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Révision constitutionnelle: La nouvelle constitution autorise-t-elle le mariage homo ?
Publié le mercredi 26 juillet 2017  |  Les Echos
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© aBamako.com par A S
Assemblée des partisans du Non
Bamako,le 27 juillet 2017 les partisans du Non ont tenu un rassemblement de soutien au blogueur Madou
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La nouvelle constitution autorise-t-elle le mariage homo ?
S’il y a un sujet qui défraie la chronique aujourd’hui au Mali, c’est bien la question de savoir si la référence à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples dans le préambule du projet de loi portant révision constitutionnelle peut être interprétée comme autorisant, à l’avenir, le mariage de personnes de même sexe, que nous appellerons tout au long de cet article « mariage homosexuel » dans un souci de clarté.
Cette question est très sensible, car elle touche de près aux valeurs profondes propres à chaque Peuple. En effet, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a été adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi au Kenya lors de la 18ème conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). Elle a été ratifiée par le Mali la même année et est entrée en vigueur le 21 octobre 1986. Précisions d’entrée de jeu qu’aucun des 68 articles de cette Charte ne fait allusion de manière explicite à la « notion d’orientation sexuelle » ou de droits reconnus aux homosexuels.
L’orientation sexuelle a été définie par une commission internationale de juristes en 2006 comme « faisant référence à la capacité de chacun de ressentir une profonde attirance émotionnelle, affective et sexuelle envers des individus du sexe opposé, de même sexe ou de plus d’un sexe, et d’entretenir des relations intimes et sexuelles avec ces individus » (Principes de Jogjarkarta, Indonésie).
L’article 30 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a institué la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples chargée de promouvoir les droits de l'Homme et des Peuples et d'assurer leur protection en Afrique.
S’il est sans ambiguïté que la référence à la Charte des Droits de l’Homme et des Peuples dans le préambule du projet de loi de révision constitutionnelle n’emporte en rien légalisation du mariage homosexuel au Mali, force est d’admettre qu’en revanche, les activités de protection et de promotion des Droits de l’Homme en Afrique de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ne sont pas sans inquiéter, notamment après l’adoption de la résolution 275 lors de sa 55ème session ordinaire à Luanda en Angola, tenue du 28 avril au 12 mai 2014.
Des motifs d’inquiétude légitimes
On peut identifier trois (03) principales raisons pour lesquelles les citoyens maliens opposés au mariage pour tous peuvent s’inquiéter.
A sa 55ème session ordinaire tenue du 28 avril au 12 mai 2014, la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a adopté la résolution 275 sur la protection contre la violence et d'autres violations des droits humains de personnes sur la base de leur identité ou orientation sexuelle réelle ou supposée. Par cette résolution, la Commission « condamne la violence croissante et les autres violations des droits de l’homme, notamment l’assassinat, le viol, l’agression, la détention arbitraire et d’autres formes de persécution de personnes sur la base de leur identité ou orientation sexuelle réelle ou supposée ». Précisons que cette résolution, qui résulte d’une interprétation fort extensive et d’ailleurs contestable de l’article 02 de la charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, a valeur de simple recommandation.
L’article 2 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples est ainsi libellé : « toute personne a droit à la jouissance des droits et libertés reconnus et garantis dans la présente Charte sans distinction aucune, notamment de race, d'ethnie, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ». La Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples considère que le mot « sexe » devrait être compris comme incluant « l’orientation sexuelle ».
Elle semble avoir suivi la jurisprudence du Comité des Droits de l’Homme de l’ONU qui a effectivement reconnu que « le sens de « sexe » dans les motifs de non-discrimination énumérés à l’article de 2 du Pacte International des Droits Civils et Politiques englobe « l’orientation sexuelle ».
Une interprétation qui ne fait pas l’unanimité, sinon à soulever le cas de l’article 2 de notre Constitution du 25 février 1992 qui dispose : « Tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la couleur, la langue, la race, le sexe, la religion et l’opinion politique est prohibée ». Là aussi, doit-on soutenir que le sens du terme sexe doit être entendu comme englobant l’orientation sexuelle ? La réponse la plus logique veut que la notion de discrimination fondée sur le sexe fasse allusion à l’égalité de chance entre les citoyens, qu’ils soient hommes ou femmes. De plus, l’interprétation explicite de la discrimination fondée sur le sexe comme impliquant l’orientation sexuelle n’est soutenue par aucun acte contraignant.
Et c’est justement sur la base d’une telle interprétation que la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples mènent un véritable plaidoyer auprès des Etats en faveur du respect des droits des homosexuels.
Sur le fondement de la résolution 275 qui n’a d’ailleurs aucune force juridique obligatoire même à l’égard des Etats qui ont ratifié la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, la Commission a posé de nombreux actes allant dans le sens de la protection des droits des homosexuels.
