Notre capitale a accueilli, hier, le Sommet du G5 Sahel. Le G5 Sahel, ce sont cinq Etats qui ont choisi de se mettre ensemble pour faire face à deux défis majeurs : la lutte contre le terrorisme et le développement. Ils sont : le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Tchad. Pourront-ils relever ces défis ? Oui, si l’on en juge par la manière dont trois de ces pays s’y sont pris pays pour gérer l’espace sahélien ; non, s’y l’on se réfère à la pratique qui fut, dans un passé récent, celle du Mali.
Auparavant, qu’est-ce que le Sahel ? Une longue bande de terre qui s’étire en longueur de l’Atlantique à la Mer Rouge, en largeur, du sud du Sahara à la lisière nord de la savane. Son histoire est plutôt mouvementée, avec des périodes de gloire et des périodes difficiles. Zone-tampon, il sert de transition entre deux régions aux économies complémentaires : la savane soudanienne arborée et, par-delà l’immensité aride du Sahara dénudé, les rives de la Méditerranée et l’Europe Occidentale. Le commerce transsaharien a fait du Sahel un carrefour où se sont échangés l’or et les céréales du Soudan contre le sel et les produits manufacturés en provenance du Sahara, du Maghreb, de la Tripolitaine, du Fezzan et de l’Europe méridionale.
A cause de cette position stratégique, il fut, par le passé, âprement disputé par différentes puissances du Soudan nigérien, le Ghana, le Mali, le Songhoï, le royaume de Ségou. A partir des années 1960, c’est un cycle de sécheresse qui l’impose à la conscience de l’humanité. De 1968 à 1988, la région a été secouée par la récurrence d’une terrible sécheresse avec deux pics en 1974 et en 1985. Elle a conduit à la volonté de se mettre ensemble pour lutter contre le fléau. De ce choix est né le CILS (Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel). C’était en 1973.
G5 Sahel, loin d‘un fruit du hasard !
Si, à côté du CILS est créé, aujourd’hui, le G5 Sahel, c’est que deux autres fléaux ont fait leur apparition dans la région : l’insécurité et les trafics illicites. En 1990, à la suite du discours de la Baule, avec l’appui, bien discret de l’Elysée mais franchement déclaré de la Fondation France-Liberté et de l’association prétendument humanitaire de Médecins Sans Frontières (MSF), les rebelles touaregs prennent les armes contre les Etats du Mali et du Niger. Les deux pays signent, avec eux, des accords destinés à restaurer l’ordre et la sécurité dans le respect de l’unité nationale et de l’intégrité des deux territoires : les Accords de Ouagadougou du 15 avril 1995, pour le Niger et, en ce qui concerne le Mali, les Accords de Tamanrasset du 6 janvier 1991. Ces accords n’empêchent pas la reprise des velléités séparatistes, le 23 mai 2006 au Mali, le 6 février 2008, au Niger.
Face à cette reprise des hostilités, les deux Etats réagissent différemment. Le président Nigérien, Mamadou Tandja, ordonne à son armée de mater la rébellion ; lui reconnaît des pouvoirs exceptionnels pour le faire. La réception de RFI est interrompue, son correspondant à Niamey est arrêté. Quand un accord intervient le 6 octobre 2009, ce sont 3 000 rebelles qui déposent les armes, délogés des régions d’Agadès et de l’Aïr.
La fermeté a été concluante au Niger. Elle le sera, par la suite, au Tchad et en Mauritanie.
Au Tchad, les Puissances d’Argent veulent lier les mains à Idris Deby Itno. Le pays vient de découvrir du pétrole. Il le commercialise et en tire de substantiels revenus. Se comportant à l’égard du gouvernement tchadien comme qui se comporterait à l’égard d’un enfant ignorant ce qu’il doit faire, elles lui assignent de placer l’essentiel de la rente pétrolière sous forme de réserves à l’intention des générations futures. Réplique du président tchadien : « pour qu’il y ait des générations futures, il faut que nous existions d’abord ». Passant outre aux injonctions, il se dote d’une solide armée, mate définitivement les rébellions récurrentes depuis 1960 et stabilise le pays. Nous, Maliens, avons profité de cette fermeté quand il s’est agi d’épauler les Français de l’opération Serval dans ses actions dans l’Adrar des Iforhas : ce sont les soldats tchadiens qui ont assuré l’essentiel des opérations au sol.
