Exclus arbitrairement de l’École des Sous-officiers (ESO) de Banankoro après le coup d’Etat de 2012, des militaires avaient saisi la justice pour être rétablis dans leurs droits. La section administrative de la Cour Suprême dans son arrêt N°277 du 03 décembre 2015, a tranché en leur faveur en ordonnant au Ministère de la Défense et des Anciens Combattants de les rétablir dans leurs droits. Mais près de deux ans après, l’arrêt de la Cour n’a pas encore été exécuté. Déboussolées, les victimes au nombre de (53) militaires aujourd’hui, dont certains sont mobilisés au front, avec rang de soldat de 2ème classe, réclament toujours justice. En vain.
Après le coup d’Etat de 2012 qui a renversé le président Amadou Toumani Touré, les autorités militaires d’alors proches de l’ex-junte de Kati ont radié de l’école des sous-officiers de Banankoro, soixante quatre (64) élèves sous-officiers en classe de 1ère année plusieurs mois après leur admission au concours de recrutement en 2011. Et cela, à travers la décision N°2012-00101/CEM-GA/S/CEM-ADM du 6 juillet 2012 signé par l’ancien chef d’état-major général des Armées, Général Ibrahima Dahirou Dembélé (qui était colonel-major au moment des faits ndlr). Faut-il le rappeler, ces 64 élèves sous-officiers font partie d’un ensemble de plus 600 fonctionnaires dont des civils et des élèves officiers de l’EMIA qui avaient été radiés en 2012 pour divers motifs.
Cependant, si la majorité des intéressés ont été remis dans leurs droits après le jugement, cinquante trois (53) des soixante quatre (64) élèves sous-officiers exclus arbitrairement pour usage de ‘’faux diplômes’’, de l’ESO de Banankoro réclament toujours justice. Et cela, malgré l’annulation par la Section Administrative de la Cour Suprême, de la décision N°2012-00101/CEM-GA/S/CEM-ADM du 6 juillet 2012, portant exclusion définitive d’élèves sous-officiers de l’ESO de Banankoro, signée par l’ancien chef d’état-major général des Armées, Gal. Dahirou Dembélé. La Cour dans son arrêt n°277 en date du 03 décembre 2015 a ordonné au Ministère de la Défense, de remettre les victimes dans leurs droits. Avec à l’appui, plusieurs preuves et arguments.
En effet, dans son arrêt, la section administrative de la Cour Suprême a fait ressortir que « la remise en cause d’un concours organisé par une administration et dont les résultats ont été publiés procède d’une violation d’un principe général du Droit qui est la violation des droits acquis, la violation du délai de recours contentieux de deux mois ». Mais aussi, plus loin, la Cour juge «qu’il ressort des pièces du dossier, qu’une discrimination a été instaurée entre les élèves sous-officiers dans la mesure où certains, après avoir été radiés sont revenus pour effectuer la formation … alors que leurs diplômes avaient été déclarés faux ». Inutile de préciser ici, le profil des onze personnes qui ont bénéficié d’un traitement de faveur au détriment des cinquante trois (53) autres. Trillés du lot, selon nos sources, ceux-ci ont terminé leur formation et sont depuis, devenus des officiers dans l’armée au détriment des autres.
« La Direction Générale du Contentieux de l’Etat n’a pas pu apporter la preuve qu’une discrimination n’a pas été commise entre les candidats », atteste l’arrêt de la Cour Suprême. Qui souligne plus loin que le Chef d’état-major général des Armées d’alors, Gal. Ibrahima Dahirou Dembélé à travers sa décision, « porte atteinte au principe de continuité de l’Etat, principe selon lequel, l’autorité administrative est liée par les actions de son prédécesseur ».
En définitive, la Cour suprême déclare dans son arrêt que « …les résultats déclarés valables par la commission de recrutement sont devenus définitifs et les élèves sous-officiers ont effectué plus de sept (7) mois de formation après la proclamation des résultats du concours ».
Quand le Général Didier Dackouo défie son ministre et s’oppose à l’exécution de l’arrêt de la Cour Suprême
Le hic qui fait tilt d’après nos investigations, c’est le comportement de l’ancien chef d’état-major général des Armées, Général Didier Dackouo, récemment promu Commandant de la Force Conjointe du G5 Sahel. Car saisi par le député Oumar Mariko, l’ancien ministre de la Défense, Tiéman Hubert Coulibaly, (actuel ministre de l’Administration Territoriale), avait instruit à l’ancien Chef d’état-major général des Armées, Général Didier Dackouo, de prendre des dispositions pour remettre les victimes dans leurs droits conformément aux dispositions de l’arrêt N° 277 du 3 décembre 2015 de la Cour suprême.
« En ce qui concerne l’arrêt de la Cour Suprême en question, j’ai donné les instructions nécessaires à mes services techniques pour l’accélération de son traitement. Les élèves sous-officiers de Banankoro seront, d’ici peu, rétablis dans leurs droits », peut-on lire dans une correspondance de l’ancien ministre de la Défense Tiéman Hubert Coulibaly, adressée au député Oumar Mariko en date du 20 mai 2016.
Mais rien n’y fit ! Car le Chef d’état-major général des Armées d’alors, Général Didier Dacko, récemment promu Commandant en chef de la force conjointe du G5Sahel a refusé de mettre en exécution, l’instruction de son ministre, l’intimant pourtant de mettre en exécution l’arrêt de la Cour Suprême.
« En effet, les conditions d’accès à ladite école est le baccalauréat ou diplômes équivalents alors que ces anciens élèves sous-officiers sont détenteurs de faux diplômes », a sèchement répondu, Général Didier Dakouo, en réponse à la lettre N°01664/MDAC-CAB du 13 juin 2016 du ministre Tiéman Hubert Coulibaly.
Toute chose qui met à nu le problème de subordination entre le ministre Tiéman et son CMGA d’alors, Général Didier Dacko. Qui était le vrai chef entre les deux ? La Cour suprême n’est-elle pas une institution de la République de surcroit la plus haute juridiction du pays et dont nul ne peut remettre en cause une décision émanant d’elle ?
Une chose est sûre : les militaires concernées par ce problème sont mobilisés au front et certains d’entre eux ont déjà montré leurs preuves par des hauts faits d’armes face à l’ennemi. Toujours déterminés à servir la patrie, ils ne réclament aujourd’hui que justice et réparation de la part des autorités au même titre que certains de leurs camarades. Et pour cela, ils comptent sur l’indulgence de l’actuel ministre de la Défense et des Anciens Combattants, Tiéna Coulibaly et du Chef d’état-major général des Armées, Général Bemba Moussa Keïta.