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RAS-BATH: «Le camp du «Oui» est prêt à reconnaître les homosexuels»
Publié le samedi 8 juillet 2017  |  Le Sphinx
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© aBamako.com par Momo
Grand meeting de la société civile
Bamako, le 25 octobre 2014. La société civile malienne a tenu un grand meeting pour la défense de l` intégrité territoriale du pays.
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Dans cette interview qu’il nous a accordée, le désormais célèbre chroniqueur et membre actif du Mouvement «Touche pas à ma Constitution » dit tout sur le projet en question. Et il ne manque pas d’arguments. Lisez plutôt !



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A votre avis, la réforme constitutionnelle aujourd’hui à l’ordre du jour est susceptible de donner lieu à des dérives, de légitimer l’homosexualité dans notre pays et d’affecter le code de la famille. Pouvez-vous aller au fond de vos idées ?

Ras-Bath : La proclamation de l’adhésion du peuple malien à la charte de l’Union africaine des droits de l’Homme et des Peuples oblige en effet les Etats signataires dont le Mali qui fait partie des 28 pays membres ayant ratifié la Cour Africaine des Droits de l’Homme de respecter tous les droits des citoyens vivant à l’intérieur de leur territoire consacrés dans cette charte. A l’analyse des droits et libertés en question, il y a la lutte contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. A savoir qu’à l’origine de l’adoption de cette charte, il n’était pas encore question du droit des homosexuels, des gays lesbiennes et transsexuels parce que la pratique n’était pas publique et ne faisait pas l’objet d’un débat public sur le continent.

Le droit étant évolutif et suite aux persécutions et agressions dont faisaient l’objet les personnes de cette catégorie, des voix se sont levées pour leur accorder la protection. Il y a par exemple cette affaire qui a éclaté au Cameroun… Alors la commission des Droits de l’Homme de l’Union africaine s’est réunie à Luanda du 28 Février au 12 Mai 2014 pour se pencher sur la question parce que l’article 2 de la charte qui proclame l’égalité des droits des citoyens et l’article 3 qui proscrit la discrimination n’étaient pas suffisamment perçus dans les Etats. Ils ont estimé à la suite des travaux que le droit à l’égalité de tous les citoyens et l’engagement à lutter contre toutes formes de discrimination qui concerne aussi la discrimination contre l’orientation sexuelle. Ainsi, ils ont adopté la résolution 275 qui engage tous les Etats à lutter et à protéger les personnes contre les violences faites aux personnes pour leur orientation sexuelle réelle ou supposée. Ce qui a permis à la haute Cour de Botswana de condamner l’Etat de Botswana à reconnaître les associations de défense des homosexuels. En évoquant donc cette charte dans le préambule de la Constitution, l’Etat du Mali reconnait entièrement les Droits et libertés des homosexuels (les) et s’engage à modifier ses règlements intérieurs et ses lois, en vertu de la primauté de la Charte sur la législation nationale.

Cela revient-il à dire qu’un homosexuel s’estimant discriminé peut porter plainte contre toute personne et que sa plainte sera recevable ?

Justement ! La Cour africaine des droits de l’Homme a été créée et reconnue par 23 pays. Et pour être attrait à saisir cette Cour, il faudra faire une déclaration de reconnaissance. En 2011, ce sont 5 pays qui ont fait cette déclaration de reconnaissance de la compétence de la CEDEAO et de la Cour Africaine des Droits de l’Homme (reconnue par 23 pays). Ces 05 pays sont le Mali, le Malawi, le Botswana, le Ghana et le Niger.

Ce qui est grave, cette cour définit les qualités et compétences des personnes devant la saisir. Il s’agit des Etats, des ONG, les individus et ce, avant même l’expiration des recours internes. C’est dire que si un citoyen malien d’une autre orientation sexuelle se voit refuser le droit à la protection intérieure ou par exemple à la célébration du mariage par l’Etat du Mali, peut l’attaquer devant cette Cour pour non-respect de ses droits d’où le risque de condamnation. C’est la raison pour laquelle je suis étonné lorsque le président de la République et Kassoum Tapo invoquent le devoir de l’Etat de respecter son engagement international qui s’inscrit selon eux, dans un Etat respectueux… On verra alors mal le jour où un homosexuel attaquera l’Etat du Mali pour n’avoir pas pu le protéger ou lui avoir refusé le mariage… Ce jour oseront-ils dire que notre culture a été bafouée ?

