Dans cette seconde partie de l’interview qu’il a bien voulu nous accorder, Mamadou Bakary Sangaré dit Blaise, Président de la Convention Sociale Democrate (CDS Mogotiguiya), se prononce essentiellement sur l’état de santé de son parti, le concept Mogotiguiya, les futures élections locales et régionales. Aussi cet habitué de la course à la présidentielle évoque la candidature du parti pour 2018. Enfin, il lance un appel au peuple afin que le cycle de violence s’arrête.
Parlez-nous un peu des résultats obtenus par la CDS lors des dernières élections communales ?
Les résultats obtenus montrent que la CDS est en nette progression en termes de conseillers, de maires obtenus et de positionnement du parti à l’Assemblée nationale. On fera cet état de façon plus précise et détaillée pour que vous sachiez que la CDS a un ancrage électoral consistant. L’évaluation est que la progression est nette et visible et même ressentie par l’opinion nationale à travers les activités menées par les élus et les cadres placés aux différents niveaux.
Avec quel état d’esprit vous abordez les futures élections locales et régionales ?
Avec l’état d’esprit qu’il n’y a pas d’alternative à la démocratie et au jeu démocratique sans les partis politiques, sans une bonne implantation des partis politiques, sans programme politique, sans actions politiques pour être plus précis sans engagement politique. Chaque élément que je dis, a son sens parce que les uns n’iront pas sans les autres.
Aujourd’hui nous avons conscience que les partis ne sont pas comme les partis des années 70. Les partis ont évolué dans leur façon d’exister et de gérer. Les partis sont dans la démocratie ce que les entreprises sont dans l’économie. Vous ne pouvez pas parler d’économie, de gestion économique ni d’exploitation, ni de transformation, ni de commercialisation encore moins de prestations sans parler des entreprises ou du savoir-faire des entreprises. En politique aussi, vous ne pouvez rien réussir si vous n’avez pas de groupements d’hommes et de femmes organisés autour de la même volonté politique de faire quelque chose de la même façon pour le bonheur du peuple.
Pour les élections à venir, nous allons encore prouver que l’approche CDS fait partie des bonnes approches, c’est-à-dire l’implantation, l’acceptation, la reconnaissance de nos concitoyens comme autorité de gestion, autorité de direction. Nous avons l’espoir que nous allons repréciser tout cela et montrer notre capacité à nous rallier beaucoup d’autres Maliens comme militants, cadres et sympathisants. Vous pouvez voir cela en extrapolant peut-être deux ou trois fois plus de capacité qu’actuellement.
Sur quoi repose le concept Mogotiguiya ?
Ce concept fait partie des points d’attaque que certains adversaires ont contre nous parce qu’ils le perçoivent comme un pied-de-nez à leur façon de faire.
Le Mogotiguiya repose, comme je viens de le dire plus haut, sur la reconnaissance des autres qui rejaillissent sur les hommes et les femmes qui créent un parti politique. C’est quand les autres voient en vous un des leurs, capable en même temps de les représenter. Vous ne tenez que par la volonté de vos concitoyens et de vos électeurs. Il ne s’agit ni de moyens matériels, ni de moyens financiers, ni d’autres capacités d’influence mais simplement, dès que vous levez le doigt pour dire, allons dans cette direction, vous avez un grand nombre d’hommes et de femmes qui vont suivre parce que vous n’avez que ça. Votre capacité politique réelle, c’est la détention de la confiance des autres.
Les autres vous font confiance et vous n’existez que par ça. Vous voyez le parcours de la CDS ? La CDS est aujourd’hui, (je ne saurais vous dire le seul, car cela reste à prouver), le parti politique qui a toujours été à l’Assemblée nationale, qui a toujours eu des maires, des conseillers de cercle, des conseillers régionaux sans aucune relation avec un quelconque gouvernement. Cela voudra dire que la CDS vit avec seulement les moyens d’un parti politique (moyens humains, matériels, financiers). Jusqu’à la minute où je vous parle, trouvez-m’en un autre ! Il y a beaucoup de partis au Mali qui ont disparu après que leur leader a quitté le gouvernement. Je ne me cache pas pour le dire. Pourquoi la presse ne fait pas cet inventaire ? C’est ça le Mogotiguiya. Bon an, mal an, malgré les vicissitudes, la CDS existe. Parce que la CDS a la confiance de certains électeurs et beaucoup d’électeurs. Nous disons pourquoi ne pas y aller.
De 2002 à maintenant, vous avez fait preuve d’une constance en briguant la magistrature suprême. On est à moins d’un an de la prochaine élection présidentielle. Seriez-vous sur la ligne de départ ?
