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TRIBUNE : Nous fûmes quand d’autres n’étaient pas !
Publié le jeudi 24 aout 2017  |  La lettre du Mali
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Enfin ! Comme une bouffée d’oxygène, le discours du président a touché le cœur des Maliens les libérant d’une hantise de lendemains incertains. C’est avec soulagement et délectation que l’ensemble des Maliens ont accueilli l’annonce du président de surseoir au projet de réforme constitutionnelle. Que d’eau a coulé sous le pont ! Que de plumes laissées en vol !
Point n’est besoin de voir dans cet acte un échec, un recul, un renoncement ou une victoire d’un camp sur un autre. Non, aucun de tout cela ne vaut la portée de la volonté de privilégier la cohésion sociale, la stabilité nationale, la sécurité et le renforcement de la démocratie.

"L’une des grandes chances de notre pays réside dans le fait que dans les périodes les plus complexes, il se trouve toujours des hommes et des femmes qui se dévouent pour réduire les divergences et pour entretenir les chemins du dialogue. Or, aujourd’hui, nous Maliens avons impérativement besoin de nous écouter, de nous comprendre et d’aller ensemble de l’avant".

En proclamant cette vertu du dialogue, fondatrice de notre nation, le président assène le coup de grâce à ceux qui caressent la basse chimère d’un Mali en lambeaux. Non le Mali ne chavirera point. "Nous fûmes quand certains n’y étaient pas !", autre proclamation jugée grandiloquente en son temps, mais vérité solide quand on connaît l’histoire de ce grand pays et des hommes qui l’ont façonné.

Oui, nous fûmes ! Nous fûmes à Kurukanfuga pour sceller la paix sans vantardise des vainqueurs ni complexe des vaincus. C’est par le dialogue que tout le Mandé, confiant sa destinée à Sunjata, a défini le rôle des uns et des autres et les conditions d’une vie commune pacifique.

Il y a plus de sept siècles que nous fûmes parvenus au moment où les Plantagenets et les Valois s’apprêtaient à précipiter l’Europe dans la Guerre des Cent Ans et qu’aussi bien le Bill of Rights (1669) de Guillaume d’Orange que la Déclaration des droits de l’Homme (1791) de Jérôme Marie Champion de Cicé étaient encore de lointaines rêvasseries.

Oui nous fûmes ! Sans complexe ! Quand le sous-bassement de la nation était menacé en 1991. Ce sont encore et toujours nos sages qui sont sortis pour inviter le chef d’alors à aller dans la direction du peuple. On se souvient des sages Monseigneur Luc Sangaré, Révérend Kassoum Kéita, l’imam Oumar Ly, inlassables dans leur volonté inébranlable de recherche d’entente entre les fils du pays aux années de braise.

Peut-on rester aphone quand la voix outre-tombe de Samalé Bamba Kéita, de Djamoussa Dian, de Bakary Soumano, de Kandafing Kéita, de Talmanane Twati, de Dianguina Dravé, d’Amadou Coumba Niaré, de Titi Niaré, de Bomboli Niaré appellent à la raison et à l’entente entre leurs descendants !

Quelle que soit sa solidité et à quel que degré de gravité que se trouve le problème, les notabilités traditionnelles qu’on aime appeler les sages, les familles fondatrices de Bamako et les religieux, ont su trouver la bonne parole pour raisonner le chef sans l’humilier, sans l’affaiblir, sans le désobliger. Hier, nous fûmes ainsi dans la lignée de nos illustres devanciers, aujourd’hui nous sommes vent débout pour rappeler au monde entier l’héritage dont nous sommes dépositaires.

Que ne se sont-ils pas dit les uns les autres durant trois mois de contestation ! La dureté des tons était proportionnelle au niveau du clivage atteint dans la société. On doutait les uns des autres. On s’insultait hélas à la place publique (les réseaux sociaux en étant un), on a perdu le sens de la retenue.

Cependant, il nous est resté l’essentiel quand personne ne croyait plus à une sortie honorable pour le Mali de cet imbroglio. L’essentiel, c’est le dialogue, c’est cette valeur cardinale qu’est le respect des anciens.

Ils sont sortis, ils ont parlé et tout est entré dans l’ordre. Tel est le Mali qui peut tanguer mais qui ne chavire point tant que le dialogue reste un ressort que tout le monde porte, tant que nos sages et nos religieux demeurent les remparts de la nation. Nous fûmes bien sûrs !

Quand on voit les images de fraternisation entre Ras Bath et le président appelant le premier son fils, quand on écoute la voie empreinte d’émotion de Mme Sy Kadiatou Sow, s’adressant au président dans une courtoise qui ébranle des rocs, quand on suit les prêches de Chérif Madani Haïdara appelant le président à associer ces jeunes à la vie de la nation, et quand après toutes ces suppliques, le président dit qu’il ne peut faire autrement que d’accepter tout ce qui a été dit, on ne peut qu’être fier d’être Malien, porteur d’un lourd héritage. Humble serviteur auquel Dieu donne l’exaltante chance de conduire la destinée de ses semblables, IBK ne peut pas ne rester coi et imperméable.
Encore une fois, nous avons démontré que la parole comporte toutes les vertus. Le président sort grandi encore plus de ce dialogue avec des Maliens qui appelaient juste à en faire l’usage. Les lauriers sont à tresser aux leaders religieux et aux notabilités traditionnelles qui ont su indiquer la voie tracée par les ancêtres et que par moment, il nous arrive de dévier.

Les lauriers sont à tresser pour le président qui a su montrer son ouverture, son patriotisme et sa hauteur de père de la nation. Les lauriers sont à tresser à la Plateforme qui s’est battue et qui s’est montrée digne de confiance. Alors de ces lauriers respectifs, faisons le jardin de la prospérité du Mali la main dans la main sans doute sans peur.

Moussa Cissé
Diplomate écrivain, Paris
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