Ceux qui se battent contre la révision constitutionnelle n’ont pas à faire qu’au seul président de la République. Le sénat, une des institutions censées représenter les leaders religieux, est en réalité l’aspiration de personnalités constituant un clergé. Des supporteurs de cette classe « anti-démocratique », selon ses détracteurs, sont visibles sur le terrain politique malien. C’est en tout cas l’avis de l’ancien Premier ministre Soumana Sako qui estime que ces religieux en font trop depuis 2012 contre le processus démocratique.
Sacko qui est membre de la Plateforme « Antè Abana » a évoqué le 15 juillet son étonnement d’avoir entendu sur certaines radios des proches de leaders religieux proférer des menaces de mort. Les sympathisants de la Plateforme étaient particulièrement visés par ces propos violents au point que l’ancien Premier ministre a tenu à appeler les leaders religieux à s’en démarquer publiquement.
Pour les opposants au référendum constitutionnel, la représentation des leaders religieux au sein d’institutions politiques risque de créer des conflits d’intérêt. Les religieux qui bénéficient d’une grande écoute et d’un profond respect de la part du peuple seront des adversaires politiques devant faire face au jeu normal de la vie politique en devenant objets de critiques.
D’ailleurs, les religieux n’ont pas apprécié les commentaires désobligeants à leur égard, particulièrement sur internet. Dans un communiqué diffusé le 14 juillet sur le projet de référendum, les leaders de la communauté musulmane ont évoqué des « dérives sur les réseaux sociaux » à combattre. En réaction à ces prises de position sur internet il y aurait eu les menaces de mort proférées par des disciples.
Dans un rapport récent, l’ONG International Crisis Group a invité l’Etat malien à clarifier le rôle des religieux dans la politique au Mali. Ce travail sera difficile car on pointe du doigt des accointances entre des hommes politiques et des religieux. En mal de crédibilité, des politiques se sont appuyé sur des leaders religieux dont les ouailles ont contribué à leur élection en contrepartie de promesses.
Depuis 2012, l’ingérence des religieux dans la sphère politique s’est accrue considérablement au Mali à telle enseigne qu’on leur prête la responsabilité d’avoir pesé de tous leurs poids lors des négociations d’Alger pour introduire la nomination de leurs représentants dans des institutions du pays. Ce clergé qui ne dit pas son nom veut être ainsi représenté au niveau de deux institutions : le sénat et le Conseil économique, social et environnemental.
En attendant, les initiateurs de l’implication des leaders religieux dans la vie politique ont réussi à foutre un sacré désordre. Pour la première fois, ils ont livré les leaders religieux à la vindicte publique au nom d’un prétendu piédestal qui risque de désacraliser les légitimités traditionnelles.
Soumaila T. Diarra