La crise malienne nous réserve plusieurs de ses facettes dont certaines ne seront jamais connues du grand public. Cette crise est devenue un fonds de commerce pour certains habitants des régions du nord du Mali. Chacun essaye de tirer son épingle du jeu, surtout depuis l'annonce du cantonnement des groupes armés. Plusieurs jeunes des groupes armés tentent de mettre de l’huile dans les épinards. Idem pour leurs différents chefs.
Dans un premier temps, les groupes armés ont commencé à vendre leur carte de membre à 75 000 Fcfa, puis à 150 000 Fcfa. Lorsque le gouvernement et ses partenaires ont fixé les dates des cantonnements dans la région de Gao, certains jeunes en ont vu une aubaine pour de se faire cantonner. Mais il faut mettre la main à la poche. Pour chaque jeune qui veut se faire cantonner, il lui faut débourser 150 000 Fcfa pour la carte de combat. S'il n'a pas d'arme, il paye la rondelette somme de 400 000 Fcfa comme prix de son arme. C'est ce message qui a fait le tour du pays, du Mali. À Gao, ces montants varient d'un groupe à un autre.
C'est sur la base de cette information que 12 jeunes du quartier Niamankoro ont été entrepris par l’intermédiaire d'un groupe armé. Ils ont payé chacun les frais de carte de membre, les frais de leurs futures armes. En suivant les conseils de l'intermédiaire, ils ont pris la route de Gao. Ils y ont passé 4 jours parce que leur bus était tombé en panne. Mais depuis le début du voyage, ils n’étaient plus parvenus à entrer en contact avec leur intermédiaire. Malgré tout, ils y ont mis du cœur pour arriver à Gao.
À leur arrivée, l'un d'entre s'est souvenu du numéro de téléphone d'un enseignant déplacé à Bamako au moment de l'occupation de Gao par les jihadistes. Ils ont pu joindre l’enseignant qui est venu les chercher. Les 12 jeunes prennent une douche chez leur logeur qui s'est privé du repas de midi de sa famille pour le leur offrir. Il leur donne une tasse de thé, avant de leur demander les raisons de leur présence à Gao.
Ils dévoilent alors à leur logeur le nom de la personne, très connue dans les milieux des groupes armés, originaire de Bourem, qui leur a dit de venir à Gao pour être cantonnés. Sur le champ, l'enseignant l’appelle, et l’intéressé décroche aussitôt... Il reconnaît que ce sont «mes clients, je suis à Bamako, mais j'avais demandé à quelqu'un de les conduire à notre siège».
Avant l'arrivée de la personne, l'enseignant leur explique ce qui les attend désormais en tant que combattants. Il leur dit qu'ils peuvent être mis à la disposition de tous les alliés du groupe en question. Illico presto, deux jeunes désistent, les 10 autres acceptent de rester. Ils sont ensuite conduits à la base du groupe, comme convenu. Ils reçoivent leur arme, après une formation. Certains sont restés dans la ville de Gao, les autres ont été envoyés ailleurs avant leur cantonnement.
C'est cette situation qui augmente les attaques à Gao et alentours, où plusieurs jeunes de moins de 17 ou 18 ans ont des armes. Ils organisent en groupe des attaques et font des braquages. En plus, certains éléments du Moc (Mécanisme opérationnel de coordination) posent des actes de banditisme, sans oublier les éléments infiltrés des groupes terroristes qui viennent uniquement pour des vols de voitures des ONG, des Fama et de la Minusma.
Une enseignante avec 40 autres personnes ont été braqués par un de ses élèves. Quand le jeune élève s’est rendu compte que sa maîtresse l'avait reconnu, il a demandé à ses compères de libérer les femmes et de ne pas les dépouiller. Les autres n’auront pas eu cette chance.
C’est pour ces raisons, entre autres, que les populations de Gao, surtout les organisations de la jeunesse, ont initié des propres patrouilles pour sécuriser la ville, malgré la présence des forces étrangères.
Kassim TRAORE