Cette semaine nous sommes allés à la découverte d’une dame qui garde toujours sa coquetterie, doublée d’une toilette aux allures de reine. Téléspeakerine, animatrice, partout où elle est passée, elle a laissé une tâche indélébile, forçant l’admiration des téléspectateurs et des Maliens. Vous l’avez sans doute deviné, il s’agit de Sokona Gakou. Celle que les Maliens ont découverte avec l’avènement de la télévision en 1983. Elle a une particularité : le respect de soi et l’amour des autres. L’ancienne vedette de l’Ortm nous entretient sur ses différents mouvements entre la chaine de Bozola, la Rti, la Rts et Africable télévision.
A l’avènement de la télévision au Mali, septembre 1983 (grâce au Guide libyen, feu Mouammar Kadhafi), les téléspectateurs maliens ont découvert, aux côtés des éminents journalistes de l’époque comme Baba Dagamaïssa, Baba Djourté, Djibril M’Bodge, Aïssata Cissé, Adama Sissoko, Gaoussou Thiéro, Fatim Sidibé et autres, de belles dames qui faisaient office de téléspeakerines, c’est-à-dire celles qui annonçaient les programmes de la soirée.
Elégante et populaire !
Avec leurs toilettes impeccables, ces animatrices ont donné un éclat particulier au nouveau bébé. Parmi ces dames, on peut citer Mme Sèye Mariam Traoré, Koti Coulibaly, Sokona Gakou, etc. Elles se sont distinguées par leur savoir-faire, leur look et leurs créations sur le plateau.
Notre héroïne, Sokona Gakou, s’est particulièrement démarquée par son élégance, son sourire hypnotisant et son amabilité constante. Cela fait des années qu’elle a disparu des écrans télé, et s’est emmurée derrière le silence. De telle sorte qu’on ne la retrouve nulle part dans la sphère médiatique et de la communication. Quand nous avons pris l’initiative de la contacter, un de ses proches nous a fait savoir qu’elle a un principe : elle ne va pas n’importe où et il n’est pas facile de la rencontrer parce qu’elle ne sort que pour des urgences. Guidé par le flair journalistique, nous l’avons contactée pour lui expliquer notre démarche et surtout le but de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”. Rendez-vous est pris pour le quartier Golf, à Baco Djicoroni où elle réside.
Venue nous accueillir à bord d’un véhicule, nous avons failli ne pas la reconnaitre quand bien même elle n’a pas changé physiquement, pas plus qu’elle n’a rien perdu de sa jovialité. Seulement, elle s’est un peu déguisée pour passer inaperçue. Ayant deviné que nous sommes surpris par cet accoutrement, inhabituel à nos yeux, elle nous rassure qu’elle le fait pour échapper aux interpellations dans la rue, au marché et même aux feux tricolores.
Que sont-ils devenus ? Sokona Gakou : De Bozola à Chicago, les multiples visages d'une globe-trotteuse
ici Sokona Gakou avec des comédiens Assane Kouyaté (D)et Amion dans le film Walaha
En effet, selon notre interlocutrice, dès qu’elle sort, les admirateurs ne cessent de lui demander les raisons de sa disparition des petits écrans, et certains vont jusqu’à la supplier de reprendre du service. Ces marges de considération sont émouvantes et pathétiques, à telle enseigne qu’elle ne sait pas comment répondre à tous ses admirateurs. Ceux-ci ignorent un détail important qui continue de déranger notre consœur. Sokona Gakou nous a dit qu’elle a été toujours obligée d’arrêter au moment où elle est appréciée le plus par le public. Ce qui est douloureux pour elle-même. Mais . . .
L’admiration, l’appréciation du public sont tellement justifiées que Sokona Gakou donne du goût à tout ce qu’elle fait. Partout où elle est passée, ses émissions se sont imposées et ont attiré le maximum de public.
Virage à 90° !
Pourtant rien ne l’a prédestinait au petit écran. Son premier choix après le BAC, portait sur les études de Droit, à défaut de l’Allemand. Mais elle sera orientée dans la filière d’études en Anglais. Après sa sortie de l’Ecole normale supérieure (Ensup), et nantie d’une maîtrise en Anglais, elle aurait dû se retrouver au lycée pour enseigner. L’évolution des choses détourne son destin d’enseignant au profit du micro. Comment ?
Au lendemain de la création de la télévision malienne, on l’informa que Bozola est à la recherche des diplômées en Anglais pour servir comme téléspeakerine. Elle saute sur l’occasion et là voilà à la Radiodiffusion télévision du Mali (Rtm). Après quelques années, Sokona bénéficie d’une bourse de formation pour la Côte d’Ivoire, sanctionnée par un stage à la Rti.
De retour à l’Ortm, la direction lui confie l’émission “Samedi Loisirs”. C’est à ce niveau que les téléspectateurs ont découvert une animatrice pleine de talents. Elle créa son propre look autour de l’émission, à telle enseigne que le public s’impatientait pour s’installer devant le petit écran. Devenue maintenant une journaliste professionnelle, on l’affecta au Journal télévisé.
