C’est depuis Dakar où il s’est réfugié après les événements de mars 2012 qu’ATT a annoncé sa candidature à la présidentielle prévue avant le 31 juillet 2013. L’ancien président de la République sera présenté par sa famille politique, le PDES.
Exilé à Dakar (Sénégal) depuis près d’une année, le président déchu, Amadou Toumani Touré, vient de décider de se présenter à la prochaine élection présidentielle qui aura lieu, en principe, avant la fin du mois de juillet prochain. Cette décision, « mûrement réfléchie » a été prise suite à plusieurs constats dont, essentiellement, celui du délitement général de la République et de l’Etat de droit. En effet, si les auteurs du coup d’Etat qui l’a renversé, le 22 mars 2012, ne parviennent toujours pas à s’imposer ouvertement sur la scène politique, surveillés de très près par la communauté internationale et le front du refus du putsch, les acteurs politiques également peinent à reconquérir le coeur des Maliens lassés par des années de mensonges politiques et de fausses promesses électorales. Pour preuve, le taux de participation aux différents scrutins ne cesse de dégringoler depuis des années même si lors de meetings ou de réunions politiques, les salles s’emplissent.
A la question, posée à un de ses proches, de savoir si la volonté d’ATT de revenir au pouvoir ne pouvait pas buter sur un obstacle juridique, notamment la Constitution qui limite le nombre de mandats présidentiels à deux, on répond : pas de problème. Selon ses conseillers, il est vrai qu’un président ne peut être réélu qu’une seule fois, mais il se trouve qu’ATT n’a fait qu’un seul mandat effectif, le deuxième ayant été brutalement et inopinément interrompu par le putsch du 22 mars 2012. En effet, on se souvient que le président déchu n’est pas allé au terme de son deuxième et dernier mandat alors que la Constitution lui donne le choix d’effectuer un mandat plein. Cet obstacle juridique levé, quelles sont les chances d’un ATT dans les starting-blocks ?
Un deuxième constat est que le Pdes (Parti pour le développement économique et la solidarité), créé par les amis d’ATT pour soutenir son action à la tête de l’Etat, et qui nourrit l’ambition de voir un poulain de leur mentor lui succéder, a eu les moyens et le temps de s’implanter sur la quasi totalité du territoire national. Le Pdes, qui vient donc de présenter ATT, pourrait constituer une formidable machine électorale. Une machine qui a les moyens humains, matériels et financiers.
Mais le principal atout de l’ancien président demeure, quoi qu’on dise, son bilan de près de dix années à la tête de l’Etat. Sur le plan socioéconomique, ATT est parvenu à faciliter la vie quotidienne de ses concitoyens par la construction de logements sociaux accessibles à la classe moyenne ; la construction et l’équipement de centres de santé sur l’ensemble du territoire national, favorisant ainsi l’accès aux soins de santé. De plus, la prise en charge gratuite de certaines maladies comme le paludisme et de certaines opérations comme la césarienne est à mettre à son crédit. De même que deux hôpitaux nationaux, Le Luxembourg mère enfant et l’hôpital du Mali.
Le président et son cabinet ont dû également batailler pour rendre la téléphonie mobile plus accessible. Ainsi, grâce à la licence accordée à un deuxième opérateur, le coût de la puce et du téléphone ont vertigineusement chuté. Depuis quelques années, la puce (Malitel et Orange) est vendue à 1000 voire 500 Fcfa alors qu’au début, elle était cédée à plus de 300 000 Fcfa par Malitel. Téléphone pour tous, logements pour tous, Att ne s’en est pas tenu à cela. Tout au long de son magistère, il a fait réaliser des infrastructures routières, des ponts (Wabaria et Bamako), des échangeurs, un anneau Sotrama, des équipements marchands, des aménagements agro-sylvo-pastoraux, sans compter de nombreux ouvrages pour la protection de l’environnement. Pour tenir sa promesse électorale de faire du Mali une puissance agricole, ATT a également lancé l’opération tracteurs à moindre coût. Ainsi, des machines « Mahindra » ont été cédées, dans les campagnes pour les labours, dans les centres urbains pour le ramassage des ordures ménagères.
Toujours sur le plan socioéconomique, le président Touré s’est investi pour la promotion de l’emploi des jeunes et des femmes, l’assainissement du climat des affaires, la facilitation des investissements au Mali par l’instauration d’un guichet unique pour l’ouverture des entreprises, la facilitation des importations par l’ouverture d’un autre guichet unique au niveau des services des douanes.
Par toutes ces actions, le Mali est parvenu à afficher des indicateurs prometteurs, indicateurs qui ont brutalement chuté après le 22 mars 2012. Aujourd’hui, faute d’aide publique au développement (si l’Union européenne a desserré l’étau, les Etats-Unis exigent des élections propres) et de subvention, le pays est bloqué et peine à effacer ses ardoises, y compris à payer ses travailleurs.
Sur le plan politique, ATT est parvenu à faire porter la muselière aux acteurs politiques qui gueulaient beaucoup trop fort aux yeux du peuple. Pendant ses presque dix ans passés au sommet, il n’ a rencontré aucune opposition sérieuse, tous les partis étant trop contents de participer à la gestion consensuelle du pouvoir qui consiste à fournir des strapontins aux uns et des prébendes aux autres. Même la Sadi du docteur Oumar Mariko qui n’a jamais cessé de prêcher dans le désert a eu droit à un département ministériel.
L’atout majeur du président ATT reste sans aucun doute sa lucidité dans la gestion de la crise du nord. Il avait toujours affirmé en effet que l’armée malienne était incapable, à elle seule, de déloger du nord les groupes armés. D’ailleurs, récemment l’ONU lui a donné encore plus raison quand elle a reconnu que toutes les armées africaines réunies dans la Misma ne pourraient tenir tête à Aqmi et consorts sans le maintien et l’implication d’une force parallèle, autrement dit sans l’armée française. Si dès 2008-2009 on avait écouté le grand homme au lieu de le traiter de président laxiste et complaisant, on n’en serait certainement pas là.
Avec tous ces atouts donc, ATT pourrait sans nul doute être le prochain président de la République qui remettrait le pays sur les rails, doté de la légitimité populaire et de la légalité constitutionnelle qu’exigent les partenaires techniques et financiers, et que Dioncounda Traoré ne possède pas pour n’être qu’un président par défaut.
Les gros ténors, Soumaïla Cissé, Soumana Sako, Ibrahim Boubacar Kéita et autres sont avertis.
Chère lectrice, cher lecteur, si vous êtes parvenus au dernier paragraphe de cet article, c’est que vous avez déjà fini de déguster, sans prendre la moindre arête dans la gorge, le succulent poisson d’avril préparé avec le plus grand soin pour le bonheur de vos papilles gustatives. Et maintenant, bonne digestion !