Le processus référendaire défraie la chronique. Les arguments et contre-arguments vont bon train. C’est pourquoi, le juriste de formation, Administrateur civil de son état, Daha Keïta, non moins secrétaire général de l’Union des Jeunes de la section RPM de la commune III, sort de sa réserve. Il estime que la démocratie n’est pas réellement comprise dans notre pays. Dans cette interview exclusive qu’il bien voulu nous accorder, le jeune premier des tisserands de la commune III, invite les détracteurs de la République du Mali à la retenue.
La Lettre du Peuple : Qu’est-ce que c’est la révision constitutionnelle ?
Daha Keïta :
Tous les jours, on attend des arguments et des contre-arguments à ce sujet. On a l’impression qu’il y a deux camps. Le camp du oui et le camp du non. En termes juridique, on ne pas parler de modification constitutionnelle. Ce terme ne sied pas dans le jargon du droit. Quand on parle de révision constitutionnelle, c’est adapter la constitution à la nouvelle donne, à la réalité qui sied. Elle est la loi fondamentale du pays, la vitrine des institutions. C’est elle qui défini le mode de fonctionnement de ces institutions, leur attribution, les prérogatives qui sont déférées au niveau des différentes Cours et juridictions. A ce titre, la constitution gère les conflits de compétences et détermine la séparation des pouvoirs au niveau des institutions. Bref, c’est elle qui détermine l’organisation centrale de l’Etat. Tout part de la Constitution. C’est pourquoi, on dit que c’est la loi fondamentale.
La Lettre du Peuple : Selon vous, qu’est-ce qui explique tous ces tiraillements et contestations autour de ce projet de révision constitutionnelle?
Daha Keïta :
On est dans un pays où la démocratie n’est pas tellement comprise à mon sens. Peut-être que c’est du à l’intox ou à la désinformation. Une révision au sens juridique, est une chose noble qui ne concerne que l’intérêt supérieur de la nation. Jugeant opportun de réviser la loi fondamentale du 25 fevrier 1992, le Président de la République a fait appel au pouvoir constituant dérivé. La raison est simple, le Mali a pris des engagements avec la communauté internationale. Il y a des détails qui font que la révision est très utile. Les plus sceptiques, les opposants et ceux-là qui font de la délation et qui prennent des mensonges comme de la réalité pour des ambitions diverses, se sont mis dans le sens à travailler pour désinformer. En politique, on se doit de dire certaines vérités et faire preuve d’une certaine exemplarité. Car, c’est le peuple qui est là pour juger. Les politiques ne peuvent pas être acteurs et juges de la révision constitutionnelle. Cette opposition qui entrain de prendre d’autre façades a participé à la formulation des amendements. Le terme An tè A bana, veut dire qu’on insensible à toute compréhension. C’est des calculs politiciens pour empêcher le Président de la République de gagner ce pari. Ils savent que si le oui l’emporte, cela donne un signal fort pour 2018. C’est pour empêcher les Maliens de savoir qu’il n’aura pas match en 2018. Dans leur calcul, c’est pour freiner ce qui va se passer en 2018. La communauté internationale ne peut venir nous parler de paix et que nous-mêmes, nous n’avons pas foi à cette paix. C’est pourquoi, IBK se bat tous les jours comme un beau diable pour consolider le soutien de la communauté internationale à notre pays et montré que cette paix existe au Mali. Ces sceptiques ne sont pas là pour l’intérêt du Mali, mais c’est pour leurs propres ambitions personnelles. Ils savent que si IBK gagne son pari, les Maliens diront que c’est un Président travailleur, désintéressé des appétits du pouvoir. C’est pour pallier à cela qu’ils utilisent des arguments de surenchères pour dire que le moment n’est pas propice et que l’Administration n’est pas sur toute l’étendue du territoire. Ils ont la mémoire un peu courte.
La Lettre du Peuple : D’après vous le moment est opportun de procéder à une révision constitutionnelle ?
