De plus en plus, le ministre de l’Economie et des finances devient trop léger dans la passation des marchés de l’Etat. Après l’attribution de la 3ème licence de la téléphonie globale par entente directe, c’est l’octroi du marché de véhicules de l’armée à hauteur de 9 milliards Fcfa à un certain Babouya Sylla, en complicité avec certains responsables de l’Amrtp, qui fait jaser.
Décidemment, cette guerre au Mali a fait du bien pour certains citoyens maliens. Elle est devenue un fonds de commerce pour eux. D’autres pensaient qu’elle allait être un alibi pour leurs hobbies d’argent. Comme pour dire que tous «les chiots mordent et défèquent». En clair, il n’y a pas une différence entre les membres du gouvernement actuel et ceux des précédents gouvernements.
En effet, le marché de véhicules de l’armée malienne continue de susciter polémique. Malgré l’alerte de la presse sur les zones d’ombre qui entourent ce dossier, les autorités concernées par le dossier n’arrivent pas à élucider l’opinion nationale sur la question. Le communiqué du ministre de la Défense, pour escamoté qu’il ait été dans ses propos, a davantage plongé les esprits dans le doute. Ce qui fait dire aux gens que sans le holà du Premier ministre, cette affaire était un véritable scandale financier sous prétexte de guerre.
Des tintamarres de procédure
Le marché de véhicule de l’armée est entaché d’incohérence aussi bien sur la forme que dans le fond. Sur la forme, après approbation du dossier par le Conseil des Ministres, un appel d’offres en bonne et due forme devait être lancé. Or, apparemment, Babouya Sylla était déjà choisi par l’autorité contractante, avant que le gouvernement ne soit saisi pour donner sa bénédiction à ce qui, en définitive, n’est autre qu’un gré à gré. La preuve est que le contrat porte la signature du Daf et celle du secrétaire général de l’Amrtp, tous sous le contrôle du virulent Choguel Maïga, mais devenu muet sous le coup de l’argent. Mais heureusement que, pour préserver sa crédibilité, le Premier ministre a rejeté cette pratique du fait accompli.
Non seulement il y a eu une confusion entre le volume des cylindres et la qualité diesel ou essence, adaptés ou non au terrain, mais il ressort aussi que l’autorité supposée contractante n’a certainement pas été très regardante sur la qualité et le professionnalisme du fournisseur. Car Babouya Sylla, connu dans le domaine des céréales ne maîtrise aucunement la fourniture de véhicules, surtout de véhicules spécifiques destinés à l’Armée. Il est loin d’être mieux indiqué pour faire la concession automobile. Par ailleurs, les obligations contractuelles (service après vente, délais de garantie, prix, etc.) mises à part, le caractère novice du céréalier ne plaide pas en sa faveur, à une période où tout est conçu en terme d’urgence, de technicité et donc de rigueur dans la fourniture.
Le fait que le Premier ministre ait renvoyé les concepteurs d’un tel montage à leurs copies a suscité des cris d’orfraie de certains ministres de la transition avec des messages aussi confus qu’obscurs. Parce que la pilule est trop grosse à avaler à l’aide de poncifs relatifs à l’appui au secteur et aux opérateurs privés nationaux.
Ce, d’autant que d’ailleurs, les quelques 9 milliards Fcfa ont été, publiquement, logés au Trésor Public et non ailleurs, en vue de satisfaire d’autres besoins de l’armée, comme le reconnaît le Général Yamoussa Camara dans son communiqué dubitatif du 22 mars dernier. Une destination qui aurait dû éteindre toute contradiction dès lors que l’Armée elle-même reconnaît avoir déjà satisfait ses besoins. Sur ce chapitre, l’Armée malienne dispose de 76 véhicules disponibles et en attente d’affectation. Même les commandos parachutistes qui ont rejoint le front disposent déjà d’une cinquantaine de pick-up six cylindres à essence contre 36 véhicules selon la demande qu’ils avaient exprimée.
L’immixtion de l’Amrtp dans une matière qui lui est étrangère
Par ailleurs, l’Amrtp de Choguel Kogala Maïga, autorité de régulation par essence arbitrale, ne saurait en aucun cas s’arroger une fonction contractante que la loi ne lui confère qu’en matière de fournitures spécifiques à ses besoins propres. Ceci constitue un principe intangible qu’aucune polémique ne saurait soustraire à l’analyse. En l’occurrence, il y a matière à interrogation, dès lors que la neutralité d’une autorité de régulation est mise en cause du fait de son immixtion dans une matière qui lui est étrangère.
De plus, le Fonds d’accès universel des télécoms, d’où le montant a été puisé, n’est pas nécessairement destiné à «faire la guerre» ! Il a fallu, plus tard bien sûr, quand les fonds ont été logés au Trésor Public, amener les deux opérateurs à s’engager pour que cela serve à satisfaire d’autres besoins.
Quand bien même que cela soit, les fonds en question sont d’essence publique et aucune autorité, même indépendante (seulement dans son rôle arbitral) comme l’Amrtp, ne saurait en disposer à sa guise, sans consultation du gouvernement.
Des principes élémentaires que le bon sens aurait suffi à comprendre…
Oumar KONATE