Le projet de révision de la Constitution a donné l’occasion à l’opposition mais surtout à une partie de la société civile de donner de la voix pour marquer sa désapprobation. Rien de plus normal dans une démocratie. Cependant, sur les méthodes et les objectifs des uns et des autres, il y a du grain à moudre.
L’OPPOSITION ET LE SYNDROME DE MARS 1991
Ce qui caractérise la vie politique dans son ensemble, c’est une grande morosité qui s’explique par la qualité des acteurs en présence, notamment ceux de l’opposition dont la démarche et la réactivité devraient permettre de la rythmer. En effet, il va du jeu politique comme d’un match de football ou d’un combat de boxe : plus les adversaires sont talentueux et coriaces, plus le spectacle est beau. La scène politique offre l’image de deux camps opposés, avec d’un côté ceux qui sont aux affaires et de l’autre ceux qui tournent autour et qui grognent. Le grognard continue de pester à la manière d’un bébé réclamant la tétée mais dès qu’une offre intéressante lui est faite, la république redevient belle et paisible. La jouissance du pouvoir qui procure honneur, biens matériels et financiers semble être le moteur principal et tant pis pour l’idéal républicain ! Voilà pourquoi les hommes politiques ne sont plus crédibles et pourquoi le jeu politique lui-même n’a plus aucune consistance. Le fait de sanctionner le nomadisme politique suffira-t-il pour changer la donne ? Ce serait un des avantages de la réforme en cours.
Il faut revenir en arrière pour comprendre le péché originel de notre démocratie. En 1990, avec le vent de la Baule, le régime du Général Moussa Traoré est en difficulté parce que l’UDPM règne sans partage et ne semble pas disposé à changer. Ce sera l’erreur fatale car s’il accepte l’ouverture en ce moment précis et laisse se créer des partis dont il n’était pas prouvé que les animateurs allaient constituer un front uni contre lui, l’UDPM avait des chances de se maintenir. Sa posture justifiera le recours à la rue avec la suite que tout le monde connaît. Cette suite, c’est aussi une démocratie finalement dévoyée par la faute de politiciens accapareurs dont certains sont encore présents dans le jeu, faisant semblant d’oublier leur part de responsabilité dans les dérives qui conduiront le pays aux évènements de mars 2012. Les Maliens ont de la mémoire et ceux qui pensent pouvoir reproduire les vieux clichés en seront pour leurs frais. De plus en plus de jeunes sont décidés à jouer la carte de la vigilance et non celle du suivisme. Comme IBK pourrait bien être le dernier des Mohicans de la 3ème république après Alpha Oumar Konaré et ATT, les jeunes de tous bords gagneraient à l’accompagner de façon intelligente pour permettre l’instauration de la gouvernance vertueuse qu’il a promise. La meilleure arme politique reste le bulletin de vote et il faut éviter les actes de violence qui ne profiteraient qu’à des opportunistes tapis au frais dans l’ombre.
LE RÉVEIL DES JEUNES DE LA SOCIÉTÉ CIVILE
opposition
Ce que l’on nomme sous le vocable de « société civile malienne » est une véritable nébuleuse ne disposant d’aucun commandement unifié. En son sein, les religieux constituent une force capable de mobiliser et de peser sur le cours des évènements. Récemment, des jeunes convaincus de la vénalité de la plupart des politiciens ont pris pied sur le terrain, créant des pôles de leadership très marqués qui rejettent sans ménagement les méthodes des vieux briscards. Tant mieux pour le Mali et sa démocratie, pour peu que le discernement l’emporte sur la fougue ! La violence est le cancer de la démocratie et cette violence naît du mépris des codes et des règles établies. Le putsch de Sanogo est édifiant sur la question. Les « amis » politiques d’ATT qui l’ont lâché en pensant que sa chute leur ouvrirait des perspectives se sont retrouvés le bec dans l’eau parce que la soldatesque est passée par là et qu’au moment du vote, le peuple est resté lucide. Qu’elle soit de la mouvance présidentielle, de l’opposition ou tout simplement de la société civile, la jeunesse consciente est une nouvelle chance pour sortir le Mali d’un système longtemps pris en otage par des prédateurs sans état d’âme. La jeunesse doit se fixer comme mission de suivre, conseiller, dénoncer au besoin pour obtenir la gouvernance vertueuse dont elle va hériter le moment venu. Se battre par procuration est un pauvre régal. Puisse-t-elle le comprendre !
La véritable force se trouve dans la proposition et l’action, non dans la négation et l’inaction. Quel est le sens du combat des hommes politiques ? Lequel de ces hommes ou laquelle de ces femmes a pu lier son nom à une réforme politique majeure ou à une entreprise de bienfaisance au Mali ? Qui s’est engagé dans la promotion des jeunes dans son parti ou en dehors ? Cherchent-ils à magnifier le travail des élèves et étudiants, des gardiens, des policiers, des instituteurs, des infirmiers, des sages-femmes, des secrétaires, des agents de bureau ou des petits entrepreneurs? Quelqu’un qui ne sait pas valoriser le travail des « petits », peut-il promouvoir une société juste et égalitaire ? On n’entend parler que de privilèges et de pouvoirs. Mille fois dommage ! Ceux qui veulent la place d’IBK, parce que c’est cela le fond du problème, doivent accepter de l’affronter à la régulière dans les urnes. La vie des Maliens n’a jamais été liée à un problème de Constitution. Leur problème, c’est le poids écrasant et infamant d’hommes et de femmes qui se battent pour devenir quelqu’un au lieu de chercher à faire quelque chose pour le Mali et les Maliens.
Choisir de ne pas faire campagne pour le NON au référendum et exiger le retrait du texte qui a été adopté par l’Assemblée Nationale dans les conditions requises, est à la fois un aveu de faiblesse et de minorité. Cette opposition-là, c’est du pain béni pour IBK et il n’en fera qu’une bouchée.