C’est dire que l’Etat du Mali s’expose en ce moment à d’éventuelles poursuites par des organisations de défense des Droits de l’Homme et par des citoyens pour non-respect de leurs droits.

Est-ce à dire qu’une famille qui désapprouve la pratique serait quand même contrainte de garder à la maison un homosexuel issu d’elle, de le protéger, l’entretenir, lui apporter à boire, à manger, etc. ?

Exactement ! L’article 4 de la Charte dispose que toute personne a droit au respect de sa vie et à l’intégrité physique et morale de sa personne et que les tortures physiques et morales, les peines et les traitements cruels, inhumains et dégradants sont interdits. Autrement dit, toute personne qui fait objet de dénigrement, d’insultes, d’agression physique ou verbale à cause de son orientation sexuelle tombera sous le coup de la loi sur la discrimination. Cette personne peut bien être ton parent, voisin à la maison ou au travail, passant, etc. C’est dire que nul ne doit être pris à partie à cause de son orientation sexuelle. Et l’Etat du Mali serait contraint d’agir conformément à la plainte au risque de se rendre complice de discrimination et d’être condamné à son tour.

L’on soutient pourtant que cette charte figure dans la Constitution de Février 1992. Pourquoi c’est seulement maintenant que l’on soulève la question ?

Le Mali est l’un des pères fondateurs de l’OUA. Et nous sommes l’un des membres de cette commission des Droits de l’Homme de l’Union Africaine. Le droit est évolutif. Dans les années 60, date de création de cette commission, il était rare, sinon quasiment impossible de voir deux personnes de même sexe s’embrasser publiquement. C’était fait dans la discrétion. Mais les choses ont évolué. Les lois aussi. C’est la raison d’être des résolutions.

Et à Luanda, l’on s’est rendu compte que le droit des homosexuels existait déjà dans le concept des droits humains qui proscrivent toutes formes de discrimination sans exception; qu’il ne s’agissait pas d’une nouvelle loi, en fait. Il s’avère que l’homosexualité est une discrimination fondée soit par la culture du milieu ou par la religion….

La ratification est une des conditions de la reconnaissance de cette Cour, la déclaration en est une seconde. Et c’est ce que l’Etat du Mali s’apprête à faire avec la nouvelle constitution. Signalons qu’à l’heure actuelle, ce sont seulement 23 pays du continent qui ont fait cette déclaration. Le Cameroun par exemple n’en fait partie… Et lorsque ladite résolution a été adoptée, l’Assemblée Nationale du Sénégal s’est réunie pour demander d’arrêter le processus de déclaration de reconnaissance du pays. Ce, au regard de sa culture et de sa religion qui ne permettent pas de garantir le droit des homosexuels sur le territoire. Toute chose qui a permis à Macky Sall de dire à Obama que contrairement à l’Amérique, la société et la culture sénégalaises ne sont pas prêtes à accepter la pratique.

Y a-t-il possibilité de mariage homosexuel avec la reconnaissance de cette Cour ?

Bien sûr ! Un homosexuel peut bien attaquer l’Etat du Mali devant la Cour Africaine pour non reconnaissance de ses droits et gagner son procès. Mieux ou pis ! La Constitution étant la Bible ou le Coran en matière de droit, tous les codes et lois doivent s’y adapter au risque d’être rejetées par la Cour Constitutionnelle pour non-conformité. C’est dire que le code de la Famille et des personnes ne fera pas exception. Elle sera obligatoirement modifiée pour s’adapter à la nouvelle constitution dans ses passages concernant le mariage et la tutelle.

Le camp du « Oui » est donc prêt à reconnaître les homosexuels ?

C’est bien cela ! Le camp du « Oui » est prêt à reconnaître les homosexuels Quand on dit que mes droits et liberté tireront leurs origines et légitimité de la Charte africaine des Droits de l’Homme, j’ai l’obligation de me renseigner afin de ne pas être surpris demain. Cette charte a beaucoup évolué. En 1992 quand on l’adoptait, il n’était pas question d’homosexualité, de Facebook, de twitter… Ils ont dit aux religieux et aux dignitaires qu’ils seront sénateurs et que leur pouvoir sera renforcé mais ils ont omis de leur dire qu’ils seront appelés à légitimer le mariage entre homosexuels.

