BRUXELLES, - Après plusieurs mois de préparation, la mission de "reconstruction" de l’armée du Mali est lancée mardi par 550 militaires européens, dont l’objectif est de professionnaliser les soldats maliens pour qu’ils soient capables de résister à de nouvelles attaques de
groupes jihadistes.
Cette opération baptisée EUTM Mali débute alors que la France prépare le désengagement partiel de ses 4.000 soldats déployés dans le pays et que l’ONU finalise le lancement d’une mission de maintien de la paix.
Sa tâche s’annonce lourde car "tout est à reconstruire" au sein de l’armée malienne, explique le général François Lecointre, qui commande EUTM Mali.
Le but est de former et entraîner près de 3.000 soldats, qui se succèderont en quatre vagues sur quinze mois à Koulikoro, une ville située sur les bords
du fleuve Niger à une soixantaine de kilomètres au nord de Bamako.
Ils y seront accueillis à partir de mardi dans l’école militaire où se sont installés, à la hâte ces dernières semaines, des experts militaires venus de 23 pays européens: des formateurs français, suédois ou lituaniens, des médecins allemands, des pilotes d’hélicoptères belges, ainsi que des Tchèques et des Espagnols pour sécuriser la mission.
La lenteur de l’engagement des Européens a été critiquée, notamment en
France, mais le général Lecointre se déclare publiquement satisfait du
résultat. "C’est un tour de force pour une mission multinationale d’être
opérationnelle si rapidement", a-t-il récemment affirmé à Bruxelles.
Dans le même temps, l’armée malienne a sélectionné 670 soldats, issus de
quatre régions, pour former le premier bataillon dépêché à Koulikoro. Pendant
deux mois et demi, ils y suivront un entraînement intensif au maniement des
armes ou au respect des ordres. Ils bénéficieront aussi de cours de droit
international humanitaire et sur la protection des civils. Ce bataillon
devrait ainsi être opérationnel à la fin juin et en mesure d’être déployé dans
le nord.
"Armée déstructurée"
Les experts européens ont dressé un constat sans appel de l’état de cette
armée, qui a totalement failli à sa mission lorsque les groupes armés,
jihadistes et touaregs, ont envahi le nord du pays, au début de 2012.
"C’est une armée déstructurée, qui s’est effondrée parce qu’elle souffre de
vingt ans de sous-financements systématiques et de la méfiance du pouvoir
politique", résume le général Lecointre.
A cela s’ajoutent d’énormes lacunes en terme de matériels opérationnels.
Pays pauvre, "le Mali a accepté des équipements de tous les pays qui étaient
prêts à lui en donner. Mais ils ne fonctionnent pas entre eux, sont souvent
obsolètes ou alors trop sophistiqués", souligne le commandant.
Pour tenter de combler ces lacunes, les 27 Etats de l’UE ont été
sollicités, avec un résultat mitigé jusqu’à présent. Chypre a ainsi proposé
d’envoyer plus de 2.000 armes légères d’infanterie, de type Kalachnikov.
Pour le général Lecointre, il est essentiel que les Européens répondent
présents. Car "nous avons créé de fortes attentes chez les Maliens, qui sont
très conscients de la nécessité de reconstruire leur armée, très conscients
que la faillite de cette institution a failli entraîner la disparition de leur
pays".
Tout en saluant le lancement d’EUTM, le ministre de la Défense malien, le
général Yamoussa Camara, a déjà estimé que l’effort européen devra
probablement être prolongé. "La mission va durer 15 mois. Cela va permettre de
former un noyau d’instructeurs (maliens) qui pourront continuer à assurer la
formation (...) Ce n’est pas suffisant. Nous en avons conscience", a-t-il
déclaré au cours d’un entretien au service audiovisuel de l’UE.
Les Européens ont cependant posé des conditions. Ils insistent notamment
sur la tenue de l’élection présidentielle en juillet, comme l’a annoncé le
chef de l’Etat de transition Dioncounda Traoré, afin de rétablir la normalité
institutionnelle après le coup d’Etat militaire de mars 2012.
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