Ceux qui jugent excessif, le fait dire de ce régime qu’il n’a de la République que la conception bananière, finiront bien par se rendre à l’évidence. C’est effectivement parce que la République dans laquelle nous vivons aujourd’hui est proprement bananière que la Cour constitutionnelle peut continuer à traîner dans la boue l’honneur de la démocratie malienne. Aussi Me TAPO, un ministre des droits de l’Homme décidément peu soucieux, non pas dans le verbe, mais dans les faits et gestes, de l’indépendance d’une Cour constitutionnelle déjà vassalisée, lui instruit publiquement de réécrire en lieu et place du pouvoir constituant institué (le législateur constitutionnel), une loi constitutionnelle d’une médiocrité juridique rarement égalable dans les annales parlementaires.
C’est bien de cela qu’il s‘agit, lorsqu’à l’occasion de son « débat » ou plutôt son « one man show » complaisamment offert à lui par cette association dite Trait d’Union, il a directement instruit pour ne pas dire sommer la Cour constitutionnelle de corriger l’article 37 de la loi constitutionnelle n°2017-031/AN-RM du 2 juin 2017 en y remettant le membre de phrase sciemment supprimé qui faisait obligation au Président de la République de « garantir l’indépendance de la patrie et l’intégrité territoriale ».
Nous précisons bien que ce membre de phrase a été volontairement biffé du texte.
Il s’agit d’une suppression délibérée et non d’une quelconque erreur matérielle ou omission, comme le ministre TAPO tente de le faire croire tout en faisant porter le chapeau par les députés.
D’ailleurs si tel était le cas, c’est encore plus grave. Car cela ne voudrait -il pas dire qu’on manque de rigueur et de sérieux au sommet de l’Etat même quand la fondamentale du pays est en cause ? L’on sait parfaitement que les amendements des députés sont naturellement portés à la connaissance du gouvernement. Le ministre TAPO et les services techniques du gouvernement n’ont pas lu ces amendements pour se rendre compte qu’une partie entière du serment présidentiel avait subitement disparue ? Mais dans quel Etat serions-nous dans ce cas ? Rien que pour cette considération, Me TAPO n’a pas intérêt à plaider pour le compte du gouvernement l’argument de l’erreur matérielle.
Du reste, et pour bien d’autres motifs, cet argument pour le moins fallacieux, ne peut aucunement prospérer. En vérité, la loi de révision constitutionnelle n°2017-031/AN-RM du 2 juin 2017 est truffée d’incohérences et d’anachronismes juridiques du même genre que nul ne saurait faire passer par pertes et profits au compte de simples erreurs matérielles.
Depuis quand une loi modificative de la Constitution du 25 février 1992 peut-elle en même temps modifier un autre texte constitutionnel de surcroît sans aucune valeur juridique comme le simple projet de loi de révision de cette même constitution ? Simple erreur matérielle ?
Dans quelle législation sérieuse, les numéros des articles amendés changent dans le texte de la loi votée et publiée ? Encore de simples erreurs matérielles ?
Dans quel pays sérieux, un même domaine de la loi, change de formulation selon qu’on est dans la liste énumérative ou dans les matières attribuées aux chambres ? A titre d’exemples et pour ne pas trop en rajouter, à l’article 71 il est précisé que la loi détermine les principes fondamentaux « de la gestion et de l’aliénation du domaine de l’Etat ». Cette même matière attribuée au Parlement qui en détermine les principes fondamentaux à l’article 73 devient « la gestion et l’administration du domaine de l’Etat ». Laquelle de ces deux formulations fait foi ?
Encore de simples erreurs matérielles ?
Que signifie dans cette loi constitutionnelle toujours à son article 73, cette compétence du parlement à « voter les lois portant organisation du référendum » ? De quelles lois s’agit-il qui portent organisation du référendum ?
Quelle est cette loi constitutionnelle qui, à son article 61, ne précise pas qui sera représenté au sein du Sénat ni comment seront désignés et pour quelle durée de mandat le tiers des sénateurs du Président de la République ? Aucune réponse à cette question dans la Constitution qui en la matière renvoie à une loi organique uniquement pour les seuls sénateurs élus, à l’exclusion des sénateurs du Président. Il est archi faux de dire que cette question lancinante sans réponse constitutionnelle sera résolue par une loi organique que la Constitution a omise de prévoir. Le parlement est incompétent pour voter une loi organique non prévue par la constitution elle-même. Encore une simple erreur matérielle ?
Cette liste des incohérences, omissions et anachronismes juridique de la loi de révision constitutionnelle n°2017-031/AN-RM du 2 juin 2017 est quasiment sans fin !
Nous le répétons : il ne s’agit pas de simples erreurs matérielles. Et même si cela était le cas, en aucune manière la Cour constitutionnelle ne peut trouver un fondement constitutionnel à une quelconque interférence de sa part en la matière soi-disant pour faire des correctifs comme semble lui avoir demandé Me TAPO.
Jamais, et contrairement à ce que soutient le ministre TAPO, le rôle d’« organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l'activité des pouvoirs publics » assigné à la Cour ne l’autorise à faire intrusion dans le champ de compétence du constituant institué. D’ailleurs sa propre jurisprudence s’y oppose de la manière la plus nette à travers l’Arrêt n° 01-128 du 12 décembre 2001 qui déclare que « toutes corrections ou modifications de la loi portant révision de la Constitution doivent faire l'objet d'un nouveau vote de l'Assemblée Nationale saisie pour une seconde lecture par le Président de la République… ».
Dr Brahima FOMBA
Chargé de Cours à Université des Sciences
Juridiques et Politiques de Bamako(USJP)