Nul besoin d’être dans le secret des Dieux pour mesurer la situation fragile dans laquelle se trouve le secteur de l’enseignement supérieur malien aujourd’hui. Au delà de la stabilité relative que l’on constate dans les différentes structures, compte tenu du déroulement normal des cours, plane, comme une épée de Damoclès, le spectre d’une énième année académique menacée. Si les arguments pour justifier cet état de fait ne sauraient manquer ; il convient cependant de se demander si les autorités en charge du secteur auront les stratégies et moyens nécessaires pour y remédier ?
La situation des enseignants toujours au statu quo…
De la suspension du mot d’ordre de grève illimitée des différents syndicats d’enseignants, suite à l’institution de l’état d’urgence et au déclenchement du processus militaire de reconquête du Nord, à nos jours…un constat se dégage : les revendications posées par les enseignants n’ont pas connu d’avancées significatives. Pire, la situation du secteur s’est dégradée dans certaines structures. Disons en d’autres termes, et sans ambages, que les autorités en charge de la question n’ont pas su profiter de la situation pour, à défaut de satisfaire les différentes revendications, rétablir un climat de confiance avec l’ensemble des acteurs concernés. Et pour conséquence : le SNESUP, au regard de sa lettre adressée au ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, semble vouloir changer de fusil d’épaules. Le syndicat se dit prêt à réactiver son mot de grève illimitée si ses doléances ne sont pas prises en compte à savoir la signature du nouveau Protocole sur les accords du 6 mars 2012, le paiement immédiat des heures supplémentaires 2011-2012 dues aux Facultés et aux Instituts universitaires, pour ne citer que ceux-ci. A la lumière de l’immobilisme dissonant, sur fonds de négligence et d’impuissance, dont le gouvernement a fait montre vis-à-vis des questions relatives de l’école et qui ne sauraient s’expliquer par la situation actuelle du pays ; force est de reconnaitre qu’il est entrain de donner une occasion en or au SNESUP pour replonger dans ce que la force de la conjoncture a désormais qualifié de sa matière principale : ‘’la grève sans limite’’. S’il est établi que lorsque les éléphants se battent, les fourmis en pâtissent…autant dire que les étudiants devront s’attendre à des moments difficiles en plus de ceux qu’ils traversent actuellement avec les coupures intempestives et le retard des trousseaux et bourses.
Les étudiants, sans trousseaux ni bourses…
En dehors du mécontentement des enseignants, subsiste un autre facteur de perturbation des cours dans nos facultés et grandes écoles : l’impatience des étudiants. Nul besoin de rappeler que ces derniers, dans des situations à la limite catastrophiques pour certains d’entre eux notamment ceux qui n’ont aucun parent ou tuteur à Bamako, se retrouvent dans une double situation de précarité financière et de démotivation morale. Dans un pays où les 99% des grèves des étudiants sont d’ordre financier, doit-on admettre que les autorités ne réagissent que lorsque la situation s’empire ? Il s’agit ici d’attirer l’attention sur la nécessité d’anticiper sur des problèmes dont les causes et les conséquences sont d’ores et déjà connus d’avance, plutôt que de les laisser s’envenimer. L’indignation des étudiants est telle, qu’il faudra, à défaut de débloquer leurs sous, mener des actions de sensibilisation afin de les rassurer et prévenir toute action de violence. Dans des facultés, l’expression de la colère est déjà en marche avec le boycott de certaines activités pédagogiques comme les inscriptions. En cas de non satisfaction, ce serait le tour des cours qui seront suspendus, ensuite la violence avec des risques quasi-certains de contagion. Encore que tout cela est gérable avec une réelle volonté politique axée bien entendu sur l’anticipation, la communication et la responsabilité.
Les échéances électorales : un danger pour la stabilité du secteur…
En plus des menaces d’ordre interne, les futures échéances électorales représentent également un danger pour le secteur de l’enseignement supérieur. Les périodes électorales ont toujours été des moments propices pour alimenter la confusion au sein des universités. Les amphis se transforment le plus souvent en lieux de meeting du fait des enseignants et étudiants politiciens. Le calendrier initialement prévue pour le mois de juillet coïncide avec les examens de plusieurs structures. L’instrumentalisation du secteur et des différents acteurs pour des causes politiques est si évidente, qu’il faudra prendre des mesures très importantes pour limiter les risques et sauver l’année académique. Il convient, pour ce faire, aux autorités administratives en charge des structures universitaires de prendre les dispositions y afférentes. Lesquelles nécessitent une meilleure utilisation du temps dont ils disposent actuellement avec l’installation de groupes électrogènes pour palier aux coupures récurrentes, l’instauration d’un climat de confiance et d’une synergie d’actions entre les différents acteurs, la programmation des évaluations de fin d’année avant la tenue des élections et bien entendu l’instauration d’un code de bonne conduite susceptible de tenir les structures universitaires à l’écart des querelles politiciennes sans pour autant censurer le débat politique qui demeure un outil essentiel dans la formation des étudiants.
En dépit de toutes ces menaces qui planent sur l’année académique en cours, il est important de souligner que les conséquences dépendront des réponses apportées par le département de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Au delà du leadership de ce dernier en termes d’action, d’anticipation et de responsabilité, s’imposent à tous les autres acteurs un minimum de bon sens et une certaine objectivité morale. L’année est certes menacée, mais pas pour autant irrémédiablement compromise pour le moment !