Le débat sur la révision constitutionnelle fait rage. De mémoire de Malien, aucun projet de loi n’a fait l’objet d’un si grand intérêt. Ainsi, le sujet mobilise les Maliens à l’intérieur et à l’extérieure du pays. D’une brûlante actualité, la question divise les Maliens dans les familles, lieu de travail et grins.
En effet, depuis le vote de la loi portant révision de la Constitution du 25 février 1992, une vive atmosphère de tension prévaut au sein de la société. Ce climat de tension délétère est marqué par les agressions physiques, les menaces de morts et les fusillades. Ainsi, la situation politique est fondamentalement dominée par le débat sur la révision constitutionnelle.
Plusieurs fronts de luttes ont été créés pour animer la question. Dans cette bataille idéologique rangée, les réseaux sociaux sont mis à contribution de part et d’autre. Ainsi, une alliance a été scellée entre les partis politiques de l’opposition, des organisations de la société civile et des syndicats pour porter sur les fonts baptismaux la Plateforme «An Tè A Bana, Touche pas à ma Constitution».
De l’autre côté, les partis membre de la Convention de la majorité présidentielle, appuyés par certaines organisations démocratiques et sociales, ont fondé la Plateforme «Oui AN SONA», présidé par Mamadou N’Diaye. Cette dernière Plateforme est renforcée par certaines organisations satellites de faible envergure, la Plateforme «An Ya Famou An Sonna», la Plateforme «Awo An be alla de Bandjougou Sangaré» et la Plateforme «Awo A bè Kè de Abdramane Kély».
Sur le terrain, les différentes Plateformes se livrent à des marches, meetings, conférences- débats, de presse et d’autres activités de sensibilisation des populations pour les rallier à leur cause. Cette guerre de tranchée entre les deux (02) camps antagonistes a révélé plusieurs réalités qu’il convient d’étudier.
Elle a d’abord mis à mal l’unité et la cohésion au sein des partis de la majorité présidentielle qui se retrouvent dans la Convention de la majorité présidentielle (CMP). Cet état de fait se confirme par le départ du parti Yèlèma de Moussa Mara de ladite convention et qui a fini par suspendre sa participation dans ce regroupement.
Aussi, la position ambiguë du CNID- Faso Yiriwa Ton de Maître Mountaga Tall, du MPR de Choguel Kokala Maïga, de l’UDD de Tiéman Hubert Coulibaly et du PACP de Yeah Samaké conforte également la thèse de la déconfiture totale de la majorité présidentielle.
En sus, le silence assourdissant du Mouvement pour un destin commun (MODEC) du ministre Konimba Sidibé sur la question de la révision constitutionnelle n’est pas aussi de nature à démentir cette réalité.
Dans cette nouvelle situation, on assiste à une nouvelle recomposition du paysage politique du pays ou du moins à une véritable inversion du positionnement politiques des partis. Ainsi, les partis de l’ancienne opposition politiques (PARENA, SADI, URD, ADP Maliba, PRVM Fasoko, PIDS, PDES, FARE-An Ka Wulli, CNAS-Faso Hèrè) et les Organisations de la société civile (OSC) de la plateforme «An Té A Bana Touche pas à ma Constitution», qui étaient jadis minoritaires (Mouvement Tarata Wulen, Mouvement Trop c’est Trop, Faso Kanu, Collectif pour la défense de la République) sont majoritaires dorénavant.
Cette Plateforme a démontré à travers les mémorables mobilisations des 17 juin et 15 juillet 2017 qu’elle fait corps et âmes avec les masses.
Dans ce capharnaüm, l’ancienne majorité arithmétique et mécanique regroupée autour du parti présidentiel, le Rassemblement Pour le Mali (RPM), joue pratiquement le rôle de l’opposition. Elle se trouve sur la défensive et multiplie sur fonds d’achat de conscience les meetings d’information dans la capitale et à l’intérieur du pays pour rallier désespérément les populations à sa cause.
Aussi, cette situation a-t-elle facilité l’émergence de nouvelles organisations de la société civile (OSC) militante, patriotique qui ont rompu l’alliance implicite qu’elles avaient tissé avec les pouvoirs publics contre le peuple depuis l’avènement de la démocratie dans notre pays. Cette société civile nouvelle à l’instar de celle du Burkina Faso et du Sénégal a décidé d’assumer son rôle de veille citoyenne, capable d’influencer sur les politiques publiques en vue de l’approfondissement du processus de construction démocratique de notre pays.
Une des grandes retombées de cette crise est la révélation à l’opinion nationale et internationale, la nature réactionnaire des leaders religieux qui ont toujours pactisé avec les gouvernants pour sucer le sang du vaillant peuple laborieux. Ainsi, la Plateforme a mis les leaders religieux dans leur petit soulier en démontrant qu’on peut réussir une grande mobilisation sans leur implication.
En plus, elle a favorisé le rapprochement, l’alliance indispensable entre les partis politiques, les syndicats et les organisations de la société civile qui se regardaient en chiens de faïence. Dans les deux camps, les partis politiques et les organisations de la société civile (entités hétérogènes) dans une unité d’actions sont mobilisés autour de l’essentiel pour défendre les intérêts fondamentaux de notre pays.
En fin, cette lutte a beaucoup contribué également à favoriser l’émergence sur la scène publique de jeunes leaders responsables syndicaux et d’organisation de la société civile qui ont démontré qu’il va falloir compter avec eux pour la construction nationale. Parmi ces jeunes, on peut citer le chroniqueur et président du Collectif pour la défense de la République, Youssouf Mohamed Bathily dit Ras Bath, le Commissaire principal de Faso Kanu Ibrahima Kébé, le chroniqueur Madou Kanté dit Marechal, et le leader syndical Djimé Kanté.
Cependant, force est de reconnaître que tous ces jeunes sus nommés évoluent en dehors des formations politiques dans lesquelles semblent- ils les jeunes peinent a émerger.
En outre, la bagarre pour le retrait pur et simple du projet de loi portant révision constitutionnelle a permis le réveil brutal de la conscience patriotique du peuple malien qui sommeillait. Ainsi, le peuple du Mali, désenchanté par la gouvernance chaotique actuelle a pris conscience de la nécessité de s’intéresser à la gestion des affaires publiques.
Ayant pris conscience de son rôle de détenteur de la souveraineté nationale, celui-ci est déterminé et engagé pour enclencher le processus irréversible du développement social et économique de notre pays.