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Exploitation abusive des forêts et la vente anarchique du charbon : La faiblesse de l’Etat et le mea culpa des agents des eaux et forêts
Publié le vendredi 18 aout 2017  |  La Lettre du Peuple
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Le monde vit sa survie. Outre les maladies épidémiologiques et pandémiques l’humanité fait face à un grand fléau naturel dénommé les effets du changement climatérique, mettant en péril les espèces animales et végétales. Aujourd’hui, c’est dommage de constater que le principal ennemi de la nature n’est autre que l’homme qui l’exploite abusivement. Pourtant, l’homme et la nature sont indissociables. L’avenir de l’un dépend de l’autre. D’ailleurs ne dit-on pas que l’homme le produit de son milieu naturel.
De ce lien, la préservation de l’environnement incombe à l’homme. Hélas, ce gardien semble abandonner son devoir. Pire, au delà de la pauvreté, attirés par le goût de l’argent facile, les humains n’hésitent pas une seconde à couper tout sur leur passage. De nos jours, on coupe abusivement le bois. Chacun est devenu exploitant de charbon, ou vendeur de bois, en violation de toute législation. Malheureusement, ces pratiques se font au vu et au su des plus hautes autorités. Pendant ce temps, la déforestation gagne du terrain et la sécheresse se propage. Que dire des feux de brousses criminels ? Conséquences : de plus en plus le bois se fait rare et le charbon devient cher.
Malgré tout, les marchés et les abords des localités traversées par des autoroutes sont pris d’assauts par des stocks de charbons et de bois. Sur les voies publiques, ce sont des camions et minicars surchargés de bois et de charbons qui perturbent souvent la circulation et occasionnent d’accidents de routes. Pour le citoyen lambda, pas besoin de chercher très loin le fautif. Au banc des accusés, le principal présumé coupable n’est autre que l’agent des eaux et forêts qui sont en contact direct avec les populations.
Doit-on leur faire porter le chapeau de ces abus sur la nature ? Qu’est ce qui explique cette situation inquiétante ? Ont –ils les moyens nécessaires pour mener à bien leur mission ? Ces agents sont t-ils protégés ? A l’analyse de ces interrogations, apparaissent donc les difficultés que rencontrent ces soldats de la nature. Face à cette situation, votre hebdomadaire de référence s’est intéressé au sujet et mener son enquête pour dévoiler ce qui fâche.
A tout seigneur, tout honneur, votre fidèle serviteur s’est d’abord rendu au ministère de l’Environnement de l’Assainissement et du Développement durable. En l’absence du conseiller technique chargé de la question, le secrétariat général du département s’est déchargé sur la Direction nationale des Eaux et Forêts, cheville ouvrière chargé de la mise en œuvre de la politique nationale de la protection de la nature. Que nous cache t-on ? Sur cette base d’orientation, la prochaine étape était déjà connue.
De cette manière, votre serviteur s’est transporté à la Direction nationale des Eaux et Forêts bâtie sur un gigantesque espace à N’Tabacoro. Nous avons d’abord cherché à rencontré le directeur national. On nous a informé de son absence sans autre détails. Quant au directeur national adjoint, il était en réunion. Devant notre insistance à avoir un interlocuteur digne de ce nom, nous avons été finalement mis en contact avec le Colonel des Eaux et Forêts, Abdoulaye Tamboura, Chef du Bureau des Services Généraux à la direction nationale des Eaux et forêts.
De son point de vue sur l’exploitation abusive de la forêt, l’officier supérieur des Eaux et forêts a précisé que le problème si situe à plusieurs niveaux. D’abord, il a évoqué le volet de surveillance. Sur ce point, il a rappelé que l’effectif des agents est très insuffisant par rapport à la superficie.
