autocraties. Après les premières manifestations embryonnaires contre le projet au début du mois, Amnesty International a dénoncé « la multiplicationdesintimidations à l’encontre des opposants » et recensé « au moins huit personnes blessées par les forces de sécurité ».

Déjà constaté lors de ces rassemblements, le blocage des réseaux sociaux s’est poursuivi lors de la grande manifestation de samedi.Internet sans frontières s’est dit« très préoccupé par le recul des libertés en ligne au Mali ».« Facebook, Twitter et YouTube ne fonctionnaient pas et des “embouteillages” avaient été organisés pour empêcher les gens de rejoindre
la marche »,témoigne Fatoumata Harber, secrétaire générale de DoniBlog, la communauté des blogueurs du Mali.« Mais ces censures ont encouragé les gens à protester. C’est comme si une main invisible travaillait en faveur du gouvernement… mais à ses dépens ! »
Anarchie touchant le nord et le centre du pays
Dans un avis hautement politique, la cour constitutionnelle a validé le 6 juin la tenue du référendum, considérant qu’« une insécurité résiduelle, à elle seule, ne saurait remettre en cause la régularité d’un référendum ». Trois jours plus

tôt, l’Assemblée nationale avait voté le projet de loi de révision à une large majorité… non sans avoir prolongé quelques semaines plus tôt l’état d’urgence jusqu’au 31 octobre.
L’allégeance des institutions du pays au président Ibrahim Boubacar Keita ne peut néanmoins plus cacher l’anarchie touchant de nombreuses localités du nord et du centre du pays. Les attaques meurtrières contre les différentes forces armées sont devenues quasi quotidiennes, et les affrontements intercommunautaires prennent une ampleur telle qu’un célèbre centre pour la prévention du génocide entend mener une étude pour« analyser les risques d’atrocités de masse » dans le pays.

Dans son dernier rapport sur le Mali (juin), le secrétaire général des Nations unies constate« le déclin de la présence des représentants de l’État dans le nord et le centre du Mali ». 34 % d’entre eux seulement étaient présents dans ces régions au 26 mai et les gouverneurs des régions de Kidal et Taoudénit n’ont toujours pas regagné leur poste.

« Les citoyens ordinaires ne peuvent aller de Youwarou à Kidal sans craindre pour leur sécurité, l’armée ne peut se rendre au-delà d’Anéfis sans protection de la Minusma ou de Barkhane, forces étrangères ayant plus d’autorité sur le nord que nousmêmes, les camps sont remplis de réfugiés fuyant la violence et on nous dit que la souveraineté de l’État et l’intégrité du territoire ne sont pas atteintes », s’offusque Madani Tall, président du parti Avenir et développement du Mali et ancien conseiller du président Amadou Toumani Touré.

Au sein même du RPM, le parti présidentiel, des voix dissonantes s’élèvent pour critiquer l’opportunité d’un tel vote. «On aurait dû parvenir à un texte consensuel mais cela a été très mal conduit. Le oui va l’emporter grâce à l’abstention et parce que ses partisans ont plus de moyens pour se déployer que ceux du non. À un an de l’élection présidentielle, braquer les gens n’était pas nécessaire. Quelle est l’urgence ? », confie l’un de ses cadres.

Tout aussi dubitatif, le secrétaire général des Nations unies« constate avec préoccupation que les parties prenantes maliennes n’ont pas été consultées par le Conseil des ministres préalablement à l’adoption d’un projet (…) qui propose de renforcer les pouvoirs du président au détriment du premier ministre et du Parlement ».

Car le contenu de la révision constitutionnelle proposée fait lui aussi polémique.« On assiste à un renforcement sans précédent du pouvoir du président, soutient l’opposant Tiébilé Dramé.Il pourra désigner le président de la cour constitutionnelle en plus de trois de ses membres, être à l’initiative d’une révision constitutionnelle sans passer par un référendum et nommera un tiers des membres du futur Sénat ! »

« Il faut savoir si l’on veut aller à la paix ou pas »,réagit le ministre des droits de l’homme et de la réforme de l’État, Kassoum Tapo, rappelant que « la création d’un Sénat, censé permettre une meilleure représentativité des autorités traditionnelles, est prévue par l’accord de paix d’Alger et figurait déjà dans les précédents projets de révision ».

« Nous devons tous nous investir, soutiens ou opposants au projet, à expliquer à nos compatriotes que le référendum est pour ou contre la révision constitutionnelle, mais pas pour ou contre le président IBK ! », défend de son côté l’ancien premier ministre Moussa Mara.
Référendum ou pas,« les progrès accomplis au niveau politique ne se sont pas encore traduits par des progrès en matière de sécurité sur le terrain »,
constate l’ONU, et la création d’une force militaire du G5 Sahel se heurte pour l’instant aux réticences des Américains et Britanniques au sein du Conseil de sécurité.

PAR FABIEN OFFNER
ARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 20 JUIN 2017
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
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