PolitiqueMme Sy Kadiatou Sow, présidente de la plate-forme «Antè Abana» : «Nous ne souhaitons pas du tout qu’il y ait un trouble encore dans notre pays»
La présidente de la plate-forme «Antè Abana», Mme Sy Kadiatou Sow, nous parle dans cet entretien de la mobilisation des Maliens contre le projet de révision constitutionnelle. Précisons que cette interview a été réalisée avant la décision de report du référendum.
Reporter Mag : La marche contre la révision constitutionnelle a mobilisé du monde. Est-ce une victoire pour vous ?
Bien sûr, c’est une victoire éclatante. Pas seulement pour les membres de la plate-forme «Antè Abana», mais de toutes celles et tous ceux qui ont décidé de se faire entendre par les autorités par rapport à la révision constitutionnelle, et surtout de l’organisation du référendum dans le contexte actuel. Nous espérons que nous enregistrerons d’autres victoires parce que nous resterons mobilisés tant qu’il ne sera pas mis fin à ce projet d’organiser un référendum en ce moment.
C’est-à-dire qu’il y aura une autre grande mobilisation dans les jours à venir ?
Absolument. Nous avons fait la restitution de la marche du 17 juin et nous avons adopté un programme à partir du 27 juin au niveau de toutes les communes de Bamako, et nous aurons une marche synchronisée le 1er juillet avec ceux de l’intérieur qui ont aussi créé leur plate-forme dans les régions et au niveau de la diaspora. Notamment, nos parents qui sont en France et qui ont décidé d’organiser une marche également le 1er juillet. Nous essayons de mettre tout cela ensemble et d’agir ensemble.
Que répondez-vous aux partisans du Oui qui pensent que ceux qui ont marché ne sont pas des patriotes ?
On va laisser les Maliens juger. On ne va pas faire cette querelle. On a aucun complexe vis-à-vis de qui que ce soit par rapport au patriotisme, à l’engagement au service du pays. Les Maliens se connaissent entre eux et savent qui est qui. Nous, nous n’allons pas faire l’injure à ceux qui sont pour le Oui au référendum et les traiter d’apatrides. Nous, nous sommes des patriotes. Ils ne sont pas plus patriotes que nous, mais nous ne les dénions pas non plus la qualité de patriotes. Nous pensons que ce sont les actes que nous posons au quotidien. Ceux qui nous observent, c’est à eux d’apprécier ces actes et d’en conclure si nous oui ou non nous sommes des patriotes. Ce n’est pas juste un qualificatif qu’on se colle à la poitrine.
Vous demandez purement et simplement le retrait du projet, alors que le président de la République parle de report du référendum. Qu’en pensez-vous ?
Au niveau de la plate-forme, nous avons écrit au président de bien vouloir renoncer à l’organisation du référendum dans le contexte actuel et d’assurer plutôt le retour de l’administration et des forces armées dans des localités où l’Etat est absent. Nous lui avons demandé également qu’il organise une large concertation autour de la question de la révision constitutionnelle pour qu’il y ait un consensus national. Nous continuons à demander, étant donné qu’il est le chef de l’Etat, qu’il tienne compte de l’avis de cette foule nombreuse qui est sortie le 17 juin dernier, avant de prendre sa décision. S’il accepte de renoncer à l’organisation de ce référendum et qu’il instaure le dialogue autour de la question, on peut se mettre d’accord sur l’essentiel. Nous ne souhaitons pas du tout qu’il y ait un trouble encore dans notre pays. Nous sommes des républicains, des démocrates. Nous ne sommes pas des putschistes.
La Cma a rejeté la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Quelle lecture en faites-vous ?
Cela ne nous surprend guère ! On est dans un processus où on ne sait pas réellement où se trouve la sincérité des parties prenantes à ce processus. Deux ans après la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale, chaque jour, on va de rebondissement en rebondissement. Ceux qui ont signé l’accord, aujourd’hui ils sont d’accord et demain ils ne sont pas d’accord. Ce qui est sûr, c’est que la majorité des Maliens n’a pas adhéré à cet accord. On a fini par céder sous la pression de la communauté internationale. Aujourd’hui, la plupart des dispositions qui sont contenues dans l’accord, et qui auraient dû être prises en compte dans la nouvelle constitution, ne sont pas acceptées et ne peuvent pas être mises dans notre constitution. La Cma même dit que ces dispositions ne sont pas prises en compte dans la nouvelle constitution. Nous espérons que tout cela sera bien analysé par les autorités pour qu’une bonne décision soit prise.