Vous savez, on ne se présente pas comme candidat par fantaisie. On ne se présente pas comme candidat pour passer ou pour gagner forcément. Autrement dit, le défunt Mamadou Batourou Diaby, un aîné très respecté qui a beaucoup animé la scène politique, a dit que nous sommes 24 à briquer la magistrature, à l’époque, mais il y a un seul qui va passer. Et celui qui va passer, Dieu le connaît déjà. Les 23 autres ne sont pas maudits. Seulement, ils ont fait entendre autre chose. C’est cela qui est important. Le pluralisme nécessite même qu’il y ait d’autres opinions, qu’on propose plusieurs choix aux Maliens. S’il faut attendre d’être sûr de passer pour être candidat, personne n’a parlé avec Dieu. C’est la première des choses.
Deuxième chose : vous avez dit qu’on est à un an de la présidentielle. D’ici un an, il y a beaucoup d’eau qui passera sous les ponts.
Troisième de chose : la CDS peut participer à une élection s’il y a la nécessité de présenter une alternative souhaitable pour le Mali autre que celle des autres. Aussi, la CDS peut participer à une élection sans avoir son candidat propre. Voilà beaucoup de possibilités qui sont à l’étude. La CDS sera présente dans tous les cas de figure possibles, soit avec un candidat d’ensemble, soit avec son propre candidat mais comptez sur la CDS pour être de la bataille parce que vous l’avez dit depuis qu’elle existe, la CDS a cette constance.
Monsieur le Président, en dépit de la volonté du Chef de l’Etat à maintenir le Mali dans le concert des grandes nations, la situation n’est pas facile. Quel est votre message à l’endroit du peuple malien ?
Il y a qu’un seul message. Quand vous dites à l’endroit du peuple malien, je suis partie intégrante de ce peuple. Je ne vois pas une autre partie du monde en dehors de mon Mali. Donc le message que je porte, moi déjà je le porte. Je ne l’adresse pas au peuple mais je le porte. Je le porte en famille. Je le porte dans mon pays. Je le porte à ma nation. C’est de faire en sorte que le cycle de violence s’arrête. Je le souhaite de tout mon être, de toute mon âme, il faut que le cycle de violence s’arrête.
Je ne suis pas opposant de mon pays. Moi je suis opposé aux autres pays parce que maintenant, tous les pays sont en concurrence. Je veux montrer le bon exemple à mon pays mais montrer le bon exemple à mon pays, c’est le changement dans la démocratie, c’est le changement dans la reforme pas le changement dans la violence, pas encourager le cycle de violence.
Donc tout ce qui peut arrêter ce cycle de violence pour faire en sorte que les meilleures idées prennent le pas sur les mauvaises idées, je suis pour ce combat et à ce moment là, je dis que je ne transige pas. Que ça se passe ici entre nous et par nous-mêmes. Voilà le message. Je ne dis pas que vous avez tort, vous avez raison mais l’imbécile est celui qui n’écoute pas, et aussi celui qui l’accuse. Quand je dis imbécile, que les gens m’en excusent, c’est du bon français, je veux dire quelqu’un qui ne voit pas plus gros qu’un bacille. Il faut le préciser, qu’on ne dise pas que j’ai insulté quelqu’un. Sinon l’homme intelligent, sage, surtout le responsable écoute toujours le contraire de son opinion. C’est pour se faire une idée.
Je rappelle en concluant, une notion philosophique. La notion philosophique est qu’il y a quelqu’un qui est parti voir un gorille. Il s’amusait à jeter des choses au gorille et à le leurrer. Un moment, le gorille en a eu marre et lui a tourné le dos. Pour l’attirer cette fois-ci, il lui a donné une banane mais avant de la lui donner, comme il s’était moqué du gorille, il a épluché la banane dans le sens de la tige et il l’a mangée en se moquant de lui. Au moment où il lui a donné une autre banane, le gorille la prise et a commencé à l’éplucher dans le sens du bas pour lui montrer le contraire. L’homme est rentré à la maison mais il ne parvenait pas à dormir. Il se demandait, si le gorille qui est plus proche de la banane, sa manière n’était pas meilleure à la sienne.
Donc voyons toujours le contraire des choses. L’homme intelligent écoute toujours celui qui apporte le contraire, qui lui apporte la contradiction parce que c’est de cela qu’il a la lumière. Ce que vous pensez, vous le pensez déjà, mais vous ne savez pas ce que l’autre pense. Donc je crois que c’est une leçon que je dois donner pour inviter le peuple à sortir du cycle de violence et procéder désormais au changement par le vote et la reforme et non par la violence.
Propos recueillis par Chiaka Doumbia et Bourama Camara
Source: Le Challenger