PARIS - Trois mois après le début de son intervention militaire, le 11 janvier, la France s'apprête à retirer ses premières troupes du Mali, mais contrairement à ce que Paris espérait son armée semble engagée pour longtemps dans le pays.
Et l'avenir politique du Mali, l'une des clés de la stabilité de la région,
est toujours aussi confus.
En trois mois, les troupes françaises ont infligé de lourdes pertes aux groupes islamistes et démantelé leurs réseaux dans le nord du pays. Premier visé, Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), considéré comme la principale menace pour la France et l'Europe au Sahel, a été défait dans son sanctuaire du nord-est.
"Plus de 600 terroristes, sur les 1.500 à 2.000 combattants radicaux
identifiés, ont probablement été éliminés, des stocks d'armes, de munitions et
d'essence ont été détruits en grand nombre. Des chefs, comme Abou Zeid, ont
été éliminés", rappelle Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche
sur le renseignement (CF2R). En substance, affirme-il, "on a renvoyé les
terroristes cinq ou dix ans en arrière. Ca ne veut pas dire que la menace a
totalement disparu, mais on l'a fait reculer de manière significative".
Si les opérations de ratissage se poursuivent dans le massif des Ifoghas et
le long de la frontière algérienne, l'armée française a commencé à alléger son
dispositif dans le nord-est. Elle concentre désormais ses efforts plus au sud,
autour de Tombouctou et Gao, où elle a lancé ce week-end une vaste opération,
avec un millier d'hommes, pour traquer les combattants du Mouvement pour
l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), désormais le plus actif
sur le terrain.
Dans cette zone où il bénéficie de soutiens au sein de la population et
peut se dissimuler dans les villages, le Mujao harcèle les habitants et les
forces maliennes. Mais selon les spécialistes, la capacité de nuisance des
islamistes reste limitée. "En trois mois, le niveau de réaction des
terroristes a été très faible, si ce n'est quasiment nul", relève Eric Denécé.
Fin avril, un premier contingent de quelques centaines de soldats français
de l'opération Serval devrait donc quitter le Mali. Un début de retrait très
politique, pour montrer que la France entend passer au plus vite le relais aux
forces africaines pour assurer la sécurité du Mali. Et, selon le président
François Hollande, il ne devrait plus rester en juillet qu'environ 2.000
militaires français dans le pays, contre 4.000 actuellement.
Juillet, c'est la date à laquelle Paris exige la tenue d'élections
présidentielle et législatives au Mali. Une date sur laquelle le chef de
l'Etat se veut "intraitable".
"Il paraît assez urgent de mettre en place quelque chose qui ressemble à un
pouvoir légitime", souligne François Heisbourg, président de l'Institut
international des études stratégiques (IISS). L'enjeu est, selon lui, "de
créer les conditions qui permettent à un processus d'intégration nationale de
s'opérer".
Après avoir martelé que ses soldats n'avaient pas vocation "à rester
durablement au Mali", Paris a proposé à l'ONU et au gouvernement malien de
maintenir une "force d'appui" d'un millier d'hommes dans le pays. Une force
"permanente", selon Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, "pour
lutter contre le terrorisme".
Cette force serait "parallèle" à celle que les Nations unies souhaitent
mettre en place pour prendre le relais des troupes françaises et de la Misma,
la force des pays de l'Afrique de l'Ouest, pour stabiliser le Mali.
Un millier d'hommes équipés d'hélicoptères, capables d'intervenir
rapidement en soutien des casques bleus en cas d'attaques des islamistes. Le
dispositif envisagé rappelle, selon François Heisbourg, le précédent de la
force française Licorne déployée depuis 2002 en Côte d'Ivoire en soutien des
Casques bleus. Onze ans après, elle compte encore 450 hommes.
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