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Pr Aly Nouhoum Diallo, ancien président de l’Assemblée Nationale du Mali : « Discutons avec Iyad Ag Ghali, discutons avec Amadou Koufa… »
Publié le vendredi 23 juin 2017  |  Le Républicain
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© aBamako.com par Momo
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Bamako, le 03 octobre 2015 la Comade a marché pour dénoncer la partialité de la Minusma et Barkhane
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Au Mali, l’un des enjeux de la résolution adoptée mercredi 21 juin, par le Conseil de sécurité de l’ONU, c’est le retour de la paix dans le centre du pays, là où une partie de la communauté peule est en train de basculer dans le jihadisme. Le médecin Aly Nouhoum Diallo est une grande figure de cette communauté peule. Il a présidé l’Assemblée nationale du Mali pendant dix ans, de 1992 à 2002. De passage à Paris, il témoigne au micro de Christophe Boisbouvier.
RFI: Au moins 32 morts depuis vendredi 16 juin, dans le cercle de Koro dans la région de Mopti. Est-ce à dire que malgré tous vos efforts pour réconcilier les communautés, on n’y arrive pas.
Aly Nouhoum Diallo : On a des difficultés. Il y a eu une grande réunion à Mopti où Peuls, Bambaras, Dogons ont parlé pendant trois jours, on a toujours l’espoir d’y arriver.
Ces affrontements qui durent depuis des décennies, les Peuls disent que les sédentaires leur volent leurs pâturages, les sédentaires disent que les Peuls leur volent leurs terres. Qui a raison ?
Les uns et les autres ont raison. Il serait bien que les autorités arrivent, une fois pour toutes, à régler ce problème de partage des terres, de partage des eaux, de partage des pâturages et que les autorités puissent appliquer les lois et règlements qui ont été édictés.
Sans corruption ?
Voilà.
On peut matérialiser les pistes de parcours pour le bétail si sur place les autorités locales n’appliquent pas, ça ne sert à rien ?
Absolument et ce qui illustre ça, nous avons entendu dire que cette année, les traversées du fleuve, qui sont habituellement des fêtes nationales, des fêtes locales, n’ont pas été gérées par ni l’autorité nationale, ni l’autorité locale. Cette année les traversées ont été gérées par les hommes d’Amadou Koufa.
Le jihadiste Amadou Koufa.
Les hommes d’Amadou Koufa. Je n’ai jamais causé avec Amadou Koufa. Je ne sais pas si lui-même il se qualifie de jihadiste. Je ne sais pas. Et je me garde de qualifier les hommes.
Pourquoi ce fait, parce que l’Etat n’est plus présent dans la région ?
L’Etat effectivement ne contrôle pas cette zone. Nonobstant la présence physique par-ci par-là dans quelques cercles, mais tous les sous-préfets dans le meilleur des cas sont dans les capitales de cercle, mais pas dans les capitales de leur sous-préfecture. Quand Amadou Koufa a réussi à faire cette traversée-là, il n’y a eu aucun conflit, aucune difficulté, et les habitants de cette zone en viennent à dire, peut-être même que sa gestion est meilleure à celle de l’administration. Dieu seul sait que je souhaiterais que ce soit elle qui gère ces problèmes.
Cet Amadou Koufa, ce n’est pas simplement une figure de la communauté peule, c’est aussi un prédicateur. Donc beaucoup de jeunes écoutent des prêches très radicaux et jihadistes sur leur téléphone portable. A quoi tient le succès de ces prêches, peut-être à ces traditions théocratiques qui remontent dans votre région au 19ème siècle, au temps de l’empire du Macina ?
Oui. Si on dit que les Peuls ont fondé des théocraties, personne ne peut dire le contraire : Ousman dan Fodio à Sokoto au Nigeria, Sékou Amadou Barry à Hamdallaye, dans la région de Mopti. C’est ça que l’on a appelé l’empire peul du Macina. Et il y a eu El Hadj Oumar Tall, lui il est pratiquement dans tout l’espace qu’on appelle « Mali ». Et il y a les Imams de Labé et de Timbu en Guinée. Donc incontestablement, il y a eu des théocraties peules. Mais à ma connaissance, on n’a jamais connu des vendredis où Ousman dan Fodio, Sékou Amadou ou El Hadj Oumar Tall ou des Imams de Guinée procédaient à des jugements et à des amputations.
On n’a pas connu la charia ?
Non. Alors Amadou Koufa, qu’est-ce qui fait son succès ? C’est un : le chômage, particulièrement dans le monde des arabisants. Les écoles coraniques fournissent pas mal de jeunes gens qui savent par cœur le Coran, mais qui sont sans emploi. Mais aujourd’hui, s’il y a une revendication majeure du Haut-Conseil islamique, c’est comment employer aussi les intellectuels arabisants au même titre que les intellectuels francophones.
C’est ce qui fait le succès d’Amadou Koufa aussi, c’est la misère ambiante. Moi, je crois que c’est tout ça. Ensuite, il a été à l’époque où il n’était pas encore quelqu’un qui espère succéder à Sékou Amadou, il a été quelqu’un qui chantait bien, quelqu’un qui avait avant même de prêcher, même ses chants étaient très écoutés. Et moi, on m’a fait écouter une fois, il a une très belle voix, Amadou Koufa. Et il maitrise parfaitement la langue peule. Et à ce titre, il peut être aussi un pamphlétaire terrible. Donc toute chose où il défie aussi l’ordre établi.
Vous qui avez été président à l’Assemblée nationale pendant dix ans, vous qui êtes donc un des piliers de l’Etat malien, est-ce qu’à votre avis l’Etat a définitivement perdu la partie dans notre région ou est-ce qu’il a une chance de reprendre la main et comment ?
Toutes les fois que l’Etat s’est manifesté réellement, l’Etat a réussi à juguler les rébellions, donc je pense qu’un Etat qui décide de parler vrai, de dire la vérité à tous ceux qui se rebellent, et à discuter avec eux cartes sur table, et ne s’engager à faire que ce qu’il peut faire, cet Etat-là peut recouvrer totalement l’autorité au centre du Mali, à l’est du Mali. Et c’est là que vous avez entendu ce cri du cœur des centaines de participants à la Conférence d’entente nationale qui regrettent que l’Accord pour la paix n’arrive pas à faire cesser de couler le sang.
Donc, discutons avec ceux qui sont supposés aujourd’hui être responsable de ce sang qui coule. Discutons avec Iyad Ag Ghali, discutons avec Amadou Koufa. Cherchons à savoir ce qu’il faut faire, tout en ne perdant pas de vue que l’ancien président de l’Assemblée nationale que je suis ne peut souhaiter qu’un Etat laïc, un Etat démocratique, un Etat qui va s’engager dans la voie d’être juste, d’être intègre.
Par Christophe Boisbouvier
RFI
NB : le titre est de la rédaction
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Le Républicain N° 4380 du 7/5/2012

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