Après son renvoi le mercredi 9 août dernier à la demande des avocats de la partie civile pour l’absence des témoins, le procès de l’ex-commissaire islamique du Mujao Aliou Mahamane Touré s’est enfin tenu le vendredi 18 août dernier à la Cour d’Appel de Bamako. Inculpé pour atteinte à la sureté intérieure de l’Etat, association de malfaiteurs, détention d’armes de guerre, coups et blessures aggravés, l’homme que tout le monde surnommait le ‘’coupeur de mainsdu MUJAO’’a été condamné à dix (10) ans de prison ferme.
Office central de lutte contre l'enrichissement illicite: COMMENT REMPLIR SA DÉCLARATION DE BIENS ?
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En effet, les faits remontent à l’occupation des régions du Nord du Mali par les terroristes courant 2012. Aliou Mahamane Touré se fait recruter dans les rangs du Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO). Après avoir appris à manier les armes, il fut doté entre autres, d’un pistolet mitrailleur (PM) à crosse rabattable n°9270, d’un pistolet automatique(PA) n° 6282 calibre 7,65mm, de minutions et d’un ‘’talkie-walkie’’, avant d’être désigné commissaire islamique de la ville de Gao.
Selon les faits rapportés par l’enquête judiciaire, en sa qualité de commissaire islamique, il faisait subir aux populations de Gao et environnants, de nombreuses atrocités et exactions (flagellations et amputations) et en pillant leurs biens. Interpellé par les éléments de la compagnie méhariste de la Garde Nationale le 23 décembre 2013, puis conduit au détachement prévôtal de Gao, il a reconnu s’être affilié aux membres du Mujao pour combattre le Mali tout en prônant l’application de la « charia » au cours d’une enquête diligentée par cette unité.
Considérant sa déclaration d’avoir volontairement adhéré au Mujao, matérialisée par ses nombreux déplacements avec les membres dudit mouvement dans tout le désert du Sahara malien (Tabankort, dans la commune de Tarkint, Araouane, dans la région de Tombouctou ensuite vers la frontière algérienne pour se replier vers Tamba), il est établi qu’il a adhéré et participé aux activités et agissements du Mujao en tant que commissaire islamique. Avec pour mission de ‘’sécuriser’’ la population, d’empêcher la délinquance en conduisant les personnes arrêtées devant le juge islamique, aussi en imposant aux boulangers, une réduction du prix du pain. De même, pour mieux accomplir sa mission, il a été doté de moyens notamment des armes de guerre, des munitions et autres instruments.
C’est fort de toutes ces preuves que la chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Bamako, a poursuivi l’accusé en retenant des charges suffisantes contre lui à savoir :atteinte à la sureté intérieure de l’Etat, association de malfaiteurs, détention d’armes de guerre, coups et blessures aggravés. Des faits prévus et punis par le code pénal en ses articles 45, 175, 207 alinéas 2 et 3 et l’article 43 de la loi n° 4-050 du 12 novembre 2004 régissant les armes au Mali.
Les victimes soulagées, Aliou Mahamane Touré craque à la barre
Le vendredi 18 août dernier, c’est aux environs de 9heures qu’Aliou Mahamane Touré a fait son entrée dans la salle d’audiences de la cour d’Appel de Bamako, vêtu de blanc, amaigri, presque méconnaissable. Les avocats de la défense, composés de Me Maliki Ibrahim Maïga, Bréhima Kanté, Tièssolo Konaré et Aliou Abdoulaye Touré, ont souhaité un autre renvoi pour la prochaine session mais sans succès. Après l’opposition des avocats de la partie civile dont Me Waly Diawara, OnghatiéSanogo et Me Mariko, le parquet, à son tour, a rejeté le renvoi.
« Salam Oualékoum à tout le monde ! Je ne reconnais pas tous les faits M. le président. Je vous présente toutes mes excuses. Je suis malade ! Je suis malade ! Très malade!», a laissé entendre l’accusé à la barre. Avant de bénéficier de l’assistance de la cour qui lui a permis de s’asseoir durant sa comparution.
L’accusé a affirmé ne pas reconnaître tous les faits qui font l’objet de son inculpation. Selon lui, depuis 1990, ils étaient avec les rebelles et ce sont eux qui ont créé le groupe ‘’Gandakoye’’ où il a appris à manier les armes.
« Quand les membres du MUJAO sont venus à Gao, ils ont combattu notre armée. J’ai fait héberger 6 militaires chez moi avant de les faire sortir de la ville. Le gouvernement devrait me payer pour cela. Nous étions 15 à passer un examen avec le MUJAO et j’ai été 1er. C’est pourquoi, j’ai été nommé commissaire. J’ai pris les armes pour sécuriser ma population. J’ai sauvé les biens de l’Etat malien des mains du Mnla. Je n’ai coupé les mains de personne. Ce sont les membres du Mujao qui ont commis les amputations. Mais, c’est nous qui amenions les gens sur les lieux d’amputation», s’est-il défendu.
D’après lui, il a choisi le Mujao pour se défendre contre le Mnla. Mais ce qu’il n’arrive pas à comprendre, c’est le fait que le commandant de zone, Yoro et le juge islamique, Hamadi, ses chefs hiérarchiques et compagnons de cellule ont été libérés et sont actuellement à Gao. Or lui et ses 140 policiers (maliens, mauritaniens et algériens) étaient sous leurs ordres et dont leurs salaires étaient payés par Abdel Hakim et d’autres. Il a aussi cité d’autres chefs dont Ahmed Tilemsi et Habdada tous absents. Selon lui, c’est parce qu’il est pauvre qu’il est jugé ainsi.
Concernant la réduction du prix de pain imposée aux boulangers de la localité, il a nié cela tout en indiquant qu’à l’arrivée du groupe terroriste, la tonne de farine était cédée à 175.000FCFA au lieu de 400.000FCFA environ. C’est pourquoi, il a sollicité une réduction du prix par consentement.
C’est vers 22heures dans la soirée que la cour, après avoir entendu les témoins : un mécanicien victime et une femme dont quatre (4) de ses enfants ont été amputées, s’est retirée pour délibérer. Aliou Mahamane Touré a été reconnu coupable et condamné à 10 ans de réclusion avec des circonstances atténuantes.
Moussa Sékou Diaby