Entre le retrait de ses armes lourdes par la Force française Barkhane pourtant à vocation exclusivement antiterroriste, une scandaleuse passivité de la MINUSMA face à une agression flagrante, d’une part, et, d’autre part, l’objectif du GATIA de protéger sa communauté, y compris par les moyens militaires, le Nord devient un cocktail explosif qui ne laisse aucune place à l’attentisme.
Véritable rouleau compresseur, le Groupe d’autodéfense touareg, Imghad et alliés (GATIA), semble victime d’une erreur stratégique injustifiable. Ce, d’autant plus qu’il ne disposait plus de ses armes lourdes lui permettant de conserver sa suprématie militaire et qu’il savait que les Forces internationales l’avaient mis en grippe, comme l’atteste la désinvolture avec laquelle Barkhane a agi à son encontre et le blanc-seing délivré par la MINUSMA pour l’attaquer par la suite, en plusieurs endroits : Takaloute, Koniba, Tiwraghene et bien d’autres positions, toutes dans la région de Kidal.
Pour une des rares fois, le GATIA essuie un échec cuisant face à la CMA.
Toutefois, de l’avis d’observateurs avisés, l’hélicoptère allemand de la MINUSMA, en mission d’observation des affrontements, selon sa version, assurait une couverture aérienne des combattants de la CMA. Il n’est donc pas à exclure qu’il ait été simplement abattu. Mais les ‘’défaillances techniques’’ pourraient toujours servir d’exutoire.
Le dilemme
Face à ce regain de tension, aux contours vraiment flous, c’est le silence radio à Bamako. Il n’y a pas eu de communiqué de condamnation, contrairement aux précédents cas.
Pour le Gouvernement, il ne s’agissait pas de faire ouvertement le parti pris du GATIA qui est manifestement la victime dans cette affaire. Parce que ce serait apporter de l’eau au moulin de ceux qui ont une interprétation tendancieuse de l’expression, ‘’groupe pro-Bamako’’, laissant croire à une création de toute pièce de supplétifs de l’armée malienne.
Dans tous les cas, le GATIA lui-même ne se considère pas comme tel. Il fait la différence entre le Gouvernement du Mali et le Mali UN et INDIVISIBLE qu’il défend.
Mais, pour le Gouvernement, il s’agissait de hausser le ton, pour le principe. Il l’a déjà fait. En effet, après l’annonce de la libération d’Anéfis par la Plateforme le 6 septembre 2015, le matin du 18 septembre 2015, la CMA réoccupait la ville. Ce qui a été dénoncé par le Gouvernement qui a estimé que seuls les Casques bleus auraient dû prendre position dans la ville.
Le Gouvernement, pour cette fois-ci, a des raisons de réagir. Le cessez-le-feu a été unilatéralement violé et de façon flagrante par la CMA au nez et à la barbe de la Force Barkhane qui s’est invitée, pour des raisons inavouées, dans des conflits fratricides, et de la Mission des Nations Unies.
C’est aussi l’Accord arraché après huit mois d’âpres négociations qui est en train de voler en éclats et avec lui les perspectives de paix et de réconciliation des fils de ce pays.
Ainsi, pour le Gouvernement et le peuple malien, ce qui se trame a un enjeu majeur. Parce que ce sont l’unité nationale et l’intégrité du territoire qui sont en train d’être mises en péril par des aventuriers à la solde de lobbies étrangers. Ils n’ont jamais quitté leur logique de rupture avec le Mali. Cela est bien connu.
Les implications
L’absence de l’État pour abriter, le soutien apporté à une communauté contre une autre par les Forces internationales représentent un cocktail explosif qui menace d’embraser le Nord. Et pour cause, le GATIA a des objectifs très clairs qu’il a fait savoir le jour de l’officialisation de sa création par son secrétaire général, Fahad Ag Almahmoud, qui a déclaré à l’occasion : « nous venons de créer le Groupe autodéfense touareg, Imghad et alliés (GATIA) pour défendre les intérêts de notre communauté dans le nord du Mali, notamment contre le MNLA. Nous sommes pour le processus de paix, nous reconnaissons l’intégrité territoriale du Mali, et nous ne réclamons pas d’autonomie. Nous voulons travailler avec le gouvernement malien pour amener la stabilité du pays. » Concrètement, il s’agit de mettre un terme aux exactions commises par les combattants du MNLA sur les membres de sa communauté. Il n’est certainement pas prêt de renoncer à cette cause, puis que ceux qui sont censés protéger les populations civiles ne le font que de façon sélective.
Les mains invisibles
Ce que l’on ne dit pas assez et à quoi des mains invisibles œuvrent sans relâche, c’est la domination factice d’une communauté de Kidal sur les autres.
Pour le GATIA, il faut sortir d’un schéma établi par le colonisateur de créer et d’imposer la suprématie d’un groupe qui n’a aucune légitimité historique sur les autres. C’est ce que fait comprendre Azaz Ag LOUDAGDAG, président de la Coordination Imghads, dans une interview publiée par ‘’Le Journal du Mali’’ : « nous sommes majoritaires à Kidal, mais les gouvernements français et maliens ont épaulé les Ifoghas et les ont utilisés pour maîtriser tout le monde. C’est une opposition ancienne, mais maintenant on est au 21e siècle et les gens ne sont plus d’accord. Les Ifoghas considèrent les Imghads comme des vassaux et ils refusent d’être sous leur domination ».
Avec une telle vision, il n’est pas à exclure que le GATIA reconstitue son arsenal et reprenne son combat, au grand dam de la paix et de la stabilité dans la région de Kidal, et même au-delà.
En définitive, l’on ne devrait pas perdre de vue qu’autant la royauté et la seigneurie ont disparu ailleurs, autant ici, les prétendus vassaux se sont émancipés et ne sont plus prêts à se laisser marcher sur les pieds. Ceux qui ont fait de la politique du diviser pour régner devraient comprendre que toute méthode n’est efficace qu’à un moment donné, sur un espace géographique donné, avec une population donnée. Aucune n’est immuable. Les pyromanes devraient donc se reconvertir, à défaut de laisser nos peuples entamer leur marche vers le développement.