Confrontée à une vague d’attentats terroristes, la Mauritanie était sur le point de basculer. Mohamed Ould Abdel Aziz intervient vigoureusement et éradique le danger. Il s’explique sur son succès, en ces termes : « La sécurité est la première des libertés. Sans sécurité, il n’y a pas de développement possible. Nous avons décidé de rétablir la sécurité dans notre pays en réorganisant notre armée afin de l’adapter à une nouvelle menace non conventionnelle. Cela nous a obligés à faire des sacrifices très importants. Etant donné l’urgence et la mission, nous n’avons pas attendu l’aide extérieure pour réagir. Nous avons retardé des projets d’infrastructures importants pour notre tâche prioritaire de rétablissement de la sécurité. Nous avons créé des unités mobiles autonomes capables de se projeter n’importe où et à n’importe quel moment. Nous avons créé des bases logistiques près des frontières. Nous avons aussi misé sur le renseignement humain. Avec le temps, la peur a changé de camp. » (Cf. Le Figaro, livraison su 24 avril 2004.)
La fermeté comme seul leitmotiv !
Au Mali, les choses se déroulent autrement. La peur n’a pas changé de camp, elle s’est installée durablement. Amadou Toumani Touré se veut pacifiste. Il signe avec les rebelles l’Accord d’Alger et, dans la foulée, se dégage du Nord. La conséquence est connue : le Septentrion malien, déserté de toute présence effective de l’Etat, devient le lieu des trafics de toutes sortes : des êtres humains, des armes, de la drogue. AQMI, profitant de la chienlit, s’installe avec, comme ambition, la transformation du Sahara en « Islamistan ».
La déliquescence de l’Etat encourage la renaissance des idées séparatistes. En octobre 2011, un mouvement qui se veut politique se crée à Tombouctou : le Mouvement National de l’Azawad (MNA). Vite, il dévoile ses véritables intentions en revendiquant, dans une lettre datée de Tripoli et adressé au chef de l’Etat malien, « le droit à l’autodétermination du peuple Azawad ». Cela n’est pas nouveau. Ce qui est nouveau, c’est que la revendication est assortie d’une menace à l’endroit du pouvoir central. AQMI n’est pas combattu, est laissé libre de ses mouvements.
Le MNA, s’adressant à Amadou T. Touré exige « la création d’une zone réservée à AQMI loin des habitations afin que les populations puissent vivre en paix sans crainte que ces gens qui commencent à dicter à ces dernières les lois de nouvelles pratiques religieuses, contraires à nos pratiques et nos rites. » La menace va plus loin : « Si l’Etat ne fait rien, nous nous verrons dans l’obligation d’adhérer massivement à AQMI et de profiter des largesses dont il bénéficie pour inventer un nouvel modèle de développement. » La suite est connue : le pouvoir ne réagit et, le 22 mars 2012, l’Etat s’effondre, emporté par les conséquences du laxisme, de la gabegie et de la corruption.
Ce 2 juillet, les pays membres du G5 Sahel se proposent de « mettre en place un cadre prospectif d’orientations stratégiques et d’engagements partagés ». Nous, populations, formulons deux souhaits : qu’il ne s’agisse pas d’un cadre destiné à défendre les intérêts des Puissances d’Argent présentes au Sahel à travers divers investissements ne nous profitant nullement ; que la fermeté affichée par les Mauritaniens, les Nigériens et les Tchadiens, inspire, au moment où il est question de porter l’effectif des forces militaires de 5 000 à 10 000 hommes et dépenser 200 millions d’euro en cinq ans dans la guerre à travers les forces conjointes.