Au colonel de poursuivre en disant que : « les agents n’atteignent pas là où ils doivent aller normalement. C’est pourquoi, on remarque des postes sur le goudron. Normalement, un poste forestier est l’équivalent d’un arrondissement ou de deux communes. Il faut 3 éléments dont un technicien et deux agents techniques. Mais il est très fréquent de voir un seul agent par deux ou trois arrondissements ». Selon le Col Tamboura, il y a aussi un problème de moyens roulants, les motos par exemple.
Pour lui, pour qu’un agent puisse parcourir toute sa zone, il lui faut qu’il y ait forcement un moyen de déplacement. A ce niveau, il a indiqué que l’Etat est en train de fournir beaucoup d’efforts. Aussi, il a mis l’accent sur la contribution de l’Etat en ce qui concerne la révision du statut particulier des fonctionnaires des Eaux et forêts qui a permis aux agents d’atteindre un certain niveau dans le grade. Même si cela n’est pas rémunérer, il dira que cette disposition répond à un besoin de satisfaction morale.
Ces derniers temps, l’Etat est entrain de donner beaucoup de moyens pour l’habillement. Cela permet de motiver les agents malgré leur infériorité numérique par rapport à leur mission. Abordant le facteur de la pauvreté, le Colonel Tamboura a fait comprendre qu’au Mali, le commun des gens pensent que la forêt est un don de Dieu. Il s’explique : « de ce fait, beaucoup de personnes pensent que quand on a rien, il faut s’abattre à la forêt pour avoir de quoi vivre, et en occurrence le bois. Surtout en milieu rural, lorsqu’il n’y a pas de récolte et autres activités génératrices de revenus, on coupe le bois pour venir chercher à manger ».
Malheureusement de l’autre côté, souligne t-il, il y a l’effet néfaste des changements climatiques qui se caractérise par la sécheresse, le manque de pluie. Comme conséquence, il maintient que c’est pourquoi, on ne trouve que des brindilles dans les marchés. Or, affirme l’officier supérieur, les normes veulent que le diamètre de l’arbre doit atteindre au moins 10 cm pour qu’il soit couper. Cela veut dire que les arbres n’ont plus le temps de grandir.
Le nouveau phénomène criminel !
A tout ça, le colonel Abdoulaye insiste sur un nouveau phénomène très dangereux s’est crée et qui prend de l’ampleur. C’est le gain rapide et facile. Toutefois, il a déclaré qu’autant, il y a des bons agents, mais il faut reconnaitre aussi qu’il y a des mauvais agents. C’est la vérité, les deux catégories existent, a-t-il soutenu. A en croire Tamboura, il y a des agents excellents, quand bien même avec des maigres moyens, arrivent à faire des bons résultats. De l’autre côté, il déplore l’attitude de très mauvais agents qui n’ont pas la conscience de la réussite de leur mission.
Selon lui, tous ces facteurs sont aggravés par la complicité des élus. A ce titre, il a noté qu’un terme est apparu dans l’exploitation de bois communément appelé en langue bambara «Tou tiguè sara » ou prime de la coupure de bois, payée aux élus responsables locaux. Dans certains cas, c’est le chef de village, a-t-il ajouté. Ces personnes perçoivent ces fonds dans l’illégalité. A l’entendre, il n’y a aucun texte au Mali qui institue cette prime. Par exemple, a-t-il expliqué, « si un camion coute 10 000 FCFA, vous allez trouver ce « Tou tiguè sara » est évalué jusqu’à 50 000 FCFA ».
Avant d’indiquer que : « Ceux qui doivent lutter pour sauvegarder ces ressources, sont ceux-là qui s’enrichissent à travers à cette pratique illégale. Dans le temps, on avait introduit les marchés ruraux de bois pour aménager et délimiter les forêts, mais ils ont échoué pour mauvaise gestion. On a été obligé de sursoir à cette initiative. Mais la pratique la plus dangereuse, c’est l’exploitation des bois qui servent à faire des meubles à savoir les lits, tables armoires et autres.
