Un débat divise aujourd’hui les Maliennes et les Maliens. Avec des arguments qui vont parfois dans tous les sens et des protagonistes qui s’écoutent peu. Ce débat, dans certaines de ses grandes lignes, peut se résumer ainsi :
Faut-il ou non réviser la Constitution du 25 février 1992 ? Peut-on, doit-on procéder à une révision constitutionnelle au moment où une partie du territoire est sous occupation ? disent les uns. Quelle occupation dès lors qu’aucune troupe étrangère n’a investi un centimètre de notre sol ? répondent les autres. Et les échanges continuent : d’ailleurs la Cour Constitutionnelle n’a-t-elle pas définitivement tranché cette question ? Non, car elle n’a donné qu’un avis et il faut un arrêt.
La révision n’est-elle pas une obligation impérative pour le Mali qui a signé l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger ? Ou au contraire a-t-elle été expurgée par les députés de toutes les dispositions y relatives ?
Ne s’agit-il donc que d’une tentative de renforcement des pouvoirs du Président de la République ? Ou de la nécessité d’adapter la Loi fondamentale à la pratique institutionnelle du Mali et aux nécessités du Mali ?
Face à ces fortes interrogations qui ne sont d’ailleurs pas exhaustives deux camps s’affrontent.
Celui du NON sous une appellation (AN TE A BANNA que l’on peut traduire par «Nous refusons ; Terminé !) qui laisse peu de place au dialogue et au compromis. Et le camp du OUI (AN SON NA «Nous sommes d’accord») qui maintient fermement le cap avec notamment des députés déployés sur le terrain.
Les débats organisés par les media publics ou privés sont peu empreints de convivialité et bien évidemment les réseaux sociaux s’enflamment. En un mot, rarement un débat aura autant divisé les Maliens alors même que le premier objectif affiché de la révision constitutionnelle est de réconcilier les Maliens. Quel paradoxe !
Il nous faut donc sortir de la logique qui s’est instaurée. Il nous faut arrêter de nous compter sur cette question. Il faut nous rassembler. Je sais que la démocratie est la pluralité d’opinions et qu’il est normal qu’en démocratie le OUI et le NON s’affrontent pour une révision constitutionnelle.
Mais en l’occurrence il ne s’agit pas d’un débat serein et fécond entre deux points de vue mais d’un affrontement qui se prépare sur le principe même du scrutin référendaire en ce moment. Surtout qu’à regarder de près, avec un minimum de bonne foi et d’intelligence, il est possible de trouver un compromis honorable pour tous et dans l’intérêt exclusif du Mali.
COMMENT ? Entre autres propositions possibles et peut-être meilleures, je suggère :
1- Amener les faucons des deux camps, notamment du camp du OUI à plus de retenue, à moins d’invectives voire d’injures. N’oublions jamais qu’il ne s’agit que d’un débat entre frères et sœurs du Mali. Je sais (car je connais et respecte les leaders) que ces maximalistes ne sont pas mandatés pour tenir certains propos. Mais ils ternissent l’image de leur camp. Ils doivent être recadrés voire encadrés.
2- Le Président de la République, pour la quiétude et la paix sociales, pour la cohésion nationale, pour la nécessité de corriger certaines erreurs matérielles décide, en toute souveraineté, de renvoyer le texte devant l’Assemblée Nationale pour une seconde lecture. L’Assemblée nationale, qui a déjà beaucoup écouté, qui est à féliciter et qui est exempt de tout reproche sur ce point, pourrait alors faire plus. En prenant le temps nécessaire pour ce faire.
3- Concomitamment à cette démarche institutionnelle pourraient s’amorcer des consultations moins formelles avec une équipe que désignerait le Premier ministre et qui pourrait être conduite par un parfait connaisseur de l’Etat, de ses contraintes, arcanes et exigences. Cette équipe engloberait diverses personnalités qui pourraient être issues du Conseil National de la Société Civile, du Comité initialement mis en place pour la révision constitutionnelle, de An Tè A Banna, de An Son Na, du Président de la Commission Lois de l’Assemblée Nationale, de deux universitaires, d’un représentant de la CMP et de l’opposition politique, d’un représentant de la Plate-forme et de la CMA et enfin d’un actif sur le web. Cette énumération n’est pas exhaustive.
Faudrait-il y adjoindre dès l’abord les religieux et les légitimités traditionnelles ? A mon avis il faut les « garder en réserve » et à toutes fins utiles.
4- Ce Comité listera :
· Les avancées incontestables que tous reconnaissent et acceptent ;
· Les points contestés faciles à surmonter et ils sont nombreux ;
· Les points de contestation majeure à discuter et à aplanir ; ils sont peu nombreux ;
· Le moment propice à la consultation référendaire.
5- Aux termes de ces débats le Président de la République prendrait la mesure qui lui semblerait la plus appropriée : retirer le projet ou le soumettre à referendum avec l’adhésion à priori du plus grand nombre. Rien ne devrait d’ailleurs au terme d’un tel exercice s’opposer au référendum. Une telle démarche nous ramènerait aux fondamentaux suivants : sans un consensus un referendum en démocratie peut aboutir au OUI ou au NON :
·Le OUI dans les conditions actuelles diviserait encore plus le Mali alors même que l’objet du referendum est la consolidation de la paix et de la réconciliation ;
·Le NON va remettre en cause la poursuite de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger c’est-à-dire la signature du Mali.
Entre le passage en force et le blocage de force, peut se dérouler le boulevard du consensus, du compromis.
Qui nous rendra plus fort. Collectivement !
Donc nous devons #SeRassemblerNonSeCompter.
Bamako, le 03 juillet 2017
Maître Mountaga TALL
Avocat à la Cour
Président du CNID – Faso Yiriwa Ton
DECLARATION DE LA PLATEFORME « ANTE A BANA, TOUCHE PAS A MA CONSTITUTION !»
A l’issue du sommet du G5 Sahel, au cours de la conférence de presse donnée par les Présidents de la République France et du Mali, le 2 juillet 2017, le Président de la République Ibrahim Boubacar KEITA, répondant à une question à lui adressée, a perdu son sang-froid.
Contrairement aux usages diplomatiques et politiques qui voudraient que les questions relevant de la seule souveraineté du Mali soient traitées dans le cadre normal du déroulement du jeu politique interne, le Président IBK a transformé la conférence de presse en une tribune de règlement de compte avec l’opposition.
En outre, le Président de la République Ibrahim Boubacar KEITA estime que, ne pas tenir le référendum constitutionnel c’est trahir le peuple malien. De plus, dans une vision manichéenne, il s’épuise à diviser les Maliens en patriotes et apatrides.
En se prononçant publiquement avec une fermeté sans retenue, sur l’issue d’un recours exercé par l’opposition devant la Cour constitutionnelle, le Président de la République a violé le principe sacrosaint de la séparation des pouvoirs consacré par la constitution du 25 février 1992.Il est allé jusqu’à indiquer l’issue de l’élection référendaire à venir fermant du coup la voie au dialogue.
En effet, le Président de la République s’est livré à un exercice d’interprétation singulière de l’article 118 de la Constitution, interprétation empreinte de sa volonté sans équivoque d’induire son peuple en erreur sur le concept « d’atteinte à l’intégrité territoriale ».
Il a estimé de manière péremptoire, contrairement à l’esprit et à la lettre de l’article 118 de la constitution, que l’atteinte à l’intégrité territoriale, ne concernerait que le cas d’occupation du pays par des forces étrangères.
La Plateforme « Antè A Bana, touche pas à ma constitution !» :
• exprime son indignation devant le blocage du dialogue qu’entraine cette prise de position inappropriée ;
• s’insurge contre l’entêtement du Président de la République à vouloir imposer au pays des épreuves douloureuses que rien ne justifie.
• rappelle que le Président de la République a pris plusieurs engagements vis à vis des Maliens, qu’il n’a jamais honorés.
Aujourd’hui, pris de panique devant la pression des évènements, le Président de la République ne trouve d’autres moyens que de piétiner la constitution et toutes les règles de bienséance au détriment de la paix civile.
La Plateforme « Antè A Bana, touche pas à ma constitution !» rappelle au Président Ibrahim Boubacar KEITA et à tous, la nécessité absolue du Plus tôt, le vendredi 30 juin, une autre délégation de la Plateforme se rendant à Banamba, conduite par un autre porte-parole, s’est vu refusé la tenue d’une conférence sur la révision de la Constitution par les autorités locales. Le commandant de la brigade de gendarmerie de la localité a suivi la délégation dans chacune de ses visites de courtoisie aux autorités traditionnelles et coutumières, insultant chaque membre de la délégation et les menaçant d’arrestation. Le Sous-préfet a ensuite rédigé une correspondance expliquant l’interdiction de la conférence par le motif de l’état d’urgence alors qu’une conférence similaire a été organisée par les députés de la Majorité Présidentielle dans les mêmes conditions.
respect de la souveraineté du Mali.
Elle rappelle également au Président de la République que l’exercice de la fonction présidentielle comme toutes autres charges publiques, relève plus d’un sacerdoce que « d’avoir une quelconque place au soleil.»
La Plateforme «Antè A Bana, touche pas à ma constitution !» réaffirme sa détermination à faire échec à toute dérive autoritaire et exige le retrait pur et simple du projet de révision constitutionnelle jusqu’à ce que les conditions favorables à une telle opération soient réunies.
La Plateforme « Antè A Bana, touche pas à ma constitution !» reste convaincue que seul, le rétablissement de la confiance entre les autorités et les populations, les acteurs sociaux et politiques est la base d’une réconciliation véritable et féconde.
C’est pourquoi, elle rejette catégoriquement toute révision constitutionnelle unilatérale de la constitution du 25 février 1992 dans les conditions d’illégalité actuelles.
La Plateforme «Antè A Bana, touche pas à ma constitution !» reste engagée dans la recherche de la paix et la réconciliation nationale au Mali.
Fait à Bamako, le 4 juillet 2017
Pour la Plateforme « Antè A Bana, touche pas à ma constitution
La présidente Mme SyKadiatou Sow