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Art et Culture

«Deam Mandé-Djata» Rokia Traoré, artiste: Une écriture contemporaine pour restituer l’épopée mandingue
Publié le samedi 26 aout 2017  |  Le Reporter
Rokia
© AFP par VALERY HACHE
Rokia Traoré
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Du 21 au 24 juillet 2017, Rokia Traoré a participé au Festival d'Avignon (France) pour présenter son nouveau spectacle, «Dream Mandé-Djata». Un monologue musical sur l'épopée de Soundiata Keita, fondateur de l'empire manding au XIIIe siècle.

Dans ce spectacle, les chants traditionnels (en bambara), accompagnés à la kora (Mamadyba Camara) et au ngoni (Mamah Diabaté), alternent avec une narration en français. Un texte fruit de l’inspiration engagée de Rokia Traoré. Elle y raconte l'histoire d'une large partie de l'Afrique occidentale transmise par les griots et les historiens. «Je m'interrogeais sur le fait que le reste du monde n'était pas au courant de l'histoire africaine», a déclaré Rokia à nos confrères de Le Point (Le Point-Afrique, France) à qui elle a accordé une interview au siège de sa Fondation Passerelle, à Missabougou (périphérie de Bamako).

«Cela fait dix ans que ce projet m'accompagne. Il est lié au fait que je suis revenue vivre au Mali, ce que j'avais d'ailleurs toujours envisagé. Les épopées d'Afrique de l'ouest m'intéressent beaucoup parce qu'elles permettent de comprendre à quel point tous ces pays étaient proches, Mali, Sénégal…», a-t-elle précisé. Et de rappeler que «la complexité du projet venait de toutes les différentes versions de l'épopée de Soundiata. Il fallait récolter les informations auprès des griots, dépositaires de l'histoire, et arriver à faire une synthèse».

Ainsi, son ambition était à la fois de «restituer l'histoire» telle que reçue et la restituer à travers une écriture contemporaine. «En effet, je maîtrise à la fois une culture étrangère et la culture malienne, le français, l'anglais et le bambara, ce qui me permet de faire comprendre ailleurs quelque chose d'ici. Ma position d'hybride, j'en ai fait mon identité d'artiste», a précisé Rokia à nos confrères français.

Pour cette création musicale, la Rossignole du Bélédougou a profité de l’immense talent de la regrettée Bako Dagnon (décédée en juillet 2015) ainsi que de l’expérience de Peter Sellars. «Peter est une personne exceptionnelle dont le talent s'impose quand il s'agit de savoir comment raconter une histoire, pour vous aider à la mettre en scène», reconnaît Rokia Traoré. «C'est lui qui m'a approchée, en 2005, pour la première fois en me faisant comprendre que j'avais la capacité d'unir musique et texte.

Moi, je pensais faire de la musique, mais en même temps j'avais envie de reprendre l'écriture qui a été mon premier moyen d'expression très tôt, à l’enfance», se souvient-elle. Et de poursuivre : «je n'avais pas pensé à cette possibilité en moi de créer au-delà de l'album, donc Peter a été un grand déclencheur et dans mon parcours, a créé un grand tournant. Il m'a donné un an pour créer un projet. Ce fut Wati. Et ensuite, il m'a proposé de mettre en musique le livret de Toni Morrison Desdemone d'après Shakespeare. Ce fut une expérience très importante. Alors, quand j'ai commencé à écrire Dream Mandé, je lui ai demandé son regard, pour le passage de la narration à l'interprétation».

Comme elle le dit si bien, cette œuvre est comme «une restitution que de raconter en français une histoire mandingue». Après Avignon, promet Rokia, «le spectacle va se développer encore. Et je suis heureuse d'avoir travaillé avec des artistes qui sont proches de la Fondation Passerelle, pour les uns que j'ai formés notamment dans la chorale, pour d'autres que je retrouve régulièrement sur les projets extérieurs».

Écouter le peuple pour traduire ses préoccupations en vision politique
Dream Mandé s'inscrit pleinement dans la vocation de cette Fondation où Rokia rêve à la fois de donner une forme à ses projets et accueillir ceux d'autres artistes. «L'histoire de ce bâtisseur d'empire repose beaucoup sur la diplomatie et la communication. Il est plus que jamais un exemple, et là, je m'adresse aux gouvernements maliens au pluriel, qui depuis 1991 et l'avènement de la démocratie, ont tous commis la même erreur : le manque de communication avec une population qui ne comprend pas toujours et se met à spéculer sur des informations, des chiffres, qui deviennent des rumeurs», a expliqué l’artiste dans son entretien accordé à la presse française (Le Point Afrique).

«Le talent de Soundiata à communiquer et à convaincre lui a permis de construire un empire avec d'autres sur la base de l'entente et du libre-échange», a précisé Rokia. Pour ce qui est de sa carrière purement musicale, la jeune star est visiblement décidée à marquer une pause. «J'ai envie d'attendre, de ne pas faire d'album dans la foulée. Ce qui marche, c'est le rap, la grosse variété africaine. Le jazz ne s'en sort pas mieux, mais il a son petit public qui a les moyens, comme celui de la musique classique», a-t-elle expliqué.

Un choix aussi dicté par le fait que «la world music est sans soutien et la musique africaine au milieu de tout cela est moins bien lotie encore que le fado ou le tango. D’où un véritable souci économique» ! Son précédent album, Né So (Chez moi, le 6e opus) est sorti en 2016.

Kader TOE
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