Après un bout de temps et contre toute attente, Sokona Gakou quitte Bozola pour Dakar où elle pose ses valises à la Rts. Au niveau de la télévision sénégalaise, elle crée deux émissions : Tempo-Africa et Portrait d’artistes. Sa grande habilité forge autour de sa personne une notoriété et une célébrité dans la capitale sénégalaise. Mais le pays manque à Sokona Gakou. Elle retourne au Mali.
Une fois à Bamako, elle ne va pas à l’Ortm, mais à Africable télévision où elle anime l’émission “Le Grand Sumu”. Là aussi, elle a donné un renom à cette nouvelle création qui continue de s’imposer d’ailleurs. Dommage, les spectateurs feront le constat de son absence prolongée pour présenter l’émission. La réalité, c’est que Sokona Gakou a décroché, elle a décidé d’abandonner cette nouvelle aventure.
Tous ces mouvements entre pays et chaînes de télévision, cela peut paraître paradoxal. Mais, Sokona Gakou a des argumentations solides pour expliquer cette transhumance entre Bamako, Dakar et Abidjan. Aujourd’hui elle est hors micro, mais elle a une conviction : elle ne croit pas en l’amitié et dans une moindre mesure en l’amour, même si cela ne lui a jamais réussi. Elle se dit convaincue que le bon Dieu ne donne pas tout à l’individu, au risque d’être un dieu à part.
De la télé au cinéma…
Au moment d’arranger le micro pour se donner un temps de réflexion, le cinéaste Souleymane Cissé la récupère pour jouer dans son film “Miyé”. Le rôle qu’elle a joué lui a offert de nouvelles opportunités de voyages et de rencontres avec de grandes personnalités. Cela a été le cas au festival de Cannes où elle a rencontré les grandes stars mondiales du cinéma. Après la France, cap sur les Etats Unis avec toute l’équipe d’acteurs du film, et durant deux semaines, elle a été l’enfant chouchou des spectateurs qui voulaient encore comprendre le personnage qu’elle incarnait dans le film.
De New York à Chicago, en passant par Spring Feld, Sokona Gakou dit avoir découvert l’une des merveilles du monde ; ce qui lui a permis de savoir et d’apprendre beaucoup de choses.
De retour au Mali, elle lance le festival “Mali Debout“, pour booster la signature de l’Accord de paix avec les artistes maliens et africains. Après avoir bénéficié du soutien sans faille du ministre des Sports Housseini Amion Guindo (qu’elle remercie d’ailleurs pour son sens élevé de considération à l’égard de son initiative), elle se trouva dans l’obligation de reporter le festival Chaud, pour des raisons diverses.
L’on comprend aisément que Sokona Gakou est une femme battante, qui ne baisse pas les bras. Les bons rapports gardés avec l’Ortm lui valent actuellement une invitation d’honneur de son ancien réalisateur Djibril Diabaté, pour se ressourcer à la soirée salsa organisée chaque mois à l’hôtel de l’Amitié. A l’instar de tous ses autres collègues qui y vont, Sokona Gakou place sa présence sous le signe du soutien à son ancien réalisateur.
Sinon, elle vient d’être recrutée comme experte du projet PRodefpe du Ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle.
Aujourd’hui, le bon souvenir qui la fait tenir moralement est cette admiration des Maliens à son égard. Une affection née de ses prestations sur les différentes chaines de télévision. Sokona Gakou se dit très émue par les compliments des uns et des autres, chaque fois qu’elle décide de faire un tour en ville. Pour le moment, seul le temps déterminera sa décision de retourner devant le micro ou les caméras. Entre temps, elle a lancé le 4 Mai dernier une Ong intitulée “FAM – je suis”. Ladite organisation non gouvernementale s’occupe des intérêts de la femme, de l’enfant et de la famille.
L’aventure dans la troupe des femmes très fâchées de l’Ortm constitue une anecdote pour notre héroïne.
Par rapport à la prolifération des chaines de télévision, fruit de la démocratie et de la liberté d’expression, Sokona Gakou se réjouit beaucoup de cette évolution médiatique. Mais selon elle, faudrait-il que ces chaines de télévision comblent les attentes. C’est-à-dire ne pas profiter de la liberté d’expression pour cultiver l’anarchie, en véhiculant de fausses informations tendant à salir l’honneur de quelqu’un. Sinon il est dommage avec cette multiplication des médias de constater que le linge sale ne se lave plus en famille, mais dans les journaux, sur les réseaux sociaux. Et c’est à ce niveau que Sokona Gakou interpelle la Haute Autorité de la Communication, afin qu’elle joue pleinement son rôle en évitant d’être partiale. Autrement dit, il est nécessaire que l’autorité de régulation de la communication fasse respecter la déontologie de la profession, pour ne pas installer l’anarchie.
C’est dire qu’elle a le souci de la profession. C’est sur cet amour que Sokona Gakou a bâti sa popularité, pour en être une icône. Ce qui rappelle cette citation d’Einstein : ” N’essayez pas d’être un homme à succès, essayez plutôt d’être un homme qui a de la valeur”.