Antoine Glaser, spécialiste de l'Afrique, estime que l'objectif d'Emmanuel Macron, en déplacement dimanche à Bamako, est de "rapprocher les pays de la région" mais aussi d'obtenir le financement des opérations militaires de la France sur place.
Le président français Emmanuel Macron assiste, dimanche 2 juillet à Bamako, au sommet du G5 Sahel. Il y est présent pour officialiser la création d'une force conjointe de ces cinq pays (Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso et Tchad) contre les violences des groupes jihadistes et les trafics de la région. "La France veut sortir de son isolement sécuritaire en Afrique", juge Antoine Glaser, journaliste, écrivain, et spécialiste de l'Afrique, sur franceinfo dimanche. "Emmanuel Macron a compris qu'il n'était pas possible de continuer comme cela", estime-t-il. Le véritable objectif, étant, selon lui, de faire "financer" ces opérations militaires coordonnées par la France en Afrique.
franceinfo : Où est-ce que c'est le plus compliqué aujourd'hui, au Mali ?
Antoine Glaser : C'est plus compliqué aujourd'hui dans l'ensemble du Mali, alors qu'au départ seulement le Nord était concerné. Cela s'est également étendu dans les pays voisins. Cette force G5 Sahel concerne, au départ, trois pays : le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Ce sont des pays qui ne coopèrent pas vraiment pour lutter ensemble. Cela va commencer par cette région transfrontalière. Ce que voudrait Emmanuel Macron, c'est mobiliser les pays de la région. Mais dans la réalité, il ne faut pas se leurrer : c'est surtout la France qui veut sortir de son isolement sécuritaire en Afrique, elle est toute seule au front. Et comme le G20 des 7-8 juillet à Hambourg approche, je pense que le véritable objectif, outre de rapprocher les pays de la région, est de faire financer les opérations militaires de la France et des pays de la région par l'Allemagne, l'Union europénne et, si possible, par l'ensemble des Nations unies.
L'objectif est aussi pour ces forces de poursuivre les jihadistes où qu'ils soient, sans prendre en compte les frontières ?
Exactement. Les Nations unies et en particulier les Américains étaient très réticents à donner un mandat d'utilisation de la force, donc ils ont simplement salué cette mobilisation, ce déploiement du G5 Sahel. Et comme, finalement, chaque bataillon va rester dans son pays, cela permet surtout de coordonner les efforts au niveau des frontières. Il faut savoir que l'opération Barkhane représente 4 000 hommes sur cinq millions de kilomètres carrés, soit la moitié de l'Europe ! C'est mission impossible. Donc il faut déjà redémarrer au niveau de trois Etats, puis cinq. Le problème ce sont les réalités locales : on a des armées très sous équipées, avec des gens très peu motivés parce qu'il y a un problème de gestion des forces armées de ces pays.
Le projet de forces conjointes reste à financer ; l'UE promet 50 millions d'euros mais, selon les experts, il en faudrait 400 voire 500 millions. N'y a-t-il pas un problème de montant ?
Bien sûr, il y a un problème de financement. Mais il ne faut pas se leurrer. Emmanuel Macron a compris qu'il n'était pas possible de continuer comme cela. En plus, la chasse aux jihadistes n'a pas de sens sans un ensemble d'actions de développement dans cette région complètement abandonnée, en particulier par les Occidentaux et les ONG. On parle des jihadistes qui prospèrent, mais dans cette région, il y a des trafics en tout genre. Maintenant des groupes armés s'installent, pas simplement pour faire appliquer la charia, mais aussi pour faire du business. Les Etats n'arrivent pas à assurer le contrôle économique ou social : il y a un terreau général qui favorise le jihadisme. Ce n'est pas simplement l'aspect sécuritaire qui va pouvoir régler le problème.