Le Président de la République, garant de l’unité et de la cohésion nationales, hésite toujours à mettre fin à la futile polémique autour de la révision constitutionnelle. Pire, il persiste et signe que le processus de révision continuera qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige. Ni la grande mobilisation du front du Non, ni les réserves émises par la Coordination des Mouvements de l'Azawad (CMA), ni la débandade au sein de la Convention de la Majorité Présidentielle (CMP), ni les différentes rencontres avec les sensibilités socio politiques, ni même la dissension au sein du RPM n’ont dissuadé le Président IBK à retirer son projet de révision constitutionnelle.
Et pourtant, après les concertations avec les différentes sensibilités, les rumeurs avaient fait état de ses bonnes prédispositions à transcender tous les clivages antagonistes pour s’ériger en grand rassembleur en mettant fin à la polémique. Toute chose qui recollerait le tissu sociopolitique en lambeaux. Mais, en lieu et place d’un discours mémorable à la nation pour retirer le controversé projet de révision, l’opinion nationale a plutôt eu droit à des images de la tournée des caciques du RPM et autres partisans du oui sur l’ORTM ainsi qu’à une interview du Président.
Ce qui a laissé pantois tous les observateurs qui avaient prêté à IBK la bonne foi et le souci de préserver la cohésion sociale. Va-t-il se laisser duper par ces images et les slogans d’adhésion entonnés par quelques personnes conditionnées pour poursuivre son projet ? Le Président de tous les Maliens va-t-il se laisser tromper par ces barons du RPM, mus beaucoup plus par la préservation de leurs intérêts personnels et immédiats que par la paix et la stabilité du pays ? Rien qu’à en juger par la composition des délégations et le contenu des messages livrés à Koutiala, comme à Kayes, tout observateur averti arriverait à la conclusion que les dés sont pipés pour le Oui.
Les arguments avancés sont toujours les mêmes à savoir respect de l’engagement, application de l’Accord pour la paix et la réconciliation, création d’une cour des comptes à l’image des Etats de la CEDEAO. Jamais n’ont été démentis les griefs soulevés par le Front An tè A Bana à savoir l’impossibilité d’organiser le scrutin référendaire sur toute l’étendue du territoire, la transformation de notre démocratie en une autocratie par le renforcement des pouvoirs déjà exorbitants du Président de la République, entre autres. Au lieu de répondre sans ambages aux objections, notamment sur les points jugés périlleux pour la démocratie, la paix, la stabilité et le vivre ensemble, les barons du RPM, en tournée à Koutiala et Kayes, vont plutôt s’adonner à des diatribes vexatoires contre les adversaires de la révision.
Le plus risible dans cette histoire est que les partisans du Oui sont entrain de faire campagne sur un texte retoqué par la Cour constitutionnelle et qui doit repasser en seconde lecture devant le parlement. Savent-ils déjà quelle va être la mouture finale des députés ? Nous sommes dans une drôle de démocratie, alors ! Le Président IBK qui devrait être l’ultime recours s’obstine parce qu’il est aujourd’hui pris entre les mâchoires de l’étau.
C’est à dire ses partisans au sein du RPM qui s’agitent pour convaincre les indécis, en lui faisant croire que c’est déjà gagné, d’un côté, et une communauté internationale qui fait de la tenue du référendum une question de survie politique pour le pouvoir. Face à ces deux forces, se dresse une opposition, au sens large du terme, qui a le vent en poupe après ses grandes manifestations. Faudrait-il rappeler au Président que les hommes qui se sont rendus grands et qui ont marqué leur époque l’ont été souvent par une décision difficile mais cruciale. Fort de sa grande expérience politique et tirant les leçons des événements passés, IBK ne doit plus hésiter à retirer le projet de révision.