Deux faits majeurs ces derniers jours marquent un tournant décisif dans la relance du processus de paix et de réconciliation dans notre pays : la présence du Mécanisme opérationnel de coordination à Kidal, le 20 juillet prochain et les propositions concrètes faites au président algérien Bouteflika par son homologue français Macron.
La décision de déployer le Moc à Kidal, la seule région jusque-là réfractaire, est issue de la Journée d’évaluation de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, à l’initiative du Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga. La rencontre s’est tenue le vendredi 23 juin 2017 à la Primature.
Cette journée, comme indiqué par un communiqué de la Primature, a abouti à l’élaboration d’une nouvelle feuille de route aux conditions impératives, unanimement cautionnée par tous les protagonistes, suivant laquelle, au 31 juillet prochain, la ville de Kidal, outre le Moc, accueillera son gouverneur, Sidi Mohamed Ag Ichrach, résidant à Gao depuis sa nomination, et les autorités intérimaires.
Un incident catalyseur
La réalisation de ce chronogramme marquera indubitablement un véritable bond en avant pour un processus de paix de réconciliation dont la lenteur commençait à éprouver passablement les nerfs des uns et des autres.
On se rappelle la passe d’armes entre le président du Comité de suivi de l’accord (CSA), l’ambassadeur algérien, Ahmed Boutache, et les leaders de la Coordination des mouvements de l’Azawad formellement accusés d’entrave à la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale en ne libérant pas le Camp I de l’armée prévu pour accueillir le Moc, le 20 juin dernier.
Depuis cet incident que la CMA a imputé au diplomate algérien, pourtant connu pour sa pondération, de l’eau a coulé sous les ponts et les passions sont retombées. Le coup de griffe du président du CSA a-t-il été salutaire ?
Pour nombre d’observateurs, la réponse est oui, d’autant plus qu’il est avéré que la Coordination ne se plaît que dans les rapports de force. Le temps était venu de hausser le ton pour ne pas laisser pâtir deux ans d’intenses efforts diplomatiques, humains, financiers… Faudrait-il pour autant parler d’épilogue de cette crise qui a tenu en haleine la communauté nationale et internationale ? La versatilité de la CMA incite à ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir abattu. Ce qui, pour autant, ne devrait en rien déprécier la décision aux conditions impératives et unanimement cautionnée par les protagonistes.
Des propositions concrètes
Le second fait majeur, tel qu’annoncé dans le chapeau, porte sur les propositions concrètes faites, ce mercredi, par le président français, Emmanuel Macron, à son homologue algérien, Abdel Aziz Bouteflika, visant à relancer le processus de paix au Mali, a-t-on indiqué, jeudi dernier, dans l'entourage du président français.
"Pour remobiliser tout le monde autour de cet accord, le président de la République a commencé en se concertant avec le président algérien qu'il a contacté hier pour lui soumettre quelques propositions concrètes et échanger sa vision sur la possibilité de relancer cet accord de paix", a-t-on indiqué.
"L'Algérie est le parrain de cet accord et reste sur place localement le pays qui assure la conduite des réunions du comité de suivi, donc il est logique que l'Algérie soit consultée en amont de toute initiative pour relancer cet accord", a-t-on ajouté.
Concrètement, rien n’a filtré des propositions de l’Elysée. Par contre, de nombreux observateurs avisés soutiennent qu’elles doivent être d’une importance capitale formulées à quelques jours de la participation du président Macron au Sommet du Groupe des 5 pays du Sahel (G5-Sahel) qui s’est hier à Bamako.
Le coup double
Il faut dire également que le président français fait d’une pierre deux coups. Et pour cause, l’on s’accorde à dire que dans son entretien téléphonique du jeudi 18 mai dernier, juste avant de se rendre à Gao pour visiter les troupes français, il avait commis un impair que d’aucuns ont même qualifié de "couac diplomatique".
En effet, lors d’une conférence, sur place, le vendredi 19 mai, Emmanuel Macron a mis les pieds dans le plat. "J'aurais une exigence renforcée à l'égard des Etats du Sahel et de l'Algérie", a-t-il déclaré, avant de souligner qu'"on ne peut pas manifester quelque faiblesse que ce soit à l'égard de groupements terroristes, quelles que soient les raisons politiques domestiques", sans plus de précision.
Pour Fayçal Métaoui, journaliste et éditorialiste au quotidien "El Watan", alors que son élection avait été très chaleureusement saluée par Alger, Emmanuel Macron a sans doute commis là une première maladresse diplomatique.
"Il est évident que le président français n’a pas bien expliqué de quoi il s’agit, mais l’on pense qu’il voulait parler du chef d’un groupe terroriste qui s’appelle Iyad Ag Ghali et de l’attitude pas très claire de l’Algérie vis-à-vis de ce chef qui serait quelque part entre le Mali et l’Algérie bien qu’Alger ait ouvertement condamné toute action terroriste, explique le journaliste algérien. Sur ce dossier, il y a une certaine sensibilité en Algérie parce que mettre en doute sa capacité ou sa manière de lutter contre le terrorisme et sa vision par rapport à la question du Sahel risque de refroidir, ne serait-ce que partiellement, les relations entre la France et l’Algérie même s’il n’y a pas encore eu de réaction officielle à ces déclarations du président Macron. Le dossier du Mali est considéré comme un dossier très sensible pour la diplomatie algérienne, géré de main de maître par le ministère des Affaires étrangères et par la présidence algérienne. Je pense que ces déclarations pourraient déteindre, ne serait-ce que partiellement, sur les relations entre les deux pays", a-t-il prévenu.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la nouvelle posture de la France qui se ravise en reconnaissant le rôle prépondérant de l’Algérie est tout bénéfice pour notre pays.
Il faut rappeler que les accords d’Alger du 4 juillet 2006, de Tamanrasset du 6 janvier 1991, ont tous été signés sous la médiation algérienne.
La question de la situation sécuritaire au Mali et des négociations de paix ont été l'un des sujets discutés au sommet du G5-Sahel qui s’est tenu dimanche dans la capitale, en présence d'Emmanuel Macron.