Dans "Résistance" leur nouvel album, les quatre garçons ne tournent pas autour du pot ! Ils appellent à la désobéissance du peuple malien face au politique.
Comme les Beatles ils sont quatre, les trois Touré – Garba à la guitare, Oumar à la basse, Aliou au chant –, plus le batteur Nathanaël Dembélé. La comparaison avec les quatre garçons dans le vent s'arrête là. Les Songhoy blues n'ont pas grandi vers les docks embrumés de Liverpool, mais du côté du brûlant Sahara, qu'ils célèbrent sur un titre avec Iggy Pop, « un haut gradé de la musique comme Michael Jackson et Bob Marley » – s'enorgueillit Aliou Touré – qu'ils n'ont malheureusement pas rencontrés en chair et en os.
Contrairement à Elf Kid, un rappeur côtoyé à Londres qui a posé sur « Mali-Nord », après avoir « remixé » un de leurs anciens titres « Irganda ». L'énergie punk et rebelle de ces fans de Led Zeppelin s'est exprimée notamment mi-juillet au festival Afropunk de Paris, électrisant un public métissé, constitué de jeunes afropéens (double culture européenne et africaine, concept développé par l'écrivaine franco-camerounaise Léonora Miano, NDLR) Ce public arborant des afros, assoiffé de liberté, revendique l'égalité et l'émancipation pour toutes les minorités. Inscrit dans cette mouvance, Résistance, le dernier album de Songhoy Blues, est un objet musical contestataire sur le plan politique qui résonne avec l'actualité malienne : l'enjeu électoral de 2018 que le groupe appelle carrément à boycotter sur le titre « Voter ».
Quatre rebelles à Bamako
Point de hasard à cela. Le quatuor engagé, originaire de Diré, Tombouctou et Gao s'est constitué... à Bamako sur les braises encore chaudes de ce qu'on a appelé pudiquement les « événements », c'est-à-dire la guerre du Mali survenue en janvier 2012. « Les djihadistes ont pris l'extrême-nord du pays : Aguelhoc et Kidal », se remémore Aliou Touré. « Quand ils sont arrivés à Gao j'ai été le premier du groupe à partir. Oumar le bassiste était encore à Gao. Garba était à Tombouctou. J'étais à Gao alors même que les djihadistes n'étaient qu'à deux cents kilomètres de la ville. Je suis allé à Bamako et quelques jours après j'ai appris que les villes étaient tombées entre leurs mains. Juste avant l'arrivée de l'armée française. » Il s'agit en l'occurrence de l'opération Serval déclenchée en janvier 2013 puis remplacée par l'opération Barkhane en août 2014. « Les djihadistes commençaient à avancer vers le Sud », poursuit-il. « Ces gens bannissaient toutes formes d'activités jugées soi-disant haram [interdites, NDLR]. Tout était fermé, les lieux de vie qui vendaient de l'alcool, les cigarettes, les cabarets... Il y a eu un déplacement massif des populations du Nord, les musiciens, les sportifs... Nos villes ne sont pas si peuplées que ça. Les jeunes se connaissent entre eux. J'ai connu mes camarades à l'université, avant la crise. Quand on s'est retrouvés à Bamako, on s'est dit : Mon ami, comment vas-tu ? Je suis arrivé hier. Moi, il y a une semaine. On s'est retrouvés à jammer dans un club. Le lendemain, on a joué au mariage d'une de mes cousines. On n'avait même pas de répertoire, mais les gens ont apprécié. On faisait des reprises de chansons connues d'artistes comme Ali Farka Touré... »
Le son d'une piscine
Grâce à la complicité du guitariste du groupe Yeah Yeah Yeah, Nick Zinner, membre du projet Africa express, initié par Damon Albarn, qui a « poli » leur son unique, les Songhoy Blues accèdent rapidement à la reconnaissance internationale : « On a fait des maquettes dans le studio d'un oncle, Barou Diallo, ex-bassiste d'Ali Farka Touré. C'est lui qui nous a informés que Damon Albarn et Africa express étaient à Bamako à ce moment-là. Il était ingénieur du son pour eux à Bamako. Il nous a mis en contact avec Marc-Antoine Moreau qui nous a inscrits à un casting. Le lendemain, il nous a parlé d'un membre d'Africa express, Nick Zinner, qu'on ne connaissait pas plus que Damon Albarn. On a enregistré une première prise de Soubour au studio Bogolan. Nick a réglé le son lui-même. De retour à Londres, Damon a écouté le produit fini et nous a fait venir. On a atterri à Londres, un 8 décembre. Il neigeait. C'était un monde nouveau pour nous ! On a joué à l'Oval space à Shore Ditch. Le label Transgressive, qui a distribué la compilation Maison des jeunes produite par Damon, nous a signés. Son directeur nous trouve intéressants parce qu'on ne sonne pas comme tous les groupes africains. » C'est d'ailleurs dans la capitale anglaise que Songhoy Blues a enregistré Résistance, en s'isolant pendant un mois avec le producteur Nick Comber au studio Pool de Londres. Comme son nom l'indique, le Pool est une ancienne piscine reconvertie en studio d'enregistrement. Le résultat : un son majestueux, presque live qui nous porte sans nous noyer... ça tombe à pic pour une piscine !... suite de l'article sur Le Point