Pendant que le débat du Franc CFA ne cesse de prendre de l’ampleur, la nouvelle monnaie commune de la CEDEAO se présentait comme une alternative viable. Mais, l’annonce du président de la Commission de l’organisation sous-régionale refroidit quelque peu les ardeurs des anti Franc CFA. Désormais, il faudra attendre au moins sept ans alors que sa mise en place était prévue pour 2020.
Et si les arguments, de plus en plus forts sur le continent africain, qui étayent la nécessité de sortir du Franc CFA étaient passionnés ? La question mérite d’être posée, d’autant que sur le sujet, il y a plus de critiques que de propositions. Et la dernière sortie de Marcel De Souza, président de la Commission de la CEDEAO montrerait l’incapacité, pour le moment, des Etats d’Afrique de l’ouest, de se fédérer financièrement et économiquement pour la création d’une monnaie commune qui enverrait le Franc CFA dans les archives de l’Histoire.
Au sortir d’une audience que le président nigérien lui accorda, il y a moins de deux semaines, De Souza déclara que les critères de convergence, indispensable à une monnaie commune viable sont loin d’être réunis. Parmi lesquels, l’inflation, qui dans certains pays de la zone, atteint des sommets ou encore le déficit budgétaire. Il a pris l’exemple du Ghana qui atteint un niveau d’inflation de 15%, du Nigéria qui fait face à d’énormes contraintes budgétaires à cause des cours mondiaux du pétrole et de la Côte d’Ivoire, touchée par la baisse des cours de cacao qui peine à réduire son déficit budgétaire. Il est à noter, qu’il s’agit là de puissances sous-régionales, censées être la locomotive économique de la CEDEAO.
Et le président de Souza de renchérir : « une économie est convergente lorsqu’elle a une politique budgétaire coordonnée à la fois avec une politique monétaire et une politique d’endettement. Ce qui n’est pas encore actuellement le cas pour nos Etats où l’inflation constitue un véritable problème. »
Fort de ce constat amer, il faudrait donc attendre 7 à 10 ans avant de voir la monnaie commune de la CEDEAO tant attendue. Il s’agit d’un véritable casse-tête car la zone abrite de nombreuses monnaies : le Franc CFA, le Naira du Nigéria, le Cedi du Ghana, le Dalisi gambien, le Peso cap verdien et le Leone de la Sierra Leone. Toutes ces monnaies devront disparaitre pour laisser place à une seule avec l’institution d’une banque centrale.
La conquête de la souveraineté monétaire africaine est un long chemin semé d’embuches. Certes, le Franc CFA présente, à de nombreux points, un handicap pour les pays africains qui l’utilisent. Mais, pour une prise en charge monétaire, la meilleure possible, la question mérite d’être traitée sans passion. Très souvent, emporté dans un élan nationaliste, l’on oublie souvent que nos dirigeants ont une grande part de responsabilité dans cet asservissement monétaire.
A titre de rappel, la Banque de France et le Trésor français exigent que lorsqu’on émet 1 Franc CFA, qu’on soit sûr d’avoir dans les caisses françaises 0, 20 F CFA sous forme de devises. Mais, les Etats africains couvrent jusqu’à la totalité de l’émission monétaire. L’écart qui est de 80% pourrait servir à divers projet de développement dont des investissements. La question donc se pose : pourquoi nous détenons autant d’argent au sein du trésor public français que nous délaissons finalement ? Point de réponse à l’horizon.
Il faut, à tout prix, éviter de se précipiter de créer sa propre monnaie pour ensuite regretter et chercher à revenir sous l’ombre de l’ancienne puissance colonisatrice. Souveraineté monétaire d’accord. Mais, objectivité et rigueur d’abord !