Est-ce que ces dispositions sont contenues dans l’accord d’Alger ?

Absolument pas !

Et celles relatives au pouvoir du président de nommer un tiers des Sénateurs, le président de la Cour Constitutionnelle, entre autres ?

Non plus, évidemment ! En fait, on se sert de l’Accord en vue d’atteindre des objectifs que l’on cherchait depuis longtemps… Il est louable, pour renforcer la démocratie, que le judiciaire trouve l’effectivité de son indépendance. Je vous cite le cas de deux pays : la France et le Sénégal. En France, la Loi Constitutionnelle de 2008 a été obtenue grâce au combat mené par les syndicats de la Magistrature qui a dépossédé le président de la République de son pouvoir de présider le conseil supérieur de la Magistrature. Ils ne se sont pas contentés de cela. Le Conseil continuait à être majoritairement composé de personnes étrangères au corps de la justice. Et en 2016, ils ont obtenu le droit à la représentation de plus de magistrats au sein du conseil. Et fin 2016, ils ont obtenu une loi qui retire le pouvoir au Conseil des ministres de nommer les Procureurs. C’est le Conseil supérieur de la Magistrature nommé et présidée par les Conseillers auprès de la Cour de Cassation et de la Cour d’Appel qui ont pouvoir de nommer et de muter les juges.

Au Sénégal, des études ont été menées dans le même sens l’année dernière pour demander à l’Assemblée Nationale de déposséder l’exécutif des mêmes pouvoirs. Tous les rapports tendent vers cela. C’est également le cas au Bénin.

Que se cache derrière la disposition de la nouvelle constitution autorisant le président de nommer un tiers des membres du Senat ? Les échéances de 2018 ?

Bien entendu ! Il n’y a que cela. Ceux qui conduisent cette opération doivent se ressaisir afin de ne pas se ridiculiser. Dire que même au Maroc qui est une monarchie, les Sénateurs ne sont pas nommés mais élus et pas au suffrage indirect mais direct. Idem en France. La démocratie, c’est le pouvoir pour le peuple de nommer ses représentants. Le Président de la République, en s’arrogeant le droit de nommer des Sénateurs sous le prétexte d’institutionnaliser les autorités coutumières, instaure un système totalitaire.

Et Me Tapo lors de son débat avec Tiébilé Dramé a prétendu qu’en Côte d’Ivoire, au Ghana ainsi qu’au Benin les pouvoirs traditionnels jouissent de ces privilèges. C’est tout simplement inexact. Dans ces pays, les autorités coutumières bénéficient d’un statut juridique. Au Mali, elles bénéficient d’un statut légal puisque placés sous la tutelle du Ministère de l’administration territoriale. Ils ne sont sénateurs nulle part en Afrique.

Nommer ces personnes serait d’ailleurs grave dans la mesure où elles constituent un rempart et des régulateurs sociaux pour la stabilité. En les nommant Sénateurs, ils lui seront désormais reconnaissants et redevables.

Et je suis étonné quand Kassoum Tapo prétend que leur nomination n’aura aucun impact sur l’équilibre et la séparation des pouvoirs. Et pour cause, la décision au niveau du Sénat est prise à la majorité simple. Mais en cas de congrès, les deux tiers, le président de la République à travers son parti a forcément la majorité en tenant compte du tiers par lui nommé. Puisqu’il a déjà la Majorité aussi bien à l’Assemblée qu’au Sénat, il peut, quand il le souhaite, procéder à une modification de la constitution sans passer par un referendum. Quand on dit que c’est sans influence, je suis vraiment étonné. Et tenez-vous bien : on vient d’accorder à la Chambre et à l’Assemblée Nationale, plus de pouvoir de la démocratie. La Constitution de 1992 a respecté le principe de parité dans la nomination des membres de la Cour Constitutionnelle soit 3 par l’Exécutif, autant par le judiciaire et le législateur. Mais dans leur projet, le Président garde ses 3, le législatif s’est vu augmenter à 4, Sénat 2, l’Assemblée 2 et le judiciaire s’est vu réduit à 2. Même dans le pouvoir de nomination ils créeront la disparité et l’inégalité. Il n’y aura donc plus d’équilibre. Et dire que la décision est prise au niveau de cette Cour par la voix de la majorité et que son président n’est plus élu par ses pairs, mais par le Président de la République.

