Les autorités de la République ont fixé les dates des élections présidentielle et législative sensées mettre un terme à une période de transition de triste mémoire et des plus chaotiques que le Mali n’ait jamais connue. Pour mettre les petits plats dans les grands, c’est précisément ce moment qu’a choisi le gouvernement pour retirer des caisses de l’Etat la somme de plus d’un milliard et demi de FCFA à repartir entre 41 partis politiques dans le cadre de l’aide publique à eux accordée annuellement, conformément à la loi.
Depuis cette annonce, la scène politique et même celle dite de la société civile, sont entrées en ébullition. Partout et à chaque jour son lot de manifestations de la plus respectable à la plus folklorique. Tout est fait pour se mettre en évidence, marquer, signifier ou rappeler simplement sa présence ou son existence. Toutes les occasions sont bonnes pour paraitre ou attirer seulement l’attention même si on est conscient de ne pas représenter grand-chose. Ce n’est pas bien grave ! L’objectif est ailleurs. Cette situation se trouve être favorisée et encouragée par la Loi fondamentale qu’est la Constitution du 25 février 1992 qui consacre le multipartisme intégral, la liberté d’association et d’opinion pour tous les citoyens. La charte des partis politiques complète la liste des instruments juridico-légaux qui encouragent ce qu’on pourrait appeler la « prostitution et le vagabondage politiques ». Combien sont-ils effectivement de partis politiques à mériter de la subvention de l’Etat. Pour la plupart, ils n’ont de partis politiques que de nom et sur papier. C’est pourquoi, aujourd’hui on dénombre plus de 150 partis politiques pour un pays d’environ 15 millions d’habitants. Que c’est ridicule !
Curieusement, les difficultés que connait le pays en ce moment ont été mises en exergue pour opérer une coupe sèche sur le montant fixe de l’aide que la même loi accorde à la presse (une maigre somme de 200 millions par an ramenée cette année à environ 90 millions pour plus de 300 radios et journaux).
La loi ouvre la brèche, alors pourquoi s’en priver ?
On assiste donc à une course effrénée à la création de partis politiques, d’associations, d’ONG et autres collectifs au fil des événements et des circonstances. Personne ne veut rester derrière et demeurer ainsi dans l’ombre. Toutes les occasions sont à mettre à profit. Toutes les opportunités sont à saisir pour les besoins de la cause. Il faut tout faire pour se faire voir, se faire entendre afin d’être invité à la table du partage du gâteau.
Ils ont la langue fourchue ; le verbe facile ; des discours beaux et endiablés ; des mots et propos prononcés avec tant de conviction, d’engagement et de détermination que l’on est souvent tenté de leur donner le ciel et la terre, tellement ils savent se faire persuasifs et convaincants.
Ils, ce sont tous ces hommes et femmes qui s’autoproclament en mission de « salut public » au service exclusif de leur pays, de leurs compatriotes et généralement les plus démunis, c’est-à-dire l’écrasante majorité des populations qui constituent les peuples de nos Etats sous-développés ou du moins en voie de développement.
Ils, ce sont ces fonctionnaires et agents véreux de l’Etat, formés et payés avec l’argent du contribuable.
Ils, ce sont ces responsables malhonnêtes dans l’administration publique qui, par toutes sortes de stratagèmes, de subterfuges, de tripatouillages, de contournements, de détournements, de compromis et de compromissions, parviennent à se hisser au sommet de l’Etat, aux fonctions et postes les plus juteux avec rangs, honneurs, avantages et privilèges, dans le seul but de profiter au maximum de leur situation de dominance au détriment du peuple au nom duquel ils affirment réfléchir, agir et ou réagir.
Ils, ce sont aussi tous ces politiciens véreux, ces militaires insoumis, ces mouvements rebelles armés qui font irruption sur la scène nationale au nom de la misère du peuple et qui, une fois confortablement installés, se soucient d’abord et en premier lieu de se remplir les poches, de garnir les comptes en banques, de se bâtir un empire de fortune, se construire les plus belles villas, les Châteaux et les buildings, de se constituer un véritable parc automobiles, d’inscrire leurs enfants dans les meilleures universités du monde et enfin s’offrir à tous bouts de champ des copines et autres maîtresses auxquelles ils offrent des vacances à Philadelphie, Las-Palmas, Paris, New York, Chicago, Tokyo, etc., abusant ainsi de la confiance ( ?) dont ils se sont faits prévaloir au départ. Conséquences, ce sont des élections truquées, les Constitutions modifiées, des coups d’état et contre-coups-d’ état à répétition, etc. tout y passent.
Ils, ce sont aussi ces associations et ONG soi-disant de défense et de promotion des droits de l’homme (à quelques rares exceptions près) qui soutirent des financements colossaux auprès de partenaires au développement au nom de populations réellement nécessiteuses mais qui, en réalité, ne bénéficient que de la portion congrue des montants faramineux alloués.
Ils, ce sont ces partenaires techniques et financiers qui ne font pas preuve souvent de discernement et de lucidité dans leurs actions de développement entreprises ou initiées en faveur des Etats et des populations à travers des projets et programmes pour la plupart inappropriés et inadaptés aux besoins réels.
Ils, ce sont également et enfin ces populations généralement innocentes, incrédules et naïvement maintenues à dessein dans l’ignorance, l’analphabétisme, la pauvreté et la misère, simplement parce que ne sachant pas profiter de son bulletin de vote pour sanctionner ceux qui doivent l’être. Ainsi, en lieu et place des pouvoirs régaliens que lui confère la Constitution à travers les différents scrutins électoraux, nos compatriotes ont pris la mauvaise habitude d’échanger ce droit contre des tee-shirts, des cartouches ou paquets de thé, des sachets de cube Maggi, des sacs de sel et ou quelques kilogrammes de sucre ou des billets de 1000, 2000 ou 5000 FCFA.
Alors qui plaindre et qui blâmer ?
Quoiqu’il en soit les vrais perdants de toutes les façons, c’est le peuple qui a le dos très large ; c’est l’Etat ; c’est la démocratie et enfin c’est les valeurs universelles des droits de l’homme qui consacrent l’égalité de tous, l’équité, la justice et la solidarité pour tous et entre les peuples.
Heureusement que depuis hier jusqu’aujourd’hui, il y a des hommes et des femmes qui émergent de cette grisaille de malheurs et de malhonnêteté. Ils ont décidé, contre vents et marées, souvent au prix ultime du sacrifice de leur vie, de se battre à coups de dénonciation, d’actions administratives, politiques ou judiciaires pour combattre le mal développement et les maux qui l’engendrent. Ils ne sont certes pas « riches » mais ils sont heureux et fiers.
A chacun de revenir véritablement à la raison, de prendre conscience des dangers et risques auxquels la conjugaison de l’ensemble de ces maux expose l’existence de l’humanité en harmonie plus ou moins parfaite avec son environnement.
Quelle que soit la durée de la nuit, le jour finit toujours par se lever ! Comme également des ténèbres jaillit toujours la lumière !
B. Sidibé