Remarquable et géniale est cette ère démocratique malienne, si remarquable qu’elle sert de sport favori aux métreurs de cabarets à ciel ouvert, compost aux citoyens les moins estimables pour s’affecter jusqu’au bout des ongles, à la perfection au comportement qu’ils ont pu apprendre: l’insulte, les obscénités abjectes, l’outrage publique, l’atteinte à la dignité humaine, toutes choses incompatibles avec nos vertus sociales, nos traditions, culture et mœurs ; bref, nos valeurs sociétales.
Selon la morale des contes et légendes de chez nous, autant qu’il est recommandé de faire preuve de bravoure pour vaincre un adversaire, autant il est déconseillé de ni l’injurier ni l’humilier. Ce, en ce sens que l’honneur et la dignité de l’être humain est sacré.
Il est d’un dos large et trop large, ce label démocratique malien, puisqu’après le régime totalitaire et dictatorial, les intrigants, les larrons et les opportunistes de tous poils se sont hâtés sur l’arène politique avec le dessein de se bâtir des fortunes et du renom.
Et, mis en échec fatal dans leurs désirs égocentriques, ils se permettent, à nouveau, à cette politique de la terre brûlée, enrôlant des jeunes insulteurs machinaux ragaillardis et tonifiés et des générations d’allumeuses pour inciter à détruire, à attaquer voire ruiner tout ce qui servait d’ardeur, d’énergie à notre processus démocratique.
Il n’y a plus de courtoisie, plus de politesse, plus de nationalisme. Cela, ni dans les actes ni dans les parlers ni dans la circulation de Bamako.
Comme des méchants, ou dans une jungle, on affronte tout le monde. Des touche-à-tout, offensant de tous les flancs, sont en passe d’obliger le juridique à prendre sur lui de sévir.
Il est docile, notre liberté d’expression démocratique. Mais pourra-t-elle résister à cette nouvelle génération de populistes, de curieux? Pourra-t-elle contenir l’assaut fracassant de ces animateurs et roquets?
C’est ce qui fait que pour certains la politique africaine écœure et décourage.
Certainement, la politique n’a jamais senti bon. Mais, pour le cas du Mali qui nous intéresse ici, surtout en cette période d’apprentissage démocratique et d’ancrage des libertés d’expression et de recherche des voies et moyens pour sortir le pays de la crise, il y a un comportement de plus que tout citoyen, responsable et soucieux du respect de sa dignité, de la dignité humaine en général doit avoir raison de craindre : les injures gratuites et les propos haineux et méprisants érigés en système.
Un système devenu le moyen privilégié pour voiler les petitesses idéologiques et morales de ceux qui en utilisent. Dans une société éduquée et mure, les acteurs politiques ne se battent pas à coups de poing ou d’injures mais de raisonnements, de débats démocratiques et civilisés comme le prôna la Maire de Goundam, Mme Oumou Sall Seck.
Au Mali, même au temps du total obscurantisme, de la dictature, du totalitarisme, les adversaires (acteurs politiques, leaders religieux, simples activistes,…) ne s’insultaient pas, ni directement ni par voix interposées.
A l’instar des autres pays frères, les conflits, les différends, les divergences de points de vue se réglaient sous l’arbre à palabre, dans les vestibules.
Mais, de nos jours où la démocratie donne l’occasion à tout un chacun d’exprimer librement ses pensées, ses opinions, où la sagesse devrait être de rigueur, c’est tout le contraire qu’on est en train de vivre ou de subir même. Une telle situation n’est pas digne d’un Etat de droit.
En revanche, elle risque de devenir plus grave de conséquences. Car, après trop d’outrages, trop d’humiliations et de manque d’humilité, il n’y aura de place que pour les tentations de répliques, cette méthode de rétorques sur fond des réactions disproportionnées. Notre Culture, nos mentalités nous permettront-elles d’opter pour la loi de talion ? La question s’adresse à tout un chacun.
Accepterons-nous que les apprentis sorciers ou des nostalgiques des époques et mœurs politiques révolues réduisent les acquis de la Révolution de MARS 1991 en égarement ?
La politique est dégoûtante, c’est vrai ; mais, si les Hommes de niveau élevé, les Responsables ne s’en occupent pas, si les éléments sains de la société répugnent à se retrousser les manches pour mettre de l’ordre dans les débats, ce sont, au détriment de tous, les fripouilles, les opportunistes qui remettront nos valeurs sociétales en cause, puis mener notre label démocratique à l’assommoir, à l’abattoir et, finalement, au cimetière.
Cependant, on n’aura même pas besoin d’être sorbonnard pour réaliser que la crise n’est profitable qu’à ceux qui n’ont rien à perdre, les aventuriers, les opportunistes. Donc, nous ne cesserons jamais de dire qu’il est temps d’assainir les débats, d’y remettre de l’ordre et de la discipline. Pour le salut de tous, il faut éduquer la jeunesse et les militants, règlementer les canaux d’expression démocratique et les prêches aussi, professionnaliser les médias. Ce, en œuvrant à l’apaisement du climat social, de la réconciliation nationale et de la sûreté de l’Etat pour tous.
Cela est d’autant plus sérieux que le Mali, du fait de la fragilité de sa démocratie émergente, de sa situation socio-économique avec la crise sécuritaire et institutionnelle généralisée, se trouve à la croisée des chemins, devenant ainsi au centre de toutes les menaces. Cela, tant au plan sécuritaire et politique qu’économique et social.
Autant dire que les acteurs politiques et les leaders d’opinions ou ceux qui prétendent en être doivent tous rester attentifs, visionnaires et objectifs dans leurs comportements sur le front politique et social de l’heure.
Dans l’interprétation ou la mise en application des textes, on doit mettre de côté tout esprit de parti pris au profit de l’intérêt général, le seul censé pouvoir consolider notre processus démocratique, rétablir la paix, réconcilier la nation malienne avec elle même. Bref, il faut que les uns et les autres acceptent de savoir les limites à ne pas franchir sur le plan démocratique et de liberté d’expression.
Car, avec l’abus, l’excès et/ou l’arbitraire c’est la voie menant à tous les risques de dérapages, de mesures disproportionnées qui est ouverte.
Donc, faisons attention au verglas sur la route, qu’on n’arrive pas à prendre les vessies pour des lanternes.