Ils prennent comme référence la France où c’est effectivement le président de la République nomme celui du Conseil Constitutionnel, mais sur proposition de ses pairs après l’avis de la Chambre des Lois et de l’autorité de nomination.

Vous avez parlé de la création de certaines régions qui risque de poser problèmes. Mais pourquoi et comment ?

C’est l’article 63 du projet de révision de constitution qui prévoit dans son dernier alinéa la création de nouvelles circonscriptions électorales et modifie le nombre des sièges des circonscriptions. Et ils ne précisent pas s’il s’agit d’une loi simple ou organique. Puisque ladite loi étant déjà dans la Constitution, le fondement de création des circonscriptions et de détermination des sièges reviendrait à la loi. Et il suffit tout simplement que le congrès décide et basta, ça passe. Mais conséquences : par rapport à la Constitution de 92 et la loi électorale en vigueur, les sièges attribués par circonscription sont fondés sur le critère démographique soit 60.000 habitants… On veut maintenant quitter le critère démographique pour venir à celui politique. Kidal, Ménaka, Taoudéni étant désormais des régions… Mais pour qui se souvient, les groupes armés originaires de ces circonscriptions ont demandé la sécession pour motif de leur exclusion des affaires publiques. D’où l’engagement dans l’accord d’Alger à augmenter leur représentativité au sein des institutions. Et ils (les ex-séparatistes) ont refusé d’accéder au Gouvernement parce que le quota qui leur est promis n’a jusqu’à ce jour été respecté. C’est dans cet esprit que le gouvernement, a voulu, à travers son projet modifié de l’article 92 à l’article 98 de la Constitution de 92 que les Députés ont rejeté (ces articles traitent des questions des collectivités territoriales dans le Constitution de 92).

Aujourd’hui, avec la nouvelle possibilité de modifier la Constitution sans passer par le referendum, ce qui a été rejeté risque de revenir avec une simple loi. C’est dire que cette disposition peut attribuer 5 sièges à Kidal par exemple, 4 et 3 respectivement à Kidal et Taoudéni… C’est dire que la région peut se retrouver avec un nombre de députés disproportionnés par rapport à la population en termes de densité par kilomètre carré. Et puisque plus de 80% de la population est de peau noire, celle-ci risque d’être moins représentée que la minorité séparatiste des autres régions parce qu’ayant plus de sièges que les zones fortement peuplées. Toute chose qui créera un sentiment de domination d’une minorité sur une écrasante majorité. Le même système a été initié et est en vigueur en Mauritanie depuis l’époque coloniale et où la population majoritaire est noire avec une minorité gouvernante d’environ 15%… L’élite est toujours de peau claire. C’est le même système que le colonisateur Belge a mis en vigueur au Rwanda et au Burundi où le pouvoir institutionnel est confié à la minorité. Chose à l’origine d’un sentiment de frustration, d’abus… Et partout où existe ce système, l’Etat est contraint d’apporter la posture de violence, de torture, de discrimination…

On est en train de trouver les moyens légaux et institutionnels d’augmenter la représentation de ceux qui ont pris les armes. Et quand ils auront plus de sénateurs et de députés, ils pourront modifier les lois au niveau de l’Assemblée Nationale sans pour autant être majoritaires mais seulement avec le plus grand nombre de sièges donc de représentants au détriment de la majorité réelle. Ce qu’ils n’ont pu obtenir par les armes, ils l’obtiendront par leur poids politique à savoir, l’autonomie de leurs régions. Je dis donc que l’article 63 de cette réforme constitutionnelle est d’une portée terrible dont il faut se méfier. Au regard de ce qui se passe en Mauritanie, de ce qui s’est passé au Rwanda et au Burundi, en voyant les mêmes germes dans ma Constitution, je ne peux ne pas penser aux mêmes conséquences.

Propos recueillis par Adama Dramé

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