Dans son adresse à la Nation, vendredi dernier, à la télévision nationale, aux environs de 22 heures, IBK disait avoir décidé de surseoir au référendum sur la révision constitutionnelle à la demande des leaders religieux, des notabilités, de l’opposition et des associations de la société « servile »…
Mais à l’analyse, trois raisons principales semblent justifier sa décision de surseoir au projet de révision constitutionnelle. Qui a fait couler beaucoup de salive. Et user tant de babouches.
La première est la « radicalisation » du combat, entrepris depuis deux mois par les leaders de la Plateforme « An Tè A Bana – Touche pas à ma constitution ».
Prévue pour mercredi 16 août 2017, au lendemain de l’ultimatum lancé à IBK, la grande marche de la Plateforme avait pour objectif de remettre au président de l’Assemblée nationale le document de « mise en accusation d’IBK pour haute trahison ».
Selon les leaders de la Plateforme, IBK se serait rendu coupable de « trahison », en violant l’article 118 de la constitution. Lequel stipule qu’aucune modification de la constitution n’est admissible. Du moins, quand une partie du territoire national est occupé.
Sous peine de se voir trainer devant la Haute Cour de justice, IBK a vite fait de dépêcher les leaders religieux auprès des leaders de la Plateforme. Objectif : les persuader de reporter leur marche, à l’issue de laquelle ils devraient franchir un nouveau palier dans leur combat : exiger de l’Assemblée nationale, à travers la Haute Cour de justice, la « mise en accusation d’IBK pour haute trahison ».
Même si la Plateforme a accepté de reporter sa marche au samedi 19 août, IBK aura pris la mesure du danger qui menaçait son régime.
La seconde raison du recul d’IBK s’explique par sa peur bleue de voir les syndicats entrer dans la danse. Tous deux membres de la Plateforme « An Tè A Bana – Touche pas à ma constitution », les deux grandes centrales syndicales – la CSTM (Confédération Syndicale des Travailleurs du Mali) et l’UNTM (l’Union Nationale des Travailleurs du Mali) – n’attendaient, dit-on, que le « mot d’ordre » de la Plateforme pour lancer la « journée de désobéissance civile » promise au pouvoir par la Plateforme. Du moins, s’il passait outre leur « ultimatum ».
De leur côté, l’UNTM et la CSTM entretiennent, depuis plus d’un mois, un bras de fer avec IBK. Au cœur de leur différend : l’obligation faite à certains fonctionnaires de l’administration publique, par l’Office Central de Lutte contre l’Enrichissement Illicite, de déposer dans les brefs délais auprès de cette structure, la liste de leurs biens. L’UNTM et la CSTM auraient, de sources concordantes, instruit à leurs militants de ne pas s’exécuter. Sous peine, disent-elles, de sortir de leur « réserve ». Comprenne, qui pourra !
Enfin, la contestation de la révision constitutionnelle par la CMA (Coordination des Mouvements de l’Azawad).
Pour IBK et ses « souteneurs », l’objectif principal de la révision constitutionnelle est de permettre la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale à travers, notamment, la création d’un Sénat.
« Nous ne sommes pas d’accord que l’on dise que l’on révise la constitution pour prendre en compte des aspects de l’accord. Le projet ne prend pas en compte l’accord », disait Bilal Ag Achérif, président de la CMA dans une interview, accordée à des confrères de la place, et largement relayée par les autres médias.
Et de conclure : « Nous ne nous reconnaissons pas dans ce projet de révision constitutionnelle ».
Autre raison et non des moindres du recul d’IBK : la montée de la colère des populations face à la mal gouvernance, dont le pays fait l’objet ; mais aussi, le pillage des finances publiques, orchestré par certains proches, voire très proches, du pouvoir. En toute impunité.
Comme on le voit, IBK n’a pas sursis à son projet de révision constitutionnelle pour les beaux yeux des Maliens, ni pour faire plaisir aux leaders religieux, aux associations de la société civile et aux notabilités ; mais pour sauver son pouvoir. Ou ce qui en reste. Car, nul ne peut prévoir ce qui adviendrait de notre pays, à l’issue d’un mouvement de « désobéissance civile ». Ou d’une « grève générale illimitée », lancée par les deux centrales syndicales : l’UNTM et la CSTM.
« Nous avons gagné une bataille, mais pas la guerre. Le combat continue. Ce combat portera contre la corruption, pour le développement et la sécurité sur toute l’étendue du territoire national », a averti Ras Bath, porte-parole de la Plateforme « An Tè A Bana- Touche pas à ma constitution ».
IBK sait, désormais, à quoi s’en tenir.