Moussa Bagayoko est un Malien de la diaspora qui vit en France. En 1998, il s’installe en France pour ses études supérieures à la prestigieuse Télécom Ecole de Management Paris Sud. Où il obtint un BAC+5, avant d’intégrer Accenture, géant américain du conseil aux entreprises. Il créé en 2010 Yélé Consulting : un cabinet de conseil et d’ingénierie centré sur le secteur de l’énergie. Classé en début février 2017 deuxième des champions de la croissance du Conseil et de l’ingénierie en France, ce cabinet est le leader des « Smart Energies » en France, notamment sur la thématique des Smart Grids (réseaux intelligents) et des Smart Cities (villes intelligentes). En visite au Mali depuis deux semaines, il a bien voulu nous confier ses réflexions sur le devenir des énergies renouvelables dans notre pays. Entretien
L’Essor : Votre cabinet a été classé deuxième des champions de la croissance 2017 en France. Qu’est-ce qui a changé, depuis ce classement?
Moussa Bagayoko : Ce classement récompense sept ans de travail intense. Il a fait la fierté de toute l’équipe Yélé Consulting. Il nous a permis de renforcer notre image de cabinet solide et durable auprès de nos clients et partenaires : grands groupes du secteur énergétique en France (EDF, ENGIE…) et les collectivités territoriales. Convaincus que la réussite de la transition énergétique réside dans l’intégration intelligente des technologies du numérique, nous avons choisi de développer notre expertise à la croisée de ces deux domaines : Energie et numérique.
L’Essor : Vous êtes en visite au Mali. Pourrions-nous en savoir les raisons ?
Moussa Bgayoko : À mes yeux, ma réussite professionnelle passe par celle de mes projets au Mali. Il y est plus facile d’avoir des impacts concrets sur le quotidien de nos concitoyens, surtout dans le domaine de l’énergie. Je viens donc régulièrement à Bamako pour suivre mes projets, soutenir et encourager nos équipes locales qui font un excellent travail.
L’Essor : Parlant d’investissement, vous investissez prioritairement dans le secteur de l’énergie et du développement durable au Mali. A ce jour, quel est l’état de vos réalisations dans ces secteurs ?
Moussa Bagayoko : Cela fait presque cinq ans que j’investis au Mali dans ces secteurs. Qui sont un préalable à un développement inclusif de nos sociétés. Nos réalisations n’y ont pas rencontré le même succès qu’en France, durant les premières années. Le marché malien est un extrêmement difficile pour des investisseurs qui viennent de l’étranger, malgré les nombreuses opportunités qu’il offre. Il m’a donc fallu du temps pour comprendre les codes de fonctionnement, connaître les bonnes personnes, acquérir et interpréter les informations disponibles…
Avec un peu de persévérance, nous avons réussi à lancer ici au Mali un cabinet de conseil et le Centre de formation en énergie et développement durable (CIFED), le premier centre de formation en Afrique de l’ouest exclusivement dédié au secteur énergétique. CIFED forme des étudiants de BAC+1 à BAC+5 et des professionnels sur les métiers de l’énergie et du développement durable. Notre ambition est de faire de CIFED, l’institut de formation de référence sur l’énergie en Afrique de l’ouest.
L’Essor : Qu’est-ce que le Mali doit, selon vous, faire pour espérer profiter de son immense potentiel en énergies renouvelables pour son développement durable et harmonieux ?
Moussa Bagayoko : Il existe à mon sens trois conditions clés pour développer des projets énergétiques d’envergure au Mali. D’abord, la définition de règles de gouvernance et règlementaires claires et lisibles du secteur. Afin de donner la visibilité à long terme aux investisseurs. Car, les projets d’infrastructures énergétiques sont gourmands en capital et demandent du temps pour être rentables. Ensuite, la création de conditions d’investissements attrayantes pour les investisseurs nationaux et internationaux, via notamment des partenariats public-privés licites. Et enfin, convaincre de la stabilité politique et mettre en œuvre les moyens nécessaires pour assurer la sécurité physique des personnes et des investissements.
L’Essor : Le Mali a adopté la Loi n°2016-061 du 30 décembre 2016 relative aux partenariats public-privé. L’ambition des autorités est de faire en sorte que la part des énergies renouvelables atteigne, à l’horizon 2033, 10 % dans le bilan énergétique. Qu’en pensez-vous ?
Moussa Bagayoko : Si l’objectif affiché à l’horizon 2033 est de 10 %, je pense qu’il est largement atteignable. Il faudra, certes, des investissements assez important sur le réseau pour pouvoir acheminer et intégrer ces énergies renouvelables et produire l’énergie de meilleure qualité. Mais, ces investissements semblent à portée d’un pays comme le Mali.
Quant aux partenariats public-privé, ils attirent les investisseurs étrangers. Ceux-ci peuvent investir sur ces projets en prenant une grosse partie des investissements initiaux, qui sont assez colossaux, à leur charge. A condition de leur donner la visibilité et la sécurisation nécessaire. En lien avec certains partenaires, nous pouvons, en ce qui nous concerne, aider à augmenter la capacité de production via le solaire, en système isolé ou en milieu urbain.
L’Essor : Qu’est-ce que vous pouvez faire concrètement pour aider le Mali à atteindre cet objectif ?
Moussa Bagayoko : Nous sommes le leader en matière de réseaux (câblages, poteaux, postes, supervision et conduite…qui permettent de transporter l’électricité produite d’un endroit jusqu’au clients finaux), surtout l’intégration des énergies renouvelables. Comme tel, nous pouvons faire en sorte que les réseaux, nécessaire à l’atteinte de cet objectif, puissent suivre. L’exploitation, la maintenance et l’installation des centrales supposent un personnel abondant et très qualifié. Ce qui constitue le cœur de nos activités au Mali.
L’Essor : Que faut-il faire, à votre avis, pour inciter les Maliens de la diaspora à investir davantage au pays ?
Moussa Bagayoko : Nous rêvons d’investir dans des projets productifs au Mali. Le pays accompagne peu la diaspora dans ses investissements. Des règles ont été mises en place, des progrès ont été réalisés, il reste d’énormes efforts à faire pour exploiter la diaspora au service du développement économique du pays. Pour ce faire, il faut créer des incubateurs dédiés à l’accompagnement opérationnel de projets portés par des membres de la diaspora jusqu’à leur concrétisation. Il importe aussi la mise en place d’incitatives (subventions, prêts bonifiés, assurances et garanties spécifiques) qui permettent de diminuer les risques financiers. Une autre action consiste à promouvoir et communiquer à l’international sur les projets qui ont marché et à valoriser l’image de l’entrepreneur de la diaspora …
L’Essor : Parlez- nous de vos perspectives et projets pour le Mali ?
Yélé s’est fait connaître en France en apportant une expertise basée sur l’innovation à tous les niveaux : la production, le transport, la distribution et la consommation d’énergie. Ces innovations permettent de développer les énergies renouvelables sans risques pour les réseaux électriques, d’optimiser les factures énergétiques des consommateurs et de faciliter l’accès à l’énergie pour les populations en sites isolés.
Nous travaillons à apporter cette expertise en Afrique, en mobilisant tous nos partenaires techniques et financiers internationaux. Nous souhaitons aussi nous appuyer sur des partenaires locaux fiables en mesure de nous aider à accélérer notre développement régional.