C’est le 30 mars dernier que le Conseil des ministres a adopté le document de la Politique nationale de communication pour le développement (PNCD). Cet instrument est censé apporter des changements qualitatifs dans le domaine de la communication. Afin d’obtenir d’amples informations sur cette politique, nous avons approché le docteur en communication et directeur général de l’Office de radio et télévision du Mali (ORTM), Sidiki N’fa Konaté, qui a suivi de bout en bout le processus d’élaboration de la PNCD.
Notre interlocuteur a, d’abord, expliqué que la PNCD repose sur les concepts de participation, d’adhésion, de partage et de responsabilisation. Elle suppose que pour le développement (qui n’est pas à confondre avec la croissance), il faut responsabiliser les participants au processus de développement. Pour l’ancien ministre de la Communication, la mise en place de la PNCD au Mali a été motivée par un certain nombre d’échecs dus au fait qu’il n’y avait pas assez de communication entre gouvernants et gouvernés. Il a rappelé que dans les années 70 et 80, nombre de projets de développement ont avorté du fait que les populations n’avaient pas été concertées en amont. «C’est sur la base de nombreux échecs qu’on a pensé mettre en place une PNCD. On s’est dit que c’est bien de faire des routes, des hôpitaux, des ponts, mais qu’il faut tenir compte du vécu des populations qui en sont bénéficiaires», a-t-il souligné.
Pour notre interlocuteur, la PNCD consiste à responsabiliser davantage les populations, les considérer comme des êtres majeurs capables de créer de l’information, de participer à la gestion de l’information. «C’est là qu’il y a cette relation entre le concept de développement, de communication pour le développement et le concept de démocratie», a soutenu le patron de l’ORTM, ajoutant que la notion de choix est fondamentale en matière de communication pour le développement. En effet, la notion de démocratie comme celle de l’information sont toutes deux basées sur la notion de choix. «On a parlé de développement endogène, de développement autocentré, de développement durable, de développement humain durable. Tout ceci parle de quoi ? Que l’homme est au début et à la fin de l’ensemble du processus de développement et que l’intrant indispensable qu’il faut en matière de communication, de développement, c’est l’adjuvant communication, c’est-à-dire la notion de partage, de responsabilisation et de participation», a-t-il argumenté.
La PNCD, a développé Dr Konaté, vise à instaurer un cadre de concertation, à créer une synergie entre les différentes composantes du secteur de la communication et du développement. Pour lui, il est important que celui qui s’occupe de l’agriculture, celui qui s’occupe de la santé, celui qui s’occupe de l’environnement comprennent tous qu’il faut une approche intégrée, étant donné que l’homme est au centre de tout cela. Par ailleurs, notre interlocuteur a fait savoir que le concept de communication pour le développement est basé également sur la notion de système. «Ce n’est plus tel secteur considéré en tant que tel, tel autre considéré en tant que tel. C’est l’ensemble de ces secteurs, pris ensemble dans une dynamique de processus de changement. J’insiste sur la notion de changement parce que le concept de communication pour le développement s’inscrit dans une logique de changement », a-t-il expliqué.
ANCRAGE DE LA DéMOCRATIE. La PNCD, a poursuivi Dr. Konaté, s’inscrit dans le cadre du changement. Le développement étant d’abord une question de changement de mentalité. Selon lui, il est difficile de changer les mentalités, si on ne travaille pas sur l’imaginaire collectif. «La transformation de cet imaginaire collectif pour un objectif partagé par l’ensemble de la société est basée sur le concept de communication. Il faut informer, partager, discuter, se mettre d’accord et mutualiser les moyens. La logique qui est derrière, c’est l’ancrage de la démocratie parce que la démocratie suppose la participation à une dynamique de groupe, à un partage des concepts et à une responsabilisation», a-t-il expliqué.
Après avoir rappelé que l’élaboration d’une politique nationale de communication pour le développement a débuté dans notre pays depuis 1993, Dr Sidiki N’fa Konaté pense qu’il est bon que le Mali ait aujourd’hui cette politique pour deux raisons. La première est que la PNCD sert d’abord de cadre de référence pour les différents partenaires qui veulent investir ou travailler au Mali. La deuxième raison est que la PNCD permet de coordonner les activités pour éviter toute duplication. Notre interlocuteur a rappelé avoir animé un atelier sur cette politique en 1993 avec Cheick Omar Maïga, (actuel secrétaire général du ministère de l’Économie numérique et de la Communication), feu Dieudonné Amadou Alpha Sow, feu Cheick Coulibaly (ingénieur) et le ministre de la Communication de l’époque, Cheickna Detteba Kamissoko.
Sidiki N’fa Konaté a tenu à souligner que la politique nationale de communication pour le développement a été faite pour que la priorité soit accordée aux populations, à leur vécu, à leur environnement. «Il est important qu’on tienne compte du vécu des gens. Je vous donne cet exemple. Il y a dans le temps un centre de santé construit que personne n’a voulu fréquenter parce qu’ayant été bâti dans un vieux cimetière. Avant la construction de ce centre, il fallait préalablement mener des enquêtes pour savoir si les populations sont d’accord avec le choix du site. Ensuite, il fallait mettre un focus sur l’importance des médias. Pas seulement la radio et la télévision, mais les médias sociaux considérés comme étant également les moyens traditionnels de communication. C’est là qu’on parle d’exploitation de savoir et de savoir faire», a-t-il dit, ajoutant que l’Agence nationale de communication pour le développement (ANCD), ex CESPA, a été créée pour porter cette politique nationale de communication de développement, en tant qu’agence d’exécution. Selon lui, il faut créer des structures de coordination et convaincre les partenaires que désormais s’ils veulent agir dans le domaine de la communication, on a un document de référence dont ils peuvent s’inspirer.
Qu’est-ce que le gouvernement doit faire pour que les objectifs définis dans le projet de société du président de la République soient atteints ? Qu’est ce que le gouvernement doit faire pour qu’il y ait ce dialogue permanent entre gouvernants et gouvernés ? Qu’est ce que le gouvernement doit faire pour que les préoccupations des populations soient connues et qu’on y apporte des solutions ? Qu’est ce que le gouvernement doit faire pour que les populations se sentent maîtres de leur développement, maîtres de leur destin ? Qu’est ce que le gouvernement doit faire pour vendre le Mali, pour dire le Mali en termes de réalisations ?, s’interroge Sidiki N’fa Konaté avant d’ajouter que c’est tout cet ensemble qu’il faut voir avec une approche orientée vers le développement : la satisfaction des besoins des populations».
Notre interlocuteur pense que les populations ont aujourd’hui besoin de santé, de l’eau potable, d’écoles, qui font partie des objectifs de développement durable (ODD). «C’est cette vision que nous avons développée depuis 1993. Il faut des stratégies sectorielles, il faut des moyens, il faut un timing, il faut des partenaires, définir qui fait quoi. Il faut aussi identifier les besoins et se donner des moyens d’évaluer. Parce qu’il ne s’agit pas de jeter des idées en l’air, il faut les mettre en pratique et se donner les moyens d’évaluer», a conclu le journaliste et non moins communicant.