Le président nigérien, Mahamadou Issoufou s’est rendu à Gao, au Mali, le samedi 6 avril. C’est le premier chef d’État à avoir visité la grande ville du Nord-Mali depuis sa libération.
Gao, samedi 6 avril au petit matin. Mahamadou Issoufou est le premier chef d’Etat à fouler le tarmac de l’aéroport de la grande ville du nord malien depuis qu’elle a été libérée fin janvier du joug du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). Cela ne doit rien au hasard : Niamey est la capitale la plus proche de Gao – à peine 400 km par la route, alors que Bamako se trouve à 1 200 km. Surtout, c’est ici que les troupes nigériennes sont basées depuis leur incursion en territoire malien, fin janvier.
L’aéroport abrite toujours le gros des troupes françaises, qui en ont fait leur base principale dans le Nord, mais ce matin, ce sont les soldats maliens et nigériens qui sont au garde-à-vous au bord de la piste. On y trouve également quelques officiers français, dont le général Bernard Barrera, le commandant des forces terrestres de l’opération Serval.
Accompagné de son ministre de la Défense, Karidio Mahamadou, et de plusieurs membres de l’état-major de l’armée nigérienne, Issoufou passe les troupes en revue. A la veille du deuxième anniversaire de son accession à la présidence, le 7 avril 2011, il lui semblait nécessaire de « saluer le contingent nigérien » et, « au-delà, d’apporter (ses) félicitations et (ses) encouragements à l’ensemble des contingents français, tchadiens et ouest-africains ». Car, dit-il sur la piste nimbée du sable soulevé par l’harmattan, « c’est un excellent travail qui est en train d’être fait » dans le nord du Mali.
Plus tard, au cœur de la ville qu’il a gagnée sous bonne escorte, au sein de la base de la Mission de soutien au Mali (Misma) où stationnent les Nigériens depuis plus de deux mois, il répètera sa fierté à ses troupes : « Grâce à vous, le Niger a assumé ses responsabilités face à l’Histoire. Grâce à vous, nos frères et sœurs de Gao vaquent tranquillement à leurs occupations. » Cela n’a pas toujours été vrai. En février et mars, les jihadistes ont tenté plusieurs incursions dans Gao, et des combats acharnés les ont opposés, en plein centre-ville, aux soldats maliens, français et nigériens. Des civils (la plupart atteints par des balles perdues) en sont morts. Des soldats maliens aussi. Pas de Nigériens.
Depuis quelques semaines, « la situation est calme », confie un sous-officier nigérien à l’entrée de l’une des pièces surchauffées qui servent de chambrées à ses hommes. « Malgré tout, poursuit le président devant ses troupes, la menace n’est pas totalement jugulée. » Le président ne le sait que trop, alors que les Nigériens assurent la sécurité de deux autres zones particulièrement exposées : dans les environs d’Ansongo et de Ménaka, où ils ont été envoyés ces dernières semaines, l’on compte de nombreuses poches jihadistes.
Des soldats efficaces et fiables
Issoufou peut être fier de ses hommes. Selon la confidence d’un officier français, les 675 Nigériens envoyés au front ont pour l’heure démontré une grande efficacité. « Avec les Tchadiens, ce sont les seuls qui sont en mesure de combattre les terroristes. Nous n’avons en outre aucun problème lié à leur comportement. Ils sont exemplaires. » Avec les Tchadiens, ce sont les seuls aussi à disposer d’un équipement suffisant, alors que les autres troupes manquent de tout (de véhicules, d’armes, de chaussures…). « Nous nous sommes donnés les moyens nécessaires car cette crise nous concerne au premier chef », indique un conseiller militaire du président.
Depuis le début des hostilités dans le Nord-Mali, il y a plus d’un an, le Niger affiche de fermes intentions. Ses combattants ont été envoyés très rapidement sur le théâtre des opérations. Et depuis quelques jours, l’entourage du président peste contre la lenteur avec laquelle certains voisins ont envoyé leurs contingents au Mali. Partisan depuis longtemps (avant même le déclenchement de l’opération Serval, le 11 janvier) d’une intervention armée, Issoufou continue de militer en faveur d’une réponse forte face aux groupes jihadistes. D’où son inquiétude pour l’avenir. Selon son entourage, l’option que semblent privilégier les Nations unies pour prendre la relève des Français dans les prochains mois (une mission de stabilisation classique secondée par une « force parallèle » qui devrait être assurée par l’armée française) ne le satisfait pas. « À quoi servirait une force de stabilisation ? s’irrite un de ses proches collaborateurs. Nous avons vu ce que ça a donné en RDC. On a dépensé des milliards pour quel résultat ? Les rebelles passent à deux mètres des Casques bleus et ceux-là ne peuvent rien faire ! Au Mali, ce n’est pas un mandat comme ça qu’il faut. C’est un mandat offensif, dont l’objectif serait la reconquête de tout le territoire. » Un officier membre de l’état-major de la Misma, venu informer le président nigérien de la situation sur le théâtre des opérations, ne dit pas autre chose : « En face, nous n’avons pas des rebelles, mais des terroristes. Si on ne veut pas casser l’élan actuel, il nous faut un mandat offensif. » Reste à convaincre ceux que l’on nomme à Niamey avec un soupçon d’irritation « les bureaucrates de New York ».