Exigée par la communauté internationale depuis un certain temps, la Commission dialogue et réconciliation a été créée il y a quelques jours. Le président de la République vient de rendre publics les noms de ses trois premiers responsables. Du coup, la coquille semble moins vide sans qu’on sache pour autant à quoi servirait cette structure de trop.
Après la création de la Commission dialogue et réconciliation (CDR) en conseil de ministres, le président de la République vient d’en désigner les trois premiers responsables. Le président de la Commission, Mohamed Salia Sokona, est un ancien ministre récupéré ambassadeur, puis perdu dans les oubliettes de l’histoire. Un des deux vice-présidents, Méti Ag Mohamed Rhissa, est originaire d’Aguel Hok (région de Kidal). Professeur de lettres, il aurait accédé à la fonction publique (Douanes) à la faveur de l’intégration des ex-combattants des Mfua (Mouvements et fronts unifiés de l’Azawad) au milieu des 90. Il vient d’être tiré de sa paisible retraite pour jouer les négociateurs. Tout comme Mme Touré Oumou Traoré, l’autre vice-présidente, militante féministe du « genre », présidente de la coordination des associations et ONG féminines, qui n’est jamais parvenue à faire l’unité de la gent féminine. Cette native de la région de Tombouctou a régulièrement, depuis des années, échoué à entrer dans un gouvernement. C’est donc un ancien diplomate, un vieux douanier probablement rebelle et une féministe qui seront aux commandes de la commission des « sages ». Ces trois personnages seront bientôt accompagnés par trentre autres personnes pour remplir une coquille jusque là vide, ou presque.
C’est après les douloureux événements survenus au Mali en mars 2012 que les gendarmes du monde, la France mais surtout les Etats-Unis d’Amérique, ont posé leurs exigences : l’institution d’une commission dialogue et réconciliation et l’organisation d’élections libres et transparentes.
Dans le premier cas, il s’agit d’instaurer le dialogue entre tous les enfants de la Nation. Et là, il y a vraiment matière. Pas forcément ce que la France veut, à savoir négocier avec les acteurs du crime organisé et du terrorisme sous-régional que sont les animateurs du Mouvement national de libération de l’Azawad. En effet, sur ce point précis, tout dialogue avec les responsables du Mnla pourrait aboutir infailliblement à allumer la mèche de la poudrière septentrionale. Pour presque tous les ressortissants du nord, Arabes, Touareg, Songhoy, Peuls etc., réintégrer ou même fréquenter les rebelles du mouvement indépendantiste équivaut à semer les germes de l’injustice et du chaos. Ces gens sont bannis et reniés par ces communautés mêmes qu’ils sont censés défendre et qu’ils ne représentent aucunément. Les viols, pillages, assassinats et exécutions sommaires resteront à jamais des arêtes dans la gorge des populations civiles et militaires. Jusqu’à ce que leurs auteurs soient traduits devant la justice, jugés et condamnés. Jusqu’à présent, la France qui leur donne asile chez elle évite une confrontation entre les éléments du Mnla et les militaires maliens à Kidal.
Ce en quoi l’administration Hollande a tort. Non pas parce qu’il faut forcément juger ces gens mais parce que depuis l’occupation de Kidal, le Mnla est devenu un refuge pour la plupart des transfuges de tous les autres groupes armés, notamment les jihadistes d’Ansar Eddine. Les autres se sont reconvertis en Mia ou en Maa. Mais tôt ou tard, il faudrait bien que la région de Kidal soit entièrement occupée et contrôlée par l’administration et les forces armées et de sécurité afin que la souveraineté nationale soit totale.
A part cette question qui ne relève pas forcément d’elle, quelles seront les missions de la Commission ?
D’emblée, il faut souligner qu’au Mali, il n’y a pas de problème inter ou intra ethnique ou communautaire. Y compris dans le nord où toutes les ethnies et communautés ont toujours vécu en parfaite cohésion même s’il existe actuellement des risques de conflit entre Arabes et Touareg dans la région de Kidal. Mais c’est une situation conjoncturelle créée et entretenue par le Mnla afin de justifier des exactions que ses éléments commettent avant de faire porter le chapeau par l’armée malienne. Les victimes n’étant pas dupes, le risque d’un conflit entre les deux ethnies est réel. La CDR a donc là un coup à jouer en amenant les deux communautés à ne pas tomber dans le jeu terroriste et criminel d’une bande armée aux abois. Mais là encore, les auteurs doivent être remis à la justice.
De même, le dialogue doit être instauré avec l’armée pour que les militaires ne tombent pas dans les exactions et autres actes arbitraires du fait de l’amalgame entre les éléments des groupes terroristes et criminels (Mnla, Aqmi, Mujao, Ansar Eddine, Mia, Maa) et les membres des communautés du nord. Cela est d’autant plus nécessaire que, selon plusieurs sources concordantes, une véritable chasse aux sorcières est déclenchée dans les villes reconquises, certains habitants, noirs et blancs, étant punis pour avoir apporté aide et assistance aux occupants alors qu’il ne s’agissait que d’actions guidées par l’instinct et la nécessité de survie.
Le dialogue, malgré certaines avancées, est également nécessaire entre différents corps des forces de défense et de sécurité, entre la hiérarchie et la troupe afin de rétablir la chaine de commandement nécessaire à toute armée digne de ce nom.
Le terrain politique ne devrait pas être en reste. Le putsch du 22 mars 2012 a fortement divisé la classe politique et la société civile dont les membres se sont rangés chacun derrière ou contre les putschistes. Les plus radicaux sont le Fdr, front de refus du coup d’Etat, et la Copam, favorable à une transition dirigée par les militaires. Depuis plus d’un an, chacun de ces deux regroupements sociopolitiques est retranché fermement derrière ses convictions. La querelle pourrait se prolonger bientôt à propos du calendrier électoral avancé par les autorités de la transition sous la pression de la communauté internationale, France et USA. Mais là, la CDR n’aura sans doute pas trop de mal à concilier les différents points de vue car, déjà, des voix se lèvent du côté du FDR pour dénoncer la date butoir fixée au 31 juillet. Il faudrait alors prolonger la période de transition. Mais même si la Copam est d’accord sur cette nécessité sera-t-elle prête à accepter que les autorités actuelles restent en place ?