Vêtue d’un pagne africain, Fatima, trentenaire, est d’un tempérament jovial et une énergie communicative qui égayent la cabane spartiate qui lui sert d’échoppe pour écouler ses produits.
Car Fatima est un peu l’épicière du camp, ici, sous le pont de Oued El Kerma. Riz, huile, semoule, thé, sel, jus, bouteilles de yaourt, tranches de pastèque… Elle vend d’un peu de tout. «Je fais également des plats», indique-t-elle. Le bol de riz est à 50 DA. Elle propose aussi des pâtes, du couscous…
Fatima Moussa Maïga de son nom complet est Malienne. «Je suis originaire de Gao, mais j’habite à Kidal», confie-t-elle. «Je suis dans ce camp depuis seulement deux semaines, mais je suis installée à Alger depuis maintenant trois ans», affirme Fatima, avant de préciser : «Je ne dors pas ici. Je vis à Alger-Centre. Des bienfaiteurs ont mis à ma disposition gracieusement un garage.» «Hamdoullah, je n’ai pas de problèmes avec les Algériens. Vous savez, il y a des bandits partout.
Mais il y a des gens bienveillants qui ne laissent personne m’embêter», relativise-t-elle. Sur les raisons qui l’ont poussée sur les routes de l’exil, Fatima explique : «J’ai quitté le Mali à cause de la guerre. Je suis partie quand ils ont commencé à attaquer les militaires à Kidal. La vie était devenue infernale. A Kidal, ça ne va pas jusqu’à maintenant. Il y a toujours des attaques. A 18h, tout le monde se terre à Gao. Tu es obligé de cacher ta voiture ou ta moto.
Parfois, il y a des gens qui font irruption dans les maisons pour tuer quelqu’un. A Kidal, c’est pire. La guerre est loin d’être finie.» Fatima est célibataire. Elle n’a pas d’enfant, pas de parents. «Mon père et ma mère sont morts. Je n’ai plus qu’un oncle et quelques proches qui vivent à Gao. Je suis venue toute seule en Algérie. J’ai fait la traversée avec un groupe, on est passés par Timiaouine, et de là, on est montés vers Tamanrasset», raconte Fatima. «Je suis restée six mois à Tamanrasset, ensuite je suis venue ici.»
A son arrivée à Alger, Fatima était livrée à elle-même. Elle n’avait pour tout gîte qu’un bout de carton sous une arcade froide. «Au début, je dormais dehors, après, les gens m’ont aidée. On m’a donné un garage pour me mettre à l’abri.» D’ailleurs, son obsession, c’est d’avoir un toit décent. «Notre seul problème, c’est le logement», insiste-t-elle. Pour le reste, Fatima se sent parfaitement intégrée. «Les Algériens sont généreux.
Une fois, un homme m’a donné ‘‘alfine’’ (20 DA) et m’a dit pardonne-moi, je n’ai pas les moyens», témoigne-t-elle. «Pendant le Ramadhan, tous les soirs trois familles différentes m’apportent à manger.» Et de lancer : «Hamdoullah, on est à l’aise. Même le Président a dit laissez les étrangers. On est au courant. Un pays où il n’y a pas d’étrangers, ce n’est pas un pays.»