Daha Keïta :
En guise de mémoire, quand on organisait les élections présidentielles en 2013, l’entièreté du territoire n’était pas recouvrée. Pourquoi, il n’ont refusé d’aller à ces élections générales post-crise. C’est la communauté internationale qui a accompagné le Mali tout au long de ce processus. Nous sommes dans ce cadre. Ces opposants veulent tout simplement désorienter le peuple et la communauté internationale en faisant croire que le régime IBK ne respecte pas les engagements. Le terrorisme et l’insécurité sont des phénomènes mondiaux qui s’imposent à tous les pays. Mêmes les USA qui ont l’armée la plus puissante au monde n’ont pas pu palier à ça. L’Etat ne va pas s’arrêter à cause de cette insécurité résiduelle, transfrontalière. L’Etat se bat à travers les moyens qu’il a. La vie de la nation ne va pas s’arrêter parce qu’on n’a pas la main mise sur toute l’étendue du territoire. Sur la base du droit international, on ne peut dire que le Mali est sous occupation. Le Mali n’est pas sous occupation. Notre pays n’est en guerre contre aucune puissance étrangère. Nous sommes dans une situation inédite où le Mali a signé des engagements. Si la constitution de 1992 a été adoptée sur la base du consensus, force est de reconnaitre que les accords internationaux s’imposent aux dispositions nationales. C’est cela l’idée du monisme qui instaure la révision pour faire adapter les dispositions réglementaires et législatives internes aux accords internationaux avec primauté du droit international sur le droit interne. Le gouvernement n’est pas animé de mauvaise foi. L’accord d’Alger prévoit le Senat et la décentralisation poussée. Il faut sortir de ce parlement monocaméral. Cela ne sied pas dans une démocratie moderne. Nous ne pouvons pas continuer dans cette tradition latine. L’actuelle constitution est la copie conforme de la constitution française du 2 octobre 1958. De ce moment à nos jours, cette constitution a fait l’objet de 25 révisions. Au départ, elle ne prévoyait l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. Il a fallu la décision du 6 novembre où le General De Gaule a soumis ce projet par référendum. Sous la 4ème République, le gouvernement de Vichy ne faisait que violer la loi en exerçant un contrôle illimité de la loi vis à vis du parlement par rapport aux autres institutions. L’arrivée de De Gaule a permis de mettre fin à cette pratique. De Gaule a dit que lorsque le pays est sous occupation, aucune révision constitutionnelle n’est possible. L’idée de l’article 118 de notre constitution est partie du fait que la France était sous occupation. Les fonctionnaires qui sont à Kidal ne travaillent pas au nom d’une autre République. Ce sont des Maliens. Nous sommes assistés par Barkhane.
La Lettre du Peuple : Quelles sont les innovations pertinentes inscrites dans le nouveau projet de révision constitutionnelle ?
Daha Keïta :
L’utilité de l’information, c’est pour que les citoyens puissent être édifiés sur le contenu du projet de révision. On fait croire que ce referendum sera un échec, un chaos. On donne l’impression de privilégier une certaine monarchie au détriment de l’ordre constitutionnel. Ce n’est pas exact. C’est loin de la réalité évidente. Avant l’accession du Président IBK au pouvoir, il y a eu les états généraux de la décentralisation, les assises nationales sur le nord. Tout récemment, il y a eu les accords d’Alger. Tous ces instruments juridiques obligent le constituant malien à procéder à ce qu’on appelle le pouvoir constituant dérivé ou la révision constitutionnelle. La volonté du législateur était très claire bien avant l’accession du pays à l’indépendance. Dans les préambules du nouveau projet de constitution, indépendamment de la déclaration universelle des Droits de l’Homme, la Charte africaine du 26 juin 1987, le Mali a ajouté la convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. C’est une innovation capitale au droit du genre. Il y a aussi la convention sur la torture, le traitement cruel et inhumain du 26 juin 1987, la convention du 20 juin 1989 relative à l’enfance. Tout cela veut dire que notre pays est respectueux des conventions internationales des droits humains.
En instaurant le Sénat qui va remplacer le haut conseil des collectivités, cela va donner plus de crédibilité à notre démocratie et va renforcer les pouvoirs du parlement par rapport à l’action gouvernementale. N’est pas sénateur qui veut. Dans certains pays, ils sont vus comme des aristocrates. Le Mali est à son début. Pourquoi, le Président nomme les 1/3 ? On est dans une République où le Président bat campagne partout pendant l’élection. Il ne peut pas être absent dans cet ancrage. Il doit avoir son mot à dire. Il Faut qu’il trouve des légitimités comme les Haïdara, les Mahmoud Dicko, ou des notabilités pour la concrétisation de sa vision. L’idée est que tous les fils du pays soient dans le giron des institutions pour que l’Etat soit un bloc. C’est cette idée qui se cache derrière cette nomination. Il est difficile de voir ces genres d’hommes religieux s’inscrire sur une liste. Ce n’est pas une fin en soi. Une fois que le projet sera une réalité, il y aura une certaine fluidité. On ne peut concevoir une démocratie sans Sénat. Dans le nouveau projet, l’article 135 dit que les collectivités territoriales de la République sont la commune, le cercle, la région, le district. Elles sont créées et administrées dans les conditions définies par la loi. L’article 136 qui remplace l’article 98 de la loi fondamentale de 1992, règle définitivement la transhumance des élus politiques : tout élu d’une collectivité qui démissionne de son poste est automatique déchu de son mandat et il est remplacé dans les mêmes conditions. Cela empêche de faire le nomadisme politique. Cette constitution a été conçue à l’image de la réalité malienne. Elle nous ouvre le chemin d’une démocratie propre au Mali. Il faut que les gens cessent l’amalgame. On s’en va vers une régionalisation poussée. S’agissant de la nomination du Président de la Cour constitutionnelle, le crime du Président IBK, c’est de vouloir enlever une épine du pied en essayant de formaliser la chose pour éviter des tiraillements internes. Au lieu de rester cette cacophonie entre les sages, IBK a voulu en finir avec le problème. Je recommande désormais qu’on fasse siéger les anciens Présidents de la République dans la Cour constitutionnelle.
Par rapport à la Cour suprême, les opposants parlent comme si les gens ne sont pas instruits. Dans la nouvelle donne, on renforce la crédibilité de l’Institution. Dans l’actuel monture, le Président de la Cour suprême doit faire partie des magistrats de grade exceptionnel sur proposition du conseil supérieur de la magistrature. On a fait que renforcer les critères de compétences pour devenir le Chef de cette Institution. Cette fois-ci le critère est strict. Le peuple malien doit être éclairé sur ces innovations. Notre démocratie a besoin de stabilité. On ne peut pas faire des omelettes sans casser les œufs. C’est le prix par rapport à cette démocratie qui avance. La révision est plus qu’indispensable. Cette révision n’a rien à avoir avec les mariages des « gays ».
La Lettre du Peuple : Quelles sont selon vous les solutions de sortie de crise ?
Daha Keïta :
Il faut surtout parlé des solutions politiques et juridiques qui vont de pair. Le sobriquet d’utiliser Antè abana n’est pas bienséant dans la démocratie malienne. Ce n’est plus bienséant pour celui qui veut la stabilité du Mali. Si tout le monde se disait Antè abana, où va le Mali. Ce Mali est le fruit du dialogue et une concession mutuelle de part et d’autre. Le projet a été concocté par l’Assemblée qui est le peuple législateur. Dans ce processus, seul le referendum fait du peuple souverain le législateur. Pourquoi chacun ne fait pas sa campagne pour expliquer sa position et laisser le peuple transiger. Pourquoi autant de marche et de haine comme pour faire changer le cours d’un agenda. Le Président est le plus démocrate. Pendant cette 3ème République, il est le seul Président à initier un statut de l’opposition politique. Dans ce rôle, qu’a fait l’opposition pour exprimer sa volonté à participer au renforcement de la démocratie ? L’opposition ne devrait pas être vue comme des oiseaux de mauvais augure, mais elle devrait être vue comme une force dans le sens de la construction du pays. C’est l’exemple de la démocratique britannique. IBK a tout fait pour essayer de donner corps et âme à cette opposition. Tout ça pour que l’opposition se sente doter d’une responsabilité pour participer à la construction nationale. Compte tenu de tous ceux que le pays a pu endurer ces derniers temps, chaque Malien devrait avoir une certaine admiration pour ce pays. Ce pays nous a tout donné. On doit avoir cet amour pour lui. Quant on voit que la révision devient l’objet de chantage, et qu’on est en train d’instrumentaliser contre espèce sonnante et trébuchante, on se demande où va le Mali. On est en train de confondre plafond et balafon. A mon avis, l’opposition veut dire s’opposer dans le sens de l’objectivité. Le chef de file de l’opposition ne doit pas se plaire dans la foule pour dire que nous contestons. Quand on sursoit, on va faire quoi pour montrer sa bonne foi à ses partenaires. Le Mali n’a le droit de décevoir la communauté internationale qui l’assiste dans tout son processus de sortie de crise. Soyons légaliste. Notre opposition qui est loin de gagner la légitimité veut mélanger les pédales en essayant de mettre la société civile au devant pour défendre l’indéfendable. Aujourd’hui, la société civile doit chercher à comprendre. L’expression démocratique la plus élémentaire, c’est interroger le peuple. Ce referendum montre la vitalité d’une démocratie. A l’état actuel, si le Président ne voit pas une certaine légitimité qui sied, il peut faire envoyer la loi pour une seconde relecture à l’Assemblée.
Interview réalisée par Jean Goïta.