Ces actes posés par la Commission peuvent inquiéter quand on sait que c’est la Charte Africaine des Droits de l’Homme qui a créé cette commission et que tous les Etats africains l’ont signée et ratifiée, à l’exception du Soudan du Sud.
En revanche, nonobstant ces inquiétudes somme toute légitimes, le fait est que sur le plan juridique, cette résolution 275 ne saurait en rien contraindre le Mali à modifier sa législation interne dans le sens de la légalisation des relations entre individus de même sexe.
Malgré l’existence de la résolution 275, la référence à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples dans le préambule du projet de loi constitutionnelle n’ouvre pas la voie à la légalisation du mariage homosexuel au Mali
A la lumière des arguments juridiques que nous commenterons, il s’avère que quatre raisons font que le projet de loi portant révision de la Constitution ne fait ni directement, ni indirectement référence à l’union des personnes homosexuelles.
Le projet de loi portant révision de la Constitution vise dans son préambule la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Cette Charte comprend 68 articles. Et aucun des 68 articles ne fait la moindre référence explicite à la notion d’orientation sexuelle ou aux droits des personnes homosexuelles.
D’ailleurs, la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, auteur de la résolution 275, est d’accord avec cette position en reconnaissant que « comme les autres traités régionaux, ainsi que ceux des Nations unies (ONU) sur les droits de l’homme, la Charte africaine ne contient aucune référence explicite à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre ».
La résolution 275 n’a aucune valeur juridique contraignante à l’égard du Mali
La résolution 275 a été adoptée sur le fondement de l’article 45 de la Charte fixant les compétences de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ainsi conçu : « la Commission a pour mission de rassembler de la documentation, faire des études et des recherches sur les problèmes africains dans le domaine des droits de l'homme et des peuples, organiser des séminaires, des colloques et des conférences, diffuser des informations, encourager les organismes nationaux et locaux s'occupant des droits de l'homme et des peuples et, le cas échéant, donner des avis ou faire des recommandations aux gouvernements ».
Donc, les résolutions de la Commission ont une valeur recommandationnelle et non contraignante. A cet égard, la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) définit la résolution de la Commission en ces termes : « lors des sessions qui ont lieu deux fois par an, la Commission discute des questions relatives aux droits de l’Homme en Afrique. Au terme des sessions, les Commissaires peuvent annexer à leur déclaration finale des textes appelés « résolutions » condamnant la violation des droits de l’Homme par un Etat partie ou recommandant aux Etats partis le respect d’un droit spécifique ». Et en parlant de la Commission, la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme a conclu qu’une de ses nombreuses faiblesses réside dans le fait que « les décisions de la Commission ne sont que des recommandations, sans force contraignante » (Voir FIDH, Guide pratique, Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples- Vers la Cour africaine des Droits de l’Homme, avril 2010, page 27).
Ainsi, les résolutions de la Commission n’obligent pas un Etat à appliquer automatiquement son contenu. Elle ne peut faire que des recommandations sous forme de résolution. C’est pourquoi, à travers la résolution 275, la Commission « invite les Etats parties à… » et « prie instamment les Etats de …». Alors que dans une résolution contraignante comme celle adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU sur la base du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, la résolution emploie des termes comme « exige que les Etats… » ou « décide que les Etats… ».
Et contrairement à ce que certains peuvent bien penser, les Etats ne signent pas, ni ne ratifient une résolution : la résolution est adoptée à la majorité simple des Etat présents et votants comme indiqué à l’article 52 du règlement intérieur de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Donc, même si le Mali ne partage pas l’esprit d’une résolution, il ne peut s’opposer à son adoption. Ce qu’il peut faire, c’est ne pas la matérialiser. C’est la Charte qui est signée et ratifiée par notre pays. C’est elle qui a une valeur contraignante et nous l’avons déjà démontrée, elle ne fait aucune référence explicite à la notion d’orientation sexuelle.
Pour preuve, la Mauritanie a ratifié la Charte Africaine des Droits l’Homme et des Peuples en 1986 et punit en même temps dans son Code pénal toute relation homosexuelle entre personnes consentantes « de la peine de mort par lapidation publique » (article 308). Le Soudan et la Somalie sont dans la même situation.
Et l’Ouganda qui a également ratifié la Charte Africaine des Droits l’Homme et des Peuples en 1986 a adopté une législation des plus sévères au monde contre ce phénomène en prévoyant l’emprisonnement à vie des gays séronégatifs et la peine de mort pour les gays séropositifs.
Un autre exemple nous est fourni par un pays voisin, le Burkina Faso lors de son examen périodique universel du 22 avril au 2 mai 2013 devant le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies à Genève. En effet, le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU a formulé 165 recommandations à l’endroit du Burkina Faso. Parmi ces recommandations, le Burkina Faso a refusé l’abolition de la polygamie au motif que ce serait contraire au « contexte social et culturel du pays ».
Toutes choses qui montrent qu’une simple recommandation n’engage pas obligatoirement un Etat qui, on le rappelle, est un sujet de droit international nanti de la souveraineté.
La différence entre les droits de l’Homme et les libertés publiques réside en ce que les droits de l’Homme sont garantis par des textes de portée élevée comme les traités internationaux et la Constitution. Ils sont protégés par le juge constitutionnel. En revanche, les libertés publiques sont consacrées par des textes de portée moins élevée comme la loi et le règlement. Elles sont protégées par le juge ordinaire.
Dans le cas d’espèce, les droits des homosexuels sont des droits de l’Homme. Ils ont besoin d’être consacrés d’abord par la Constitution ou une convention internationale ou régionale contraignante à laquelle le Mali est partie, pour être ensuite pris en compte sous forme de loi. Or, les droits de l’Homme reconnus en République du Mali sont énumérés au titre premier du projet de loi portant révision de la Constitution, et aucun article de ce titre ne prévoit de façon expresse un quelconque droit en faveur des homosexuels. De plus, ni la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, ni un autre instrument international contraignant auquel le Mali est partie ne prévoient expressément le droit au mariage pour tous.
Donc, une simple référence à cette Charte dans le préambule du projet de loi de révision ne suffit pas à autoriser le mariage gay au Mali, surtout que cette Charte n’évoque en nul article la question.
Comme nous l’avons rappelé plus haut, la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a accordé, en mars 2015, le statut d’observateur à une ONG œuvrant pour la promotion des droits des femmes homosexuelles, dénommée CAL (Coalition des Lesbiennes Africaines). Apres avoir examiné le rapport d’activités de la Commission, le Conseil exécutif de l’Union Africaine a « demandé » à la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de « tenir compte des valeurs africaines fondamentales, ainsi que de l’identité et des bonnes traditions africaines ». Allant plus loin, le Comité exécutif de l’Union Africaine a invité la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples à « retirer le statut d’observateur accordé aux ONG qui pourraient tenter d’imposer des valeurs contraires aux valeurs africaines ». Il a en outre exigé de la Commission de « réviser ses critères d’octroi du statut d’observateur aux ONG » et de « retirer le statut d’observateur accordé à l’organisation dénommée CAL, en conformité avec les valeurs africaines » (Voir DOC.EX.CL/Dec 887 (XXVII), Décision sur le 38e rapport d’activité de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, téléchargeable sur le site www.au.int .
Cette décision du Comité exécutif de l’Union Africaine, à l’adoption de laquelle le ministre Malien des Affaires Etrangères Monsieur Abdoulaye Diop a participé apparait d’une part comme un désaveu de la résolution 275 de la Commission, et d’autre part comme une remise en cause des activités de promotion des droits des personnes homosexuelles par la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples sur la base de ladite résolution.
De plus, cette décision montre clairement la position commune des Etats Africains et du Mali en particulier, sur la question, étant entendu que l’Afrique du Sud est le seul pays africain à avoir légalisé l’homosexualité depuis une loi du 30 novembre 2006 après notamment l’arrêt Ministère de l’Intérieur contre Fourie et l’inscription expresse de la protection des minorités sexuelles dans la Constitution sud-africaine du 10 décembre 1996. Et elle l’a d’ailleurs fait bien avant l’adoption de la résolution 275 de la Commission en 2014.
Donc, pour les raisons ci-dessus évoquées, il serait difficilement cohérent de soutenir que le projet de loi portant révision de la Constitution du 25 février 1992 autorise l’union des personnes de même sexe.
En toute occurrence, ce débat ne semble pas avoir d’intérêt aujourd’hui.
En réalité, le débat autour de ce sujet semble tout à fait vidé de sa quintessence, car la Constitution du 25 février 1992 faisait déjà référence dans son préambule à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Donc, si cette référence devrait suffire à autoriser le mariage homosexuel, ce n’est nullement une innovation introduite par le projet de loi portant révision de la Constitution !!!
En somme, loin de prendre position, et étant convaincus que cette contribution s’appuie sur des arguments juridiques, objectifs et vérifiables et non sur des appréciations subjectives, nous demeurons convaincus que nos compatriotes qui sont hostiles à la légalisation du mariage homosexuel peuvent avoir des raisons de s’inquiéter. Mais, le projet de loi portant révision de la Constitution ne contient pas de dispositions allant dans ce sens.
A.D.
Juriste
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Les Echos N° 3864 du 3/5/2012

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