Le ministre de la Défense, Tiéna Coulibaly, affirmait il y a quelques temps à l’Assemblée Nationale, que le plus grand problème de l’armée malienne se situe au niveau du recrutement, avec l’immixtion des ministres, députés, officiers qui ont, à chaque recrutement, leurs listes et qui exigent leurs protégés soient recrutés sans concours. Le ministre ajoutait que les désertions, les mauvais comportements, le manque d’esprit de combat, sont les tares de soldats recrutés par favoritisme.
Sans prendre le risque de démentir le ministre Tiéna Coulibaly, nous dirons que le problème de la vaillante Armée du Mali qui, malgré des moyens rudimentaires, se bat comme elle peut pour honorer le drapeau malien, va au-delà d’une simple question de recrutement.
En effet, il faut une renaissance de notre outil de défense qui, disons-le, continue encore à fonctionner selon le model typique à elle taillé au début de l’indépendance du Mali par le Général Abdoulaye Soumaré. Avons-nous la prétention de dire que cette base n’est plus adaptée aux réalités et autres évolutions du monde ? Loin s’en faut, quand on sait que dans les années 1990 déjà, tout juste avant la chute de Moussa Traoré, nous avions encore l’une des armées les puissantes de la sous-région. Que s‘est-il passé donc pour qu’on en soit là ? Vous aurez compris, il faut certainement interroger les acteurs du mouvement démocratique, la clochardisation de notre armée ayant commencé par là !
Au-delà, donc des avatars du mode de recrutement, il va falloir que notre ministre de la Défense inclue dans sa lecture de la situation, s’il veut que l’Armée malienne renaisse de ses cendres, d’autres paramètres. Il va falloir d’abord tout reconstruire. Et quand nous disons tout, il s’agit de tout : définition d’une nouvelle doctrine de combat, reconstruction de la chaine de commandement, redéfinitions des missions des Régions militaires, des Régions aériennes, changement de contenus des formations, et bien l’équipement…
Sans cela, comme dirait l’autre, même quand on va transférer le Pentagone au Mali, on se retrouverait avec les mêmes tares, les mêmes défections, les mêmes répliques tactiques… les mêmes pertes en hommes en armes et en munitions !
Il faut construire une véritable armée de l’Air, avec une aviation bien fournie au point d’assurer l’autonomie des régions et bases aériennes du pays. Il faut construire une armée de Terre dotée d’aviations légères au niveau de toutes les Régions militaires, au point que celles-ci soient capables d’intervenir de façon autonome, sur la base d’une interopérabilité sans reproche, et sans être dépendant d’une bureaucratie si lourde qui finit par ralentir les opérations sur le terrain.
Il faut revoir la formation ! En effet, comme l’a souligné un expert, « en dépit de la qualité des instructeurs de l’EUTM et de la bonne volonté des Maliens, l’équipement pour la formation et l’entraînement des GTIA a manqué et manque toujours, notamment pour les armes légères et les munitions… Autre problème, la formation est principalement tactique plutôt qu’opérative. .. », toute chose qui réduit les capacités des unités maliennes circonscrites à leur zone de contrôle propre, dans une logique davantage défensive qu’offensive. Les GTIA savent peu ou pas opérer de concert.
« Là réside une autre part d’explication du revers du 21 mai 2014 à Kidal. Les FAMa échouent alors lamentablement à reprendre la localité. Le plan est mal conçu, notamment en raison de lacunes dans le recueil du renseignement, tandis que des problèmes de communications contribuent à faire dégénérer le manque de coordination entre les différents éléments engagés (appartenant notamment aux GTIA 2, 3 et 4) en chaos total », note notre expert.
En termes clairs, après la formation de l’EUTM, on va se retrouver avec des bataillons formés qui vont rejoindre leurs unités, sans pour autant être en mesure d’évoluer ensemble sur un champ d’opération. Autrement dit, il faut que la formation de l’EUTM soit modulaire et généralisée à l’ensemble des corps d’une unité, et ainsi de suite, pour qu’on puisse réellement bénéficier des retombées de cette formation de l’EUTM.
Au-delà, il faut combattre la corruption au sein de notre outil de défense. Il faut un audit général des comptes de l’Armée malienne, de 1992 à nos jours ! Sans tout cela, ni la volonté politique, ni la LOPM ne fera que nous ayons une Armée digne de ce nom. Au ministre Tiéna d’intégrer ces paramètres, au lieu de se focaliser sur le seul facteur « recrutement ».