Alors que la fin de l’année était, pour beaucoup, la période la plus réaliste pour tenir l’élection présidentielle, le président par intérim, volontariste, a rapproché ce délai en conseil de ministres. Il s’est engagé et a engagé le gouvernement pour juillet, c'est-à-dire dans quatre petits mois. Et allant plus loin, le ministre en charge des élections a annoncé le 7 juillet comme date du premier tour de la présidentielle. Nul doute que ce pays a besoin d’élections pour se refaire une légitimité démocratique et appliquer les lois de la gouvernance que sont l’imputabilité et l’efficience à la place, généralement dissoutes dans les gouvernements dits de consensus qui, en Afrique, abaissant généralement les standards, privilégient les dividendes de l’allégeance par rapport à l’obligation de résultats. Et puis, l’autre raison, c’est simplement que cette transition-ci ne prépare pas ni une nouvelle république ni un changement de régime constitutionnel. Elle n’a qu’une vocation, c’est de rétablir la légalité démocratique autour d’une équipe issue du suffrage des Maliens. A quatre mois de l’échéance, il y a pourtant trop d’équations non encore résolues qui rendent plus qu’aléatoire le respect de la date prévue. D’abord, l’ambiance générale. Il est vrai, l’Adema a ouvert le bal avec dix-neuf candidats à la candidature, ce qui, au-delà de la nécessaire vitalité, peut aussi être l’expression d’un terrible désordre intérieur. Il est vrai, Modibo Sidibé fait de plus en plus parler de lui. Il est également vrai que Soumaila Cissé rentré au bercail se met en condition, passant avec quelque brio le test de la langue bamanan sur les ondes. Tout cela participe d’un exercice de mobilisation. Mais à la vérité, nous sommes encore loin de l’ambiance préélectorale habituelle. Et pour cause. Rien n’ informe véritablement sur la dynamique de paix et de redressement enclenchée. La revue des progrès enregistrés dans la mise en œuvre de la feuille de route ne veut pas dire forcément qu’il y a des progrès. Et surtout le progrès structurant ici réside dans le rapatriement de plus de trois cent mille réfugiés sur leurs sites. Or personne ne sait quand cette opération commence et si les rapatriements de 1994 par le Hcr sont la norme, le moins qu’on puisse dire est qu’il y a encore loin de la coupe aux lèvres. En même temps, les Maliens ne savent pas encore les scénarios prévus par le gouvernement pour ce qui est de l’élection. Tout ce qu’ils savent, c’est que la sécurisation non encore achevée des sites est le préalable du retour de nos compatriotes réfugiés qui souhaiteraient, c’est normal, renter en plein dialogue inter-malien. En d’autres termes, le contexte actuel où l’on redoute comme une arlésienne, n’aide ni le gouvernement, ni les partenaires, ni les populations. La question devenue classique du fichier électoral s’invite naturellement. Les assurances données par les autorités n’ont pas raison des doutes de la classe politique qui est comme épuisée car n’oublions pas que le débat électoral avait déjà commencé de manière passionnée en mars 2011 et qu’il avait continué les mois suivants. A moins que cette classe politique ne soit pas simplement inhibée par ce qu’elle a vécu à partir de janvier 2017 où les grands candidats faisaient afficher leur poster même le jour où Tessalit est tombé. Elections en juillet, janvier ou pas, on sait que la passation de témoin entre la génération facebook et son aînée ne se fera pas, car il n’y a pas de génération spontanée en politique. En clair, l’appel de sang neuf qu’on pouvait déceler chez les jeunes après mars 2012 se fera très difficilement à la tête de l’Etat. Le clientélisme établi comme marchepied pourrait même refuser au parlement et aux autres institutions le renouvellement qu’exige un processus démocratique sain et vibrant, si on n’y prend garde. Car partout où le changement a eu lieu, il est le fait d’une jeunesse debout et idéaliste, pas d’une jeunesse qui ne se bouscule que devant le boîtes de nuit. C’est ainsi le cocktail Malitov : la génération consciente est celle qui se presse à la mosquée le vendredi. Les autres enfourchent leur « jakarta » et sèment la mort.