Les succès militaires dans le Nord-Mali ne suffisent pas. Tout un pays est à reconstruire, avec l'aide des donateurs étrangers, et les pièges sont nombreux !
« Ce qui manque le plus, c'est le carburant », dit un commerçant de Gao. Le gasoil fait fonctionner les générateurs qui fournissent l'électricité et alimentent les stations de pompage. Or, depuis la crise, la société publique Énergie du Mali (EDM) ne fournit plus le précieux carburant. Seul le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) achemine des camions-citernes, mais pas assez. Du coup, au Nord, les gens vivent avec quelques heures d'électricité et quelques heures d'eau par jour. Pas d'écoles, pas de banques, pas d'administration... Deux mois après leur libération, les grandes villes du Nord manquent de tout. « On est contents d'avoir vu François Hollande à Tombouctou en février, dit un instituteur de la ville. Mais il est reparti à Bamako avec le gouverneur et le préfet. Et depuis, ces deux-là ne sont pas revenus ! »
L'État malien fait-il tout ce qu'il faut pour reconstruire le Nord ? « Les autorités pourraient faire plus, affirme un haut fonctionnaire malien. À part le CICR, il n'y a rien. L'État a du mal à se redéployer sur tout le territoire. Il n'y a même pas envoyé de mission d'évaluation ! » Le président du conseil régional de Tombouctou, Mohamed Ibrahim Cissé, reconnaît, lui aussi, qu'il y a des insuffisances, mais ajoute que « l'État reste prudent à cause des problèmes d'insécurité. Les gens ont peur de circuler ». Le 8 mars, près de Goundam, un transporteur, son chauffeur et ses deux apprentis ont été assassinés par des coupeurs de route. Bamako demande à tous les directeurs d'administration de reprendre leur poste dans les régions de Gao et de Tombouctou avant fin mars. Le feront-ils ? Il faudrait déjà que les gouverneurs et les préfets de ces deux régions renoncent au confort de la capitale...
Le nerf de la paix est à Bamako. Il est aussi à Bruxelles. C'est là que, le 15 mai prochain, l'Union européenne (UE) et la France organiseront une conférence des donateurs, à laquelle participera François Hollande. À Addis-Abeba, le 29 janvier, 455 millions de dollars ont été promis pour gagner la guerre contre les jihadistes. À Bruxelles, il faudra réunir une somme encore plus importante pour gagner la paix. L'UE a déjà annoncé une enveloppe de 250 millions d'euros, et la France une aide de 141 millions d'euros - qui était gelée depuis le coup d'État de mars 2012. Mais cela ne suffira pas. Déminer, reconstruire les ponts et les bacs, réparer les réseaux électriques et les stations de pompage... Les urgences sont multiples.
Déjà, l'UE et la France se sont réparti la tâche. Paris doit financer le rétablissement de l'eau et de l'électricité. Bruxelles, le retour des gens chez eux. Près de 400 000 personnes vivent aujourd'hui dans des familles, dans le Sud ou dans des camps, en Mauritanie et au Burkina Faso. L'idée serait de leur verser du cash pour les aider à redémarrer leurs activités dans le Nord, où elles ont tout perdu. Mais au-delà, comme dit le ministre français délégué au Développement, Pascal Canfin, « il faut gagner la bataille des six mois, c'est-à-dire fournir des semences aux paysans d'ici au début de la saison des pluies, pour qu'ils réussissent la prochaine campagne agricole, et réhabiliter les écoles pour que les enfants ne manquent pas la prochaine rentrée scolaire ». Actuellement, 800 000 d'entre eux sont déscolarisés.