Bamako - Fleurs à la main et larmes aux yeux, plus d’une centaine de personnes ont rendu samedi hommage aux victimes de l’attaque du "campement Kangaba", lieu de villégiature proche de Bamako visé par des jihadistes la semaine dernière.
Cinq personnes - deux militaires et trois civils, dont un Européen, un Portugais, et un Chinois - ont péri dimanche dernier dans l’attaque revendiquée par la principale alliance jihadiste du Sahel, liée à Al-Qaïda.
Une quarantaine de civils ont réchappé de ce premier attentat anti-occidental depuis plus d’un an dans la capitale malienne et qui a touché ce vaste "ecolodge" prisé des expatriés.
Son fondateur et propriétaire, le Français Hervé Depardieu, avait pris la tête du rassemblement sur les hauteurs où sont situées les installations. "Nous allons en haut pour la cérémonie d’hommage", a-t-il déclaré les yeux embués de larmes avec, à ses côtés, une de ses proches vêtue de noir.
Beaucoup d’émotion était perceptible lorsque diplomates, parents des personnes tuées ou encore habitants du village où se trouve le campement sont parvenus sur les lieux. "C’est vraiment triste. Je suis venu, parce que la femme de mon collègue de bureau a été tuée dans l’attentat", a confié un Européen.
La sobre cérémonie privée était organisée par la direction du campement. Des élus de la mairie du village étaient présents, mais aucun représentant du gouvernement malien. Des diplomates européens ont aussi participé à l’hommage mais les pays concernés n’ont pas voulu être cités.
Parvenu sur les lieux, Hervé Depardieu a sorti un papier qu’il a lu. Tour à tour, il a dénoncé "la barbarie" des assassinats perpétrés. Il a remercié l’intervention des militaires européens qui se reposaient sur place ainsi que celle des forces maliennes. Il a aussi remercié les militaires français de l’opération Barkhane et ceux de la mission de l’ONU au Mali.
- ’Les sandales beiges de mon amie tuée’ -
Au sol, des tassés de thé brisées, des chaises et téléphones portables calcinés. "Regardez ces sandales de couleur beige, elles appartenaient à mon amie qui a été tuée", a expliqué Maïmouna. Son amie, Malado, fêtait son anniversaire au campement le jour de l’attaque.
"Nous étions ensemble. Des assaillants sont venus de derrière la colline, d’autres sont venus de la cour du campement. Nous étions entre deux feux", a ajouté une rescapée.
Des militaires européens formateurs pour l’UE de l’armée malienne participaient à la fête d’anniversaire au moment de l’attaque. Ils ont ouvert le feu sur les assaillants, en réduisant leur "capacité d’attaque", a déclaré un témoin, ce qui explique le bilan moins lourd que lors d’attaques similaires.
"Là ou les djihadistes ont eu vraiment peur, c’est quand ils ont vu du haut les forces spéciales maliennes rentrées dans la cour, suivies après d’un véhicule blindé français de l’opération Barkhane", a raconté le même témoin.
"Ils (djihadistes) sont descendus sur les collines. ils n’avaient plus le contrôle de la situation. Mais la panique s’est installée, surtout qu’ils ont tiré sur le toit de la terrasse où se trouve le restaurant bar, ce qui a provoqué un incendie", selon un autre témoin.
"Les terroristes laissaient les Noirs pour tirer sur les Blancs", a ajouté un autre rescapé.
Hervé Depardieu a ensuite fait observer une minute de silence à la mémoire des victimes avant d’inviter les participants à jeter les bouquets de fleurs sur les lieux de l’attaque.
Très émues, des personnes se sont données la main, d’autres se sont étreintes.
"Le problème aujourd’hui est de savoir s’il faut rester ou partir", s’est interrogé devant la presse M. Depardieu.
Selon lui, l’objectif des jihadistes est de voir partir tout le monde, "mais il appartient aux autorités de faire ce qu’elles doivent faire".