Cela est aggravé surtout par l’exportation de ces bois vers l’extérieur, comme l’Asie. Or, ces pays ont plus de forêts que nous, mais ils préfèrent sauvegarder leur environnement. Il n’ ya pas de commentaire, cela est une criminalité. Tout cela est entretenu par nos exploitants locaux avec la complicité des élus municipaux».
S’agissant du charbon, il a fait comprendre que compte tenu de la démographie des villes, les femmes préfèrent préparer avec le charbon qu’au bois. Le charbon est un grand danger, a soutenu le Colonel Tamboura. De ses explications, pour faire un 1kg de charbon, il faut au moins 7 kg de bois. A l’en croire, plus de 90% des Maliens utilisent le bois ou le charbon. Tous ces facteurs sont aggravés par l’utilisation du bois par les boulangers.
En termes de résolutions, le Chef du Bureau des Services Généraux à la direction nationale des Eaux et forêts, met l’accent sur le reboisement pur et dur. Selon lui, beaucoup d’expériences attestent que le reboisement peut réussir. Il a fait allusion à la forêt de la Faya et du Mont Mandingue, toutes plantées à la main. Mais il reconnait que ces grandes plantations sont dans des états de dégradations très poussées à cause de l’exploitation abusive.
Pour renverser la tendance, Tamboura estime qu’on aille à la production des bois pour la consommation traditionnelle. Il a estimé que : « chacun fasse son champ de plantation pour sa consommation de bois. Avec cela, le problème pourrait être atténué. En plus de ce paramètre, aussi, il faut la reconversion des mentalités pour aller vers de nouveaux comportements.
Pour cela, il faut davantage inculquer la culture des foyers améliorés, qui permettent de réduire considérablement la consommation. Ce sont des mesures d’accompagnement qu’on peut réalisées ». Le service forestier est dans la dynamique de refaire tout cela. Pour finir son commentaire, il dira que la politique de couverture végétale très précieuse qui vient d’être adopté va vraiment nous permettre d’amoindrir les effets néfastes du changement.
Et les agents de terrain ?
A H Touré est Adjudant des Eaux et forêts, agent de cantonnement. Elle estime que ne devient pas agent des eaux et forêts, qui le veut. Selon elle, le Mali est un pays toujours ancré dans le respect de la tradition. « Nous exerçons ce métier au prix de notre vie »,a-t-elle déclaré, ajoutant qu’il faut être dans la boite pour comprendre cette réalité. Elle a ensuite renchéri : « Lorsque j’entends les critiques contre nos camarades, je me dis que seul l’amour du pays doit primer. Ce qui est vu à la télé et écouté sur les ondes est une chose.
Mais ce que les agents de terrain vivent est une autre. En choisissant ce corps, c’est accepter de mourir. Les chefs savent de quoi, je parle. Les exploitants de bois et de charbon sont méchants. Ils vous tuent, c’est cela la réalité. Même les chauffeurs de bois ou de charbon n’hésitent à te jeter des sorts, lorsque vous tentez de les rappeler à l’ordre. La mort rode toujours autour de nous. Ces gens ne vont jamais arrêter de couper les arbres, malgré les projets de sensibilisation ». Pour Adjudant Touré, la forêt de la Faya est une coquille vide.
« Celui qui ne croit pas à la sorcellerie ou aux trucs maléfiques, il n’a qu’à intégrer ce corps », prévient-elle. Elle prétend que l’autre vérité, c’est que les moyens de déplacement font défaut. « Chaque cantonnement doit avoir au moins deux véhicules pour faire les patrouilles. Il y a insuffisance de ressources humaines sans oublier le manque d’armes », a conclu la dame. Question : Où est passée l’autorité de l’Etat. Regardons juste chez nos voisins du Burkina ou du Niger.
Devant cette situation catastrophique, le constat amer qui s’affiche, c’est l’impunité. L’Etat a-t-il démissionné. En tout cas, si rien n’es fait, dans quelques décennies le désert aura totalement raison de notre environnement. En ce moment, il serait trop tard.

Enquête réalisée par Jean Goïta
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