Au plan strictement sécuritaire, les villes du nord-Mali ne sont aujourd’hui plus directement occupées par les groupes armés et les organisations terroristes mais des affrontements continuent toujours d’opposer certains mouvements (sur fond, le plus souvent, de contrôle des flux illicites transfrontaliers). L’alliance conjoncturelle entre groupes djihadistes et touareg a désormais vécu et l’attentat de Bamako, revendiqué par le groupe terroriste d’Al-Murabitune de l’Algérien Moktar Belmoktar, est venu rappeler que le conflit du nord-Mali ne pouvait être réduit à la seule dimension touarègue. Si le gouvernement malien se doit de rétablir la paix avec le Nord et de restaurer l’intégrité territoriale du pays, la lutte contre les réseaux terroristes dépasse en revanche le seul cadre territorial malien. En dépit de l’ampleur des aides internationales liées aux programmes de lutte contre le terrorisme, Etats-Unis en tête, de la présence de casques bleus et de soldats français de l’opération antiterroriste Barkhane dans le Nord, les capacités financières et militaires de ces réseaux restent fortes. Parmi les pays membres du G5 Sahel (Niger, Tchad, Mauritanie, Burkina Faso et Mali) qui fondent leur action sur la coordination régionale des politiques de développement et de sécurité, seuls le Niger et le Tchad sont cependant investis – politiquement et militairement – au Mali, comme principaux contributeurs de contingents à la MINUSMA, et plus largement dans la sous-région, dans la lutte contre Boko Haram.
Après la déroute de Kidal en mai 2014, l’armée malienne avait été contrainte de se retirer de pans entiers de son territoire dans le Nord. Dans l’espoir de prévenir sa marginalisation définitive des régions septentrionales, le gouvernement a néanmoins choisi d’intervenir en armant des milices locales (le GATIA principalement). Cette stratégie s’inscrit dans la lignée des schémas suivis depuis l’indépendance (1960) par les dirigeants maliens afin de diviser les groupes du Nord et éviter l’émergence d’acteurs trop influents sur zone. Au-delà d’entretenir le conflit et instrumentaliser les divisions entre communautés, cette stratégie du “diviser pour mieux régner” a essentiellement contribué à donner à cette crise une tournure tribale inquiétante. D’autres groupes ont depuis suivi l’“exemple” du GATIA, à l’instar de certains représentants peuls de la région du Macina (350 km au Nord de Bamako) qui, depuis janvier 2015, ont créé un Front de Libération du Macina et fait allégeance à Ansar Eddine, sur fond de référence à la dina, Etat islamique fondé dans le Macina par Cheikou Amadou au XIXème siècle
C’est finalement un Président diplomatiquement isolé dans la sous-région, qui a laissé son intransigeant Premier ministre Moussa Mara (remplacé ce début d’année par Modibo Keita) et son Ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Diop, prendre l’initiative dans le déroulement des pourparlers d’Alger. Peu d’observateurs cependant attendent aujourd’hui d’une nouvelle ‘Pax Algeria’ des résultats concrets sur le terrain. Les risques de désolidarisation des groupes sont élevés et le report des questions les plus litigieuses – toujours discutées dans les accords précédents mais rarement mises en œuvre comme le désarmement, l’intégration des ex-combattants ou le développement – font peser des menaces graves sur l’ensemble du processus. La CMA, au terme de consultations des populations du Nord tenues du 12 au 15 mars dernier, a réaffirmé son opposition à un texte qui ne reprendrait pas leurs principales aspirations.
Extrait du document : Instantané politique malien, trois ans après la crise de 2012