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Révision constitutionnelle : Le naufrage du pays est-il programmé ?
Publié le jeudi 10 aout 2017  |  L’aube
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© aBamako.com par Momo
Rentrée politique du PARENA
Bamako, le 20 février 2016 le PARENA a tenu sa rentrée politique 2016 au Palais de la culture
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Aujourd’hui, le Mali est dans un contexte international délétère et vit une conjoncture nationale périlleuse marquée par les attaques répétées d’un terrorisme islamiste qui ne désarme pas, les conflits inter et intracommunautaires et une situation socio-économique qui enfoncent le pays inexorablement dans le chaos.
En face, le pouvoir n’a de souci que de faire main basse sur les prochains scrutins. Après avoir écouté le Président de la république, on est partagé entre le sentiment de déception et celui de révolte. Il n’a écouté que son camp et ne respecte que son camp. Le Président s’épuise dans les demi-vérités et les menaces à peines voilées.

Dans cette interview accordée à l’ORTM, le mardi dernier, il a donné l’impression nette qu’il ne parlait pas aux Maliens. Il a certes parlé à son camp. Mais il a été d’un mépris et d’une arrogance sans borne vis-à-vis de tous ceux qui ne sont pas en accord avec son projet de révision constitutionnelle.

Anti-national, séditieux étaient les termes employés comme réponse à la contestation qui secoue le pays depuis près de deux mois.

Que diable ! Comment se fait-il que le président ne peut s’exprimer sans l’injure à la bouche à l’endroit de ses compatriotes qui ne partagent pas son point de vue ? Il n’a que l’injure à la bouche comme argument pour défendre ses vues.

Par ailleurs, il croit pouvoir se réfugier dans les dispositifs d’un arrêt de la Cour constitutionnelle dont le moins qu’on puisse dire est qu’il est controversé.
Il doit se convaincre qu’aucun argumentaire ne pourra lui permettre de s’abriter derrière l’arrêt de la Cour Constitutionnelle quand lui-même a pollué cette décision en la corrompant d’une déclaration qui avait valeur d’instruction lors de sa conférence de presse à l’occasion du sommet du G5.

Que l’arrêt de la Cour ne peut en rien mettre fin au débat sur la légitimité de la révision constitutionnelle en cours. Que la poursuite de ce débat est un impératif démocratique.
Mais au-delà de la forme, le contenu du discours est plus dramatique.

Le Président a en effet donné l’impression de ne répondre qu’à la colère de l’Ambassade de la France contre les auteurs du sit-in du 03 août 2017. Et là, il y a une forte dose de duplicité dans le discours du Président IBK qu’il faut éventrer.

En fait, des proches de la colline seraient les concepteurs et financiers de cette manifestation dont l’objectif était de ternir la Plateforme « Antè A Bana, Touche pas à ma Constitution ! ». Sa véhémente condamnation aujourd’hui vient en trompe-œil et parce que il a dû se faire taper sur les doigts quelque part.

L’histoire retiendra que l’équipe qui dirige le Mali d’aujourd’hui, a marché contre l’intervention de la CEDEAO, de la France et des Nations-Unies, que lui-même, Président de la République s’est constamment défaussé sur la communauté internationale quand il est en butte à la résistance du peuple malien et inversement.

C’est en vérité cette duplicité dans la gestion de la crise qui lui a interdit d’afficher un leadership crédible dans l’aboutissement du dossier de la crise.

Pour le reste, rien dans l’accord d’Alger ne permet d’octroyer au président qu’il est, les pouvoirs contenus dans son projet de constitution.

Aucune disposition de l’accord ne lui autorise de s’arroger le droit de nommer le 1/3 des sénateurs ; de procéder à la révision constitutionnelle par voie de congrès ; de se donner une impunité inadmissible dans une démocratie etc.

Aucune nécessité dans l’application de cet accord ne permet le contournement en vue de la limitation du mandat présidentiel.

Rien dans l’accord d’Alger ne permet de procéder à un changement de République de façon déguisée en nous proposant une nouvelle République antidémocratique et à l’instabilité congénitale.
S’il convient réellement que les précédentes tentatives de révision constitutionnelle ont été initiées de bonne foi, pourquoi il ne s’y est pas tenu et proposer alors les débats sur les facteurs de modernité et d’application de l’accord d’Alger ? De qui se moque-t-on ?

Dans la gestion de cette crise, le Mali a eu plusieurs fenêtres d’opportunité pour se remettre d’aplomb, mais les stratégies de réponse à la crise peinent à émerger, parce que le pays lui-même est face à une crise sans précédent de la représentation politique.

La société ne se reconnait pas dans le pouvoir en place, qui n’en a jamais pris la mesure pour envisager des nouvelles orientations vers l’ouverture politique et la recherche de nouveaux espaces de dialogue.

La déréliction du pays creuse les antagonismes de la société autour de failles sociales, culturelles et religieuses.

Si les solutions tardent à venir, le ciment qui scelle l’unité du pays risque de céder devant les dynamiques de fragmentation de la société.

A force d’usurper la parole du peuple et de faire de la rente politique l’alpha et l’oméga d’une stratégie politique nationale, le Mali est devenu un contre sens de l’Histoire.

Un système qui fonctionne à sens unique, donc sans espaces de médiation. Le pays va irrémédiablement au mur et à l’affrontement avec la rue car la culture de l’entre soi entretient la frustration, tue tout espoir et entraîne le pays vers l’inconnu et le risque d’éclatement.
Si nous voulons entrer de plain-pied dans la paix, alors il nous faut nous convaincre de l’urgence du changement, et tout faire pour unir les forces patriotiques les plus larges pour inaugurer une nouvelle ère par la mise en chantier d’un débat républicain et démocratique.
Le Président de la République vient de rater ce tournant.

Maintenant qu’il semble avoir fermé le débat sur la révision constitutionnelle, toute la question est de savoir quelle sera la réponse du pays.

Souleymane Koné

Ancien Ambassadeur
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