Suite à une requête de l’opposition, relative au contrôle de constitutionnalité de la loi modificative de la constitution, la Cour constitutionnelle du Mali a livré son verdict ce mardi 4 juillet. Elle a ainsi déclaré la loi n°2017-31/AN-RM du 2 juin conforme à la constitution du 25 février. Le juge constitutionnel a toutefois émis un certain nombre de réserves et d’observations sur la mouture du texte modificatif de la loi fondamentale.
Le processus de révision constitutionnelle en cours viole-t-il ou non l’article 118 de la constitution en vigueur ? La polémique qui enflait depuis un certain temps ne devrait plus avoir lieu après l’arrêt n°2017-04/CCM/ de la Cour constitutionnelle.
En effet, suite à une requête en date du 14 juin 2017 formulée par 19 députés de l’opposition aux fins de déclarer la loi n°2017-31/AN-RM du 2 juin inconstitutionnelle , le juge a estimé que ladite loi est conforme à la loi fondamentale. Les élus de l’opposition avaient en effet jugé que le texte modificatif viole la constitution en son article 118 qui dispose : « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie s’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire».
Si la plainte, sur la forme, a été jugée recevable, au fond, la Cour a estimé que l’inconstitutionnalité de la loi qu’elle soulève ne peut prospérer. Et pour cause. Selon le juge constitutionnel, l’insécurité à laquelle le Mali fait face est résiduelle en ce sens qu’elle persiste en certains endroits du territoire national. Elle est d’ailleurs de moindre amplitude par rapport à l’insécurité qui sévissait dans le Nord du pays en 2012, laquelle n’a du reste pas privé le peuple à voter lors des élections générales de 2013. La Cour estime que « le défi sécuritaire imposé au Mali étant contemporain, le fonctionnement régulier des institutions ne saurait être tributaire de la pacification absolue du territoire national, elle-même dépendante d’un environnement d’instabilité transnationale, au risque de freiner le processus démocratique et de plonger le pays dans l’impasse et le chaos… »
Incompétence ?
Si les requérants renvoient à l’article 47 du Code pénal pour bien cerner la notion d’atteinte à l’intégrité du territoire, les neuf sages rappellent que cette notion n’est pas définie par les dispositions textuelles du droit interne qui ne fait que cerner les différents comportements individuels ou collectifs susceptibles d’être punis comme tels, ainsi que les peines y applicables. L’intégrité du territoire s’entendant de l’entièreté d’une entité territoriale dans ses rapports avec les autres, indique le juge, il va de soi que cette notion relève du droit international public qui la définit comme étant le droit et le devoir inaliénable d’un Etat souverain à préserver ses frontières de toutes influences extérieures.
« Dès lors toute référence au droit interne pour apprécier l’effectivité ou non de l’intégrité du territoire malien est impertinente encore que s’agissant de la loi, son interprétation relève d’une juridiction autre que celle constitutionnelle », déclare la Cour. Faut-il en comprendre l’incompétence de la Cour à apprécier l’effectivité de l’intégrité du territoire ?
Restrictions
Si la Cour constitutionnelle a validé la loi n°2017-31/AN-RM du 2 juin portant révision constitutionnelle, sa décision n’est toutefois pas un blanc-seing. En effet, elle émet un certain nombre de réserves et d’observations sur la mouture de ladite loi, notamment en ses articles 37, 47, 48, 61, 110, 115, 119, 145 et 148. Elle indique que «l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national », ce membre de phrase qui a été occulté dans la formule du serment du président de la République et objet de l’article 37 de la constitution, soit réintégré dans la nouvelle loi.
Au sujet de l’article 148 qui dispose que « la présente révision constitutionnelle n’emporte pas novation de République », le juge a souhaité que le terme « novation » soit remplacer par « changement ». L’autre réserve concerne l’article 145, où la nouvelle loi dispose : « la présente constitution sera soumise au référendum ». S’agissant d’une loi de révision, il convient, selon la Cour, de dire: « la présente loi portant révision de la constitution sera soumise au référendum », entre autres.
Un citoyen débouté
Il faut souligner par ailleurs que le sieur Ibrahim Sory Diawara, un électeur en commune V du district de Bamako, avait, lui aussi, saisi la Cour constitutionnelle aux fins d’annulation du décret n°2017-0448/P-RM du 07 juin 2017, portant convocation du collège électoral. Sa requête a été jugée irrecevable au motif que la Constitution du 25 février, en déterminant les modalités ainsi que les personnalités habilitées à saisir la Cour, ne fait pas cas du citoyen. Or, si la loi reconnait le droit à toute personne inscrite sur la loi électorale le droit de saisir le juge constitutionnel, cette saisine n’intervient que dans un délai de 8 jours francs à compter de la date du référendum. Le référendum n’ayant pas encore eu lieu, la requête du sieur Diawara ne remplit donc pas les conditions de recevabilité.