La présidente du Mouvement « An Tè, A Bana » persiste et signe : Il faut que le pouvoir retire le projet de révision constitutionnelle et qu’il renonce, jusqu’à nouvel ordre, au référendum. Dans une interview exclusive qu’elle bien voulu accorder à L’Aube, en marge de la manifestation du samedi dernier, Mme Sy Kadiatou Sow revient sur les objectifs du mouvement, composé d’organisation de la société civile, de partis politiques et de leaders d’opinion. Débout sur les remparts, ils sont plus que jamais déterminés à sauver la République, aujourd’hui menacée de partition. Et le mouvement n’a que faire des intimidations du pouvoir en place. « On est encore prêt, s’il y a des manifestations programmées pour demain… ils ne peuvent pas nous interdire de manifester», «Il est hors de question d’aller vers un référendum, actuellement », « Que les Maliens se mobilisent…pour que nous ayons un franc succès contre ce projet de révision », ce sont là des propos qui traduisent éloquemment la détermination de Mme Sy, une actrice du mouvement démocratique au Mali.
L’Aube : Quelle est votre réaction sur la décision du gouverneur d’interdire le meeting de ce jour (samedi 1er juillet) par votre mouvement « An Tè, A Bana » ?
Mme Sy Kadiatou Sow : Ils ne peuvent pas l’interdire ! Ce que la loi nous exige, c’est de faire une déclaration pour dire au gouverneur que nous avons l’intention d’organiser une manifestation et leur demander de sécuriser les manifestants. C’est ce que nous avons fait. Le gouverneur a répondu qu’elle ne peut pas sécuriser notre meeting d’aujourd’hui, parce qu’elle est sollicitée pour sécuriser les chefs d’Etats, les délégations étrangères qui ont commencé à arriver (Ndlr : Pour participer au sommet du G 5, organisé hier, dimanche à Bamako). Elle a aussi invoqué l’état d’urgence. Mais, nous l’avions fait comprendre qu’on n’a pas besoin d’avoir énormément d’agent pour sécuriser notre meeting, et que nos jeunes sont capables de le faire. On a juste demandé qu’elle nous laisse faire notre meeting, sans problème. D’ailleurs, on était certain qu’il n’y aurait aucun problème de notre côté. En réalité, ce que la loi prévoit, c’est une déclaration et non une autorisation. Quand les gens pensent que le meeting n’a pas été autorisé, c’est une façon d’interpréter. Ils ne peuvent pas l’interdire ! Mais, vous avez vu, ça dépend du nombre. Si c’est 50 ou 100, ils peuvent jeter des gaz lacrymogènes, tabasser quelques personnes, arrêter même des gens… Aujourd’hui, je crois qu’ils ont compris la leçon, ils ont intérêt à laisser les gens manifester leur désaccord, leur colère. Quand le président français doit arriver et qu’il apprenne qu’à cause de sa venue au Mali, à cause du sommet G 5 qu’on est en train de priver les Maliens de leur liberté fondamentale de se manifester, de s’exprimer ; je crois que le français, lui-même, aurait dit à notre président qu’il n’est pas d’accord. Même s’ils l’avaient voulu interdire cette manifestation, je crois qu’ils auraient trouvé face à eux des gens déterminés. Parce qu’on était tous venus, aujourd’hui, prêts à être arrêter, prêts à être envoyer où ils veulent. On avait constitué ce qu’on devait constituer, on avait pris les mesures conservatoires. On est encore prêt, aujourd’hui, si encore, il y a des manifestations programmées demain. Et s’ils décident d’interdire quoique ce soit, nous leur montrerons que nous nous sommes battus pour obtenir ces libertés et nous ne permettrons à personne de venir fouler aux pieds ces libertés fondamentales qui ont été conquises de hautes luttes par le peuple Maliens, au prix du sang.
Quelles semaines après la création du Mouvement « An Tè, A Bana », comment se porte ce mouvement que vous dirigez ?
Le mouvement se porte très bien. Il reçoit de plus en plus d’adhérents, on en enregistre tous les jours. Il y a un véritable engouement autour du mouvement. Donc, le mouvement est en bonne santé et nous espérons que cela va continuer.
D’où est venue l’idée de la création de ce mouvement ?
C’est une jonction entre différentes organisations de la société civile, des partis politiques… qui se sont rendues compte qu’elles partageaient le même objectif, le même souci : éviter à notre pays une autre crise à travers cette révision constitutionnelle. C’est le souci vraiment de préserver la paix et la cohésion et d’éviter qu’on ne consacre la division de notre pays à travers cette révision constitutionnelle qui, à notre avis, consacrerait la partition du Mali et affaiblirait notre processus démocratique. C’est une jonction de toutes ces forces qui a permis la création de ce mouvement. Il y a des syndicalistes, des leaders d’opinion, des artistes… parmi nous. Le mouvement est ouvert à tout citoyen malien qui partage la même vision que nous, par rapport à cette question-là.
Etes-vous satisfait des activités menées par votre mouvement, notamment la marche du 17 juin 2017 ?
Absolument ! Nous l’avons dit immédiatement après, lors de la conférence de presse du mercredi qui a suivi la marche du 17 juin. Çà a été un succès total et nous pensons que nous enregistrerons d’autres succès, parce que c’était une attente très forte des membres du mouvement. Nous avons pu prouver que nous sommes capables de faire une marche sans aucun incident majeur. Nous nous en réjouissons. Ça a été une marche pacifique et les gens se sont beaucoup mobilisés autour du mouvement pour la réussite de cette marche.
Et à l’extérieur ?
Beaucoup de personnes ont suivi. En France, ils ont fait leur marche. On a vu aussi au niveau du Sénégal (Dakar), aux Etats-Unis, au Canada… A l’intérieur, on l’a vu à Sikasso, à Ségou, à Mopti, à Kayes, Kita…
Après le report du référendum qui était prévu pour le 9 juillet, qu’est-ce vous exigez du gouvernement ?
Le retrait simplement de ce projet de cette révision constitutionnelle, de renoncer au référendum jusqu’à nouvel ordre. Pour le moment, notre souci est cela. Pour nous, il est hors de question d’aller vers un référendum, actuellement.
Etes-vous prêts à participer à une relecture du projet de constitution ?
Ce que nous recherchons, pour le moment, c’est de renoncer à l’organisation de ce référendum. On a écrit au président de la République pour dire que nous étions ouverts à tous dialogues qui pourraient aider à rapprocher les points de vue. Nous ne sommes pas opposés systématiquement à toute révision constitutionnelle, mais c’est celle-là que nous rejetons et surtout dans le contexte actuel.
Quel appel avez-vous à lancer aux Maliens ?
Que les Maliens se mobilisent comme ils se sont mobilisés la dernière fois, le 17 juin et 1 juillet dernier, pour que nous ayons un franc succès contre ce projet de révision constitutionnelle.