Les hostilités connaissent un regain d’intensité dans les régions de Gao, Ménaka et Kidal. Au cœur de ce énième embrasement du septentrion malien, les groupes rebelles de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) qui tentent de reprendre pied dans ces localités. Aucun recours, y compris aux « barbus », n’est épargné par cette coordination pour atteindre ses objectifs. Le régime en place, visiblement dépassé par les évènements, semble indifférent à ces violations des accords de cessez-le-feu ; et la Minusma y assiste en spectateur. Jusqu’où ira cette escalade ?
La semaine dernière, les groupes armés de la CMA ont cerné la ville de Ménaka, aux mains du Gatia depuis des mois. Les rebelles de Kidal, qui avaient mobilisé des dizaines de pickups (lourdement armés) à cet effet, ont finalement pu ranger Ménaka et d’autres endroits sous leur coupe. A Ménaka, les pauvres soldats maliens auraient, dans la foulée, trouvé refuge dans le camp de la mission onusienne dont les forces et celles de Barkhane ont assisté, en spectateurs, à cette violation d’un cessez-le-feu censés être en vigueur. Pire, selon des sources locales, tous les symboles de l’Etat malien ont été remplacés par ceux des Mouvements de l’Azawad. Vous avez dit humiliation ?
Cet épisode, qui succède à bien d’autres, traduit la fragilité de la situation sécuritaire au nord du Mali qui se dégrade au rythme d’attaques terroristes et surtout des agitations des rebelles de Kidal. Ces deniers nourrissent plus que jamais l’ambition d’étendre leur prise sur l’ensemble du septentrion malien. En effet, l’entrée de la CMA à Ménaka est intervenue deux jours après d’intenses combats qui ont notamment coûté au Gatia sa principale position à Tabankort. Avant, soit le 13 juillet dernier, la CMA avait proclamé la reprise d’Anéfis.
C’est dire que le Gatia a perdu du terrain, ces dernières semaines. Plusieurs positions – non les moindres- de ce groupe ont été investis par la CMA.
Aussi à Kidal, y compris dans ses accès et aux alentours, la CMA règne en maître absolu.
Faut-il le rappeler, les affrontements à Kidal ont éclaté quelques jours à peine après la signature d’un accord entre les deux parties à Niamey, prévoyant la gestion collégiale de la ville sur le plan sécuritaire. Les tensions entre la CMA et le Gatia ne datent pas d’hier à Kidal. La ville est sous contrôle militaire des anciens rebelles touaregs depuis 2012, mais le Gatia y bouscule leurs intérêts.
Complaisance !
A la veille de la prise de Ménaka, les forces de la Minusma et de Barkane auraient été avisées du mouvement des troupes de la CMA vers cette localité. Mais comme toujours, elles sont restées de marbre, prétextant qu’il s’agissait de simples rumeurs. La vérité ne tarda pas à se révéler.
Mais en réalité, ces forces ont été complaisantes chaque fois qu’il s’est agi de la Coordination des mouvements de l’Azawad. Un mouvement qui aurait d’ailleurs des accointances avec les forces étrangères présentent sur notre sol. Ainsi, ils piétinent le cessez-le-feu, sans que la communauté dite internationale ne lève le petit doigt.
Depuis belle lurette, les Maliens s’interrogent sur le rôle de la Minusma qui ne cesse d’acheminer des engins lourds au Mali, au nom de la paix. Elle déploie actuellement plus de 12 000 Casques bleus.
Plus d’un Malien, exaspéré par la dégradation de la situation, pense que la crise est entretenue par les forces étrangères, dont l’opération française Barkhane. Ainsi justifieraient-elles leur présence dans le septentrion.
Aussi sein de l’opinion, l’on estime, et d’ailleurs à juste titre, que le plus important appui que la Minusma peut apporter au Mali est d’aider les Famas à se redéployer. Celles-ci (Famas) étant le premier rempart légitime de protection des populations maliennes et des frontières nationales. Hélas ! Alors que le mandat de Mission l’oblige soutenir les efforts fournis par le gouvernement pour rétablir et étendre effectivement et progressivement l’autorité de l’État dans tout le pays, y compris les régions du nord du Mali.
Aujourd’hui, tout indique que cette Mission a un agenda caché. Au lieu de jouer pleinement son rôle qui est, entre autres, d’aider les parties à tenir les engagements qu’elles ont pris dans l’accord de paix, elle assiste, si elle ne les cautionne pas, aux agissements des rebelles de Kidal. Très souvent, elle s’illustre d’ailleurs par ses prises de partie en faveur de ces rebelles, comme ce fut le cas à Ménaka où elle aurait établi une zone dite de sécurité, après l’intrusion des bandits de la CMA.
Et à Bamako, le pouvoir, sans doute dépassé par les évènements, est muet comme une carpe. Le régime en place devrait, pourtant, savoir que ce regain de violences n’augure rien de bon pour le retour définitif de la paix au pays. Cela est d’autant plus vrai que cette situation de guerre permanente entre les deux groupes rivaux, favorise l’incursion des djihadistes dans le septentrion malien. Déjà, des informations font état de « retrouvailles » entre les rebelles de Kidal et certains mouvements djihadistes. En effet, pour s’assurer une victoire militaire après avoir été longtemps assiégée à Kidal, la CMA aurait requis les services des barbus et autres barbouzes.
Aujourd’hui, la question fondamentale qu’on se pose est de savoir jusqu’où iront les groupes armés de la CMA dans leur (re)conquête. En tout cas, s’ils réussissent à renverser la situation, ce serait dommage pour le Mali, mais surtout pour les populations innocentes de ces régions.