Les rebelles touaregs pourraient aussi manquer l’opportunité d’obtenir une réelle autonomie du Nord, se coupant alors de leurs soutiens parmi les populations, et être définitivement marginalisés par les autres groupes jihadistes et terroristes.
A terme, et en l’absence d’améliorations significatives du côté du pouvoir et sous réserve d’un rapprochement ad hoc entre groupes religieux, plusieurs hypothèses sont envisageables:
- D’abord, comme en 2009, les acteurs religieux pourraient s’imposer plus avant dans le champ politique et exiger une meilleure prise en compte de leurs doléances au niveau central (débats sur la place des femmes, la réforme de la justice, les relations avec les pays du Proche et Moyen Orient);
- Ensuite, et dans la perspective d’une perte de crédibilité continue des acteurs politiques, les mouvements religieux pourraient choisir d’appuyer des candidatures « organiques » et renouveler l’expérience du Mouvement citoyen des musulmans du Mali (Sabati 2012) qui, en 2013, a joué un rôle politique actif au cours de la campagne; Enfin, une « religiosité » plus affirmée des acteurs politiques pourrait permettre une répartition davantage formelle des rôles avec les mouvements religieux : les premiers servant de paravent démocratique pour les partenaires internationaux, abandonnant aux religieux l’“encadrement” des populations et leur laissant, le cas échéant, le soin d’agiter le spectre d’une menace islamiste pour imposer le pays comme un bénéficiaire plus important de l’aide internationale.
La crise de 2012 n’a pour le moment trouvé aucun règlement pérenne. Ni les questions de sécurité, toujours (en partie) suspendue aux discussions d’Alger, ni les perspectives d’une reprise économique sérieuse n’ont à ce stade permis d’asseoir politiquement le régime d’Ibrahim Boubacar Keïta. Au contraire, la communautarisation du conflit au Nord (milices) et la multiplication des scandales économiques à Bamako ont sensiblement écorné l’image du Mali et épuisé la patience des partenaires internationaux. A terme, le pays pourrait rester le « mauvais élève » qui, en 2012, a précipité à son chevet les pays de la communauté internationale, qui ne peut laisser cependant le Mali devenir une autre zone de terrorisme.
Extrait du document : Instantané politique malien, trois ans après la crise de 2012
Par Virginie Baudais et Etienne Darles, Docteurs en science politique, spécialistes du Mali et du Niger