PolitiqueIl faut se le dire : «Le pouvoir politique est plus préoccupé à renforcer son emprise sur les autres institutions qu’à ramener la paix dans le pays !»
Les autorités veulent soumettre ce projet de révision en occultant la crise profonde dans laquelle le pays est plongé. Personne ne peut nier que l’Etat ne maîtrise manifestement pas tout le territoire. Des groupes armés administrent des cercles entiers. Si nous allons au vote dans les conditions actuelles, notre administration ne pourra rien superviser dans des dizaines de communes et les habitants, se sentant abandonnés par leur pays, risquent bien de tomber dans l’escarcelle radicale.
Notre Etat qui ne cesse de faire référence à l’Accord de paix pour justifier la révision constitutionnelle et omet volontairement de mentionner que, dans ce même document, le préalable à la modification de la Constitution était le désarmement et le cantonnement des groupes armés. Or, à ce jour, ce n’est pas le cas. De fait, si ce projet de révision est soumis à référendum alors que des groupes armés tiennent toujours des positions dans le pays et administrent des régions entières du territoire, qui croira encore en l’indépendance de notre Nation ? Qu’on ne nous fasse surtout pas croire que les autorités intérimaires qui gèrent nos cercles et nos régions, sous la menace d’hommes armés, peuvent être considérées comme exerçant la force de la puissance publique en toute indépendance et sous l’unique autorité de l’Etat !
Si nous allons au vote dans ces conditions, nous pourrons définitivement tirer un trait sur l’unité nationale car de la même manière qu’il aura fallu «respecter la parole donnée» en modifiant notre Constitution sous la menace des armes, il nous faudra diviser le pays par la force des choses.
Sur le plan humanitaire, la situation est catastrophique puisque depuis le déclenchement de la crise, des dizaines de milliers de Maliens restent déplacés ou réfugiés. La majeure partie d’entre eux n’est même pas encore identifiée. Ce sont donc des dizaines voire des centaines de milliers de citoyens qui ne pourront pas voter pendant qu’un régime donnera l’impression d’accroître ses privilèges et son pouvoir. Si ce projet de révision est soumis au vote en l’état, il provoquera à n’en pas douter une profonde déchirure du tissu social et sapera tous les efforts de réconciliation nationale.
Il faut rajouter à cela le fait que le texte en lui-même laisse croire que le pouvoir politique est plus préoccupé à renforcer son emprise sur les autres institutions qu’à asseoir son autorité sur les “groupes armés” et ramener la paix dans le pays. Le président de la République nous donne l’impression de connaître à l’avance le résultat du scrutin. Pour lui, rien ne doit perturber ses plans. «Si nous ne faisons pas le référendum, nous sortons de l’accord», affirme-t-il comme pour dire que le OUI l’emportera de toute façon. Mais et si le NON l’emportait ? Que se passera-t-il ?
Je peux me tromper mais je reste convaincu que la véritable trahison du Mali serait de précipiter une révision constitutionnelle sans avoir réuni les conditions préalables à la réussite politique et surtout sociale d’un tel bouleversement du fonctionnement institutionnel de notre pays. Et le minimum des conditions préalables est connu et loin d’être irréaliste ou irréalisable. Il s’agit de travailler au cantonnement et au désarmement des groupes armés, au retour des réfugiés et à l’organisation d’une véritable conférence d’entente nationale qui jettera les bases d’une refondation politique et institutionnelle du Mali.
Seulement aujourd’hui, nous commençons à comprendre que nos dirigeants font preuve de beaucoup de faiblesse dans la résolution de la crise malienne. Ils préfèrent la parole donnée à l’extérieur plutôt que le respect de la Constitution du pays. On croirait que la parole donnée aux autres vaut plus que les promesses faites aux Maliens. Personne ne rejette la possibilité de réviser un jour notre Constitution. Les sociétés évoluent et les textes doivent suivre. Tout ce que nous demandons, c’est que cela se fasse sans avoir le couteau à la gorge et des Kalachnikov pointées sur nos tempes